Extrait du journal
Mon Dieu ! quelle peine nous avons à nous mettre en face des idées nouvelles et a en accepter les conséquences tout en pré tendant les accepter elles-mêmes ! Quel sol dur à lendre et infertile aux semailles laissent les pas des générations là où elles oi t piétiné durant des siècles ! je le constate une fois do plus, avec mélancolie, dans deux ordres d’idées très différents mais touchant l’un et l’autre à de hauts points d’humanité. Et d’abord, dans la façon dont nous com prenons encore l’application des peines. Le siècle qui s'achève a fait cependant un grand pas dans le domaine des idées do justice. Les plus Illustres criminalistes con temporains ont tenté de livrer à la science le terrain delà responsabilité humaine pour y tracer des limites. De grands philosophes comme Tolstoï ont contesté à la société le droit de Juger, dans le sens absolu du mot, les actes de ses membres, lui laissant sim plement celui de sc défendre d’eux à l’occa sion, sans attenter toutefois jamais ni à leur vie ni à leur liberté. Devant un idéal moins simpliste, l’antique peine du talion a été reléguée parmi les restes do la barba rie. Ainsi du vieil adage : « Œil pour œil, dent pour dent! » Un souille évident de christianisme, qui avait pris son temps, venait fondre la rigueur de la loi Judaïque et de la loi romaine, dont l’implacabilité était la caractéristique commune. Et ces idées sont aujourd’hui, au moins à l’état latent, dans toutes les consciences. La prétention de proportionner des peines nu degré d’infamie de coupables dont l’état U’àmo demeure mystérieux est apparue dans tout son ridicule. C’est entendu; la société abdiquera l’orgueil d’une iinpeccabilité presque divine. Dans un domaine purement humain, elle fera une œuvre purement humaine. Elle ne punira pas les révoltés, mais les mettra seulement dans l’impossibilité de nuire. Or. voyez un peu — et co n’est peut-être pas la faute des magistrats — ce qui se pa.-sc depuis quelques jours qu’on épure les quartiers où les malandrins avaient entre fer de faire la loi. La police, dont c’est le devoir, les traque courageusement, — il fruit le reconnaître, — et les pousse, en masses subitement résignées par l'habi tude, devant les prétoires. Ce leur est une occasion de régler leurs comptes anciens qui se soldent, suivant les cas, en années ou en mois de prison. On profite d’une si belle aventure pour les punir, pour venger les gardiens de l’ordre des horions qu’ils leur ont prodigués. Mais en met-on réellement un seul dans l'impossibilité de nuire, mémo à long tanne? Pas du tout. Ils reprendront leur rang parmi le gibier des rafles à venir. Voilà, pour la ville, une grande tran quillité ! Et on les punit même si peu, sans mir le droit d’arborer aucun prétention moralisatrice plus élevée, que vous en voyez qui repoussent avec mépris la loi Lionfaisante dite de sursis. Là, la société abdique le seul droit qui soit incontestablement le sien, celui d’en voyer vivre dans d’autres cieux ceux qui n’ont pas accepté ses contrats les plus élé mentaires, comme ceux relatifs à la vie et à la propriété. Vous me direz que rien n’est prévu pour mieux faire. Cela est tout sim plement fâcheux et même un peu honteux pour une grande nation qui ne passe pas pour avare... — Mais voyez ies horreurs do la déportation en Russie ! Essayez de lire les descriptions qu’en fait Tolstoï sans frisson. Le moyen dont les choses sont faites ne prouve, au rond, jamais rien contre elles. Arrachez à l’exil les délits politiques et livrez-cn le détail d’exécution à une administration plus humaine. Toute cette vilenie du contingent cédera devant la légitmitô de l’absolu. Si vous n’avez pas trouvé encore le moyen do rendre les gens inoffensifs, sans les tuer et sans les emprisonner, sans toucher à ces deux choses également sacrées en eux, la vie et la liberté, continuez à convenir que tous les punissez simplement en vertu do la loi du talion , suivant la conception surannée des justices anciennes, et ne vous gargarisez plus bruyamment avec le gros mot de progrès. Voici l’autre ordre d’idées où je constate une contradiction pareille,entre l’évolution «lu progrès et l’obstination dés faits. On s’est beaucoup préoccupé,depuis vingt ans, de rendre la guerre plus humaine, et, avec une satisfaction louable, on a constaté que le progrès incessant des armements n’a pas rendu celle-ci proportionnellement plus meurtrière. Au contraire. Les projec tiles, venant de plus loin, touchent moins souvent leur but. Leur vitesse et leur per...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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