Extrait du journal
On nous écrit de Madrid, le 18 janvier : Voici une lamentable histoire, un drame passionnel dont les héros ont à peine qua rante ans à tous les deux. La jeune femme a tenté de tuer le jeune homme. Ce n'est point de sa faute si elle n’a pas réussi a en faire un cadavre. Eduardo Conte avait fait la connaissance de la jeune Justa dans la maison de son frère, sous le toit de laquelle il vivait, et où ceile-ci était entrée comme domestique. Eduardo était étudiant. Quand son frère ap prit les amours de cette jeunesse, il voulut renvoyer sa bonne. Eduardo préféra partir avec elle de la maison, plutôt que de la voir victime de sa tendresse.Les deux jeunes gens allèrent s’établir dans un petit appartement situé au troisième étage d'une maison de la rue de la Primavera. Le malheur voulut qu'ils n’y allèrent pas seuls. Bien que des plus modestes, le prix du loyer était encore trop élevé pour leurs faibles ressources, ce qui les induisit à le partager avec les époux Tortosa, qui emménagèrent en même temps et prirent à leur compte la moitié de l’appar tement. Tortosa est un garçon de café, actuel lement sans emploi. Quand Eduardo était ab sent de la maison, il faisait la cour à la jeune Justa. Un matin qu’Eüuardo était sorti de bonne heure et que Justa était encore au lit, Tortosa s'enhardit jusqu à pénétrer dans la chambre et la jeune femme succomba. Pendant ce temps, la passion d’Eduardo pour Justa grandissait. Il voulait la couron ner par le mariage. Le pere de Justa, qui ha bite un village de la province de Volladolid, avait envoyé son consentement. Tortosa l’ap prit. 11 jura de faire echouer le mariage. Et, ces jours derniers, il apprenait à Eduardo l'infidélité de sa fiancée. Eduardo fut com me foudroyé par cette cruelle révélation. Il demanda des preuves. Tortosa les lui fournit convaincantes. Alors, fou de douleur, le malheureux étudiant alla vers Justa : « -- Tu m’as trahie ! » lui dit-il. La jeune femme nia d'abord, puis elle entra dans la voie des aveux. La confession terminée, Eduardo dit à Justa : « — C’est bien. 11 faut nous séparer. Tu vas quitter la maison tout de suite. » Et il sortit, en proie au plus pro fond désespoir. Pendant son absence, Justa eut une crise de nerfs. Revenue à elle, elle songea à sa si tuation. Qu’allait-elle devenir ? Mais, étrange logique ! au lieu de tourner ses ressentiments contre Tortosa. elle songea à tuer Eduardo et a se suicider ensuite. Jamais elle ne pour rai’ vfvr» sans son Eduardo adoré. Mors, elle ta pielérait mon. séparé d’eile, ne serait-il pas tout de même perdu pour son cœur ? Toutes ces pensées, elle les roulait dans son esprit en préparant sa malle. Soudain, en rassemblant ses effets, elle mit la main sur un rasoir, le rasoir dont Eduardo se ser vait quotidiennement pour faire sa barbe. Un éclair illumina ses yeux. Justement Eduardo rentrait au logis en ce moment. Justa dissi mula l’arme dans son corsage et s’assit sur le lit en invitant l’étudiant à s’asseoir sur la chaise où.elle appuyait les pieds. Une scène des plus pathétiques éclata alors entre les deux jeunes gens, au cours de la quelle Justa rappela les joies de leur passé. « — Eh quoi, ajoutait-elle, tout cela serait mort pour toujours ! Nous nous séparerions pour jamais ! C'est impossible.Pardonne-moi, mon Eduardo adoré ! » En s'exprimant ainsi. Justa caressait la tête de son ami et lui embrassait les cheveux. Mais Eduardo resta inébranlable. « — Nun, nous ne pouvons plus vivre en semble. Le bonheur nous a abandonnés sans espoir. 11 faut en finir ! Va-t-en ! » Il n’avait point fini qu’il sentit au cou le froid d’une lame d’acier et éprouva une dou leur aiguë. Un flot de sang jaillit et lui tei gnit de rouge la chemise. Comprenant qu’il était blesse, il voulut s’arracher à l’étreinte de Justa ; mais celle-ci le retenait avec force et continuait à lui taillader la gorge en lui portant frénétiquement des coups de son arme. Enfin, il parvint à se dégager, non sans avoir reçu de graves blessures aux mains et aux bras. A ses cris, la femme de Tortosa accourut. Puis, les voisins firent monter un agent de police qui désarma la jeune femme et la mit en état d’arrestation. Quant à la victime, qui perdait tout son sang, elle fut transportée à l’hôpital général où les soins que comportait son état lui ont été prodigués. Il est à craindre qu’Eduardo ne survive pas à ses blessures. Pendant ce temps, la meurtrière était con duite à la « Casa de Canonigos » et incarcé rée par ordre du juge de service. — Ce n’est pas Eduardo que j’aurais dû tuer, dit-elle à ce magistrat.qui l’interrogeait, c’est l’autre. Et puis, j’aurais dû avaler le poison que j’avais préparé. On ne m’en a pas donné le temps l » — E....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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