Extrait du journal

ceux du rez-de-chaussée s’entrebâillent par fois, mais personne jamais ne se montre aux croisées. Cependant la demeure est habitée. Un homme âgé, triste et silencieux, y vit soli taire, servi par deux domestiques silencieux comme lui. Le mari est valet de chambre ; la femme s’occupe des ravaudages et de la cui sine. Trois fois par semaine, un jardinier vient ratisser les allées, peigner les pelouses .Quant aux visites, elles sont d’une excessive rareté. Les voisins du personnage qui nous occupe peuvent voir deux ou trois fois par an une voiture stationner devant l’hôtel, et quelqu'un sonner à la grille, un homme grave et âgé comme le maître de céans, et c’est tout. L’hôte de cette demeure endormie passe ses jours enfermé dans l’immense pièce qui lui sert de cabinet de travail cl qui donne sur le jardin. Il écrit, il lit des livres de science, ou bien, enfoncé dans un vaste fauteuil de tapisserie, les bras sur les accoudoirs, la tète penchée, il rêve. Son regard se porte alternativement vers deux beaux portraits se faisant vis-à-vis. L’un est placé entre les deux fenêtres : il représente une femme fort jolie, au doux sou rire induisent, au bon regard de ses beaux yeux gris illuminés tics flammes de l’amour. Elle semble ne pouvoir détacher ses prunel les de la toile placée en face. C'est également un portrait, celui d’un en fant, un garçonnet d'une dizaine d’années, dont les boucles blondes tombent, encore sur son col blanc et sa cravate de soie bouffante. Cet enfant ressemble do façon frappante à la jeune femme aux beaux yeux gris. Certainement, il s’agit du fils et de la rçèrc. — Tout ce que j’ai chéri ! murmure souvent le vieillard dans un soupir d’indiscible tris tesse. Il dit vrai....