Extrait du journal
Voici sept mois à peine qu'il est mort «et il a fallu la vente prochaine de sa bibliothèque ou plutôt de la partie de sa bibliothèque que l’Institut n’a pas ache tée, pour rendre à son nom, au moins pour quelques jours, cette actualité dont la diversité des événements contempo rains trop souvent tragiques, les circons tances en lesquelles ils se déroulent, la rapidité avec laquelle ils se succèdent, dépouillent promptement les hommes et les choses qui disparaissent. Je veux profiter de ce regain d’actualité dont va bénéficier sa mémoire pour rappeler ce que fut cet homme si distingué par le talent, le caractère et le cœur, et qui, dans des œuvres où la faculté de vision de l’historien n’est égalée que par l’art de l’écrivain, a fait revivre les plus poi gnants épisodes de l’épopée napoléo nienne. Quand on regarde à sa première jeu nesse, au milieu dans lequel il naquit et fut élevé, à ses débuts dans les lettres et au succès de ses premiers travaux, on ne peut s’empêcher de penser que, dès le berceau, une bonne fée avait étendu sa protection sur lui ; et, en fait, si n’étaient les tristesses de sa fin prématurée, on ne saurait contester que sa vie, de son pre mier à son dernier jour, fut une vie heu reuse. Son entrée dans la littérature lui fut facilitée par son père, le séduisant Arsène Houssaye. C’est un précieux et réconfor tant avantage de recevoir, en venant au monde, un nom déjà célèbre. A la faveur de son éclat, celui qui le porte voit toutes les barrières s’abaisser devant lui. De nos jours, Henry Houssaye n’est pas le seul qui ait dû à son père de ne pas connaî tre les difficultés, les déceptions et les amertumes des débuts. Pour mesurer à sa vraie valeur le prix d'un patronage paternel, il faut avoir passé par les épreu ves que subissent ceux qui débutent, réduits à leurs seules forces et sans avoir par avance un appui assuré. Toutefois, cet appui ne suffirait pas s’il n’était secondé par le talent et la valeur personnelle de celui au profit duquel il s’exerce. Nous avons vu, nous voyons encore des « fils à papa » rester en che min ou se révéler médiocres dans les fondions dont le nom qu’ils portent leur a facilité l’accès. Tout le monde n’est pas un Alexandre Dumas fils ou un Henry Houssaye. Moins purement artiste que son père, celui-ci a eu plus que lui le don d’évoca tion et une merveilleuse habileté à ren dre la vie au passé. Il l’a prouvé en écri vant tant d’émouvants récits desquels il faut dire, si l’on veut être juste, que s’ils n’ont pas le mérite de nous apprendre du nouveau et de nous conduire à travers des régions inconnues, il a rajeuni les événements par la manière dont il les a évoqués et les a mis en scène. Prenons par exemple son livre sur Waterloo. Assurément, s’il est un sujet qui ait tenté de nombreux historiens et fait couler des flots d’encre, c’est celui-là. Sans parler de Victor Hugo et de Sten dhal, qui nous ont émus violemment en employant pour peindre la mémorable bataille des procédés si différents, ils sont légion ceux-là qui ont tenté avec plus ou moins de talent d’en reconstituer les péripéties, et de nous montrer cet acte final du drame extraordinaire et quasi surhumain dont l’empereur est le héros. Mémorialistes, historiens, stra légistes, tacticiens, grands capitaines, soldats obs curs, ils sont innombrables, ceux qui les ont racontées, comme le sont aussi les peintres qui en ont fixé le souvenir épi que sur la toile. Rien qu’avec les titres des ouvrages des uns et la nomenclature des tableaux des autres, on ferait un volume. Il ne semblait donc pas que ce sujet grandiose, lorsque, il y a dix ans, Henry Houssaye l’aborda, pût être rajeuni et se prêtât à des révélations. Il ne s’y jeta pas moins avec l’esprit de décision dont tous ses travaux portent la marque, et il y a employé la méthode très personnelle qui les distingue de ceux d’autrui. Que de fois, au cours de nos affectueux entretiens, dans un salon littéraire dont un livre récent de M. Arthur Meyer nous a rendu la physionomie attrayante, que de fois, dis-je, en présence du regretté Albert Vandal, qui a été, lui aussi, un grand historien, j’ai entendu le pauvre Houssaye nous exposer sa méthode ! — Je suis moins préoccupé que vous d’apporter du nouveau, disait-il. Tant mieux si j’en trouve ; mais, ce n’est pas là le but que je poursuis. Il m’importe peu que ce que j’entreprends de raconter, d’autres l’aient déjà raconté. Pour moi, tout sujet est neuf ou, du moins, je le traite comme s’il l’était. Je néglige les ouvrages antérieurs et je ne les lis que lorsque, étant allé aux sources, c’est-àdire aux documents d’archives, et ayant réuni tout ce qui peut m’éclairer, j’ai fait mon plan. Alors, je peux constater les erreurs que mes prédécesseurs ont commises, tirer parti de détails qu’ils ont ignorés ou négligés, et concilier les dires contradictoires en me rapprochant le plus possible de la vérité. » Cette manière de reconstituer le passé est celle de l’école historique contempo raine. Mais, de plus en plus, celle-ci atta che surtout du prix aux événements peu connus et oubliés, et c’est à ceux-là sur tout qu’elle l’applique. Henry Houssaye a moins cherché à être révélateur qu’à...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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