Extrait du journal
A Ta commission du Sénat fut appelé le directeur de l’enregistrement. — Monsieur, lui dit-elle, sans être trop curieux, nous voudrions bien savoir où en est la question du milliard., — Quel milliard ? fit le haut fonction naire. — Mais celui des congrégations. Vous savez bien que lorsque nous avons fait l’opération qui a consisté à expulser les congrégations pour leur prendre ce qu’el les avaient, opération qui rappelle la manière de faire de Robert Macaire, on nous avait annoncé un milliard de pro fit. L’affaire en valait la peine. Un mil liard, cela ne se trouve pas sous le pied d’une mule. Or, de ce milliard, nous avons grand besoin. Les bateaux sont hors de prix, et il nous faut des bateaux. Il nous faudra aussi beaucoup d’argent pour les retraites ouvrières. Nous avons pensé à ce milliard, dont on n’entend plus parler,^ et qui doit dormir quelque part. Peut-être, pourrez-vous nous four nir des renseignements. Le directeur se gratte l’oreille et dit : — Le milliard, oui, le milliard, je sais bien ; j’ai fait des recherches. De mil liard, pas de trace, pas plus que sur la main. Tout ce que j’ai trouvé, o’est un actif de 90 millions. — C’est toujours ça, dit le président. _ Oui, mais grevé d’un passif de 60 millions, ce qui nous donne un bénéfice de trente millions seulement. — Sacrebleu, 60 millions de dépen ses pour en recouvrer 90, c’est salé. — Sans compter les frais inattendus, ïl y aura beaucoup de frais inattendus ; je ne vous conseille pas de compter beau coup sur les trente millions. Vous avez arrêté à temps les procédés de liquida tion ; mais ces liquidateurs sont gens de ressources, et je m’étonnerais bien si les trente millions vous arrivaient sans être réduits.; — Vous ne pouvez pas nous dire com bien il en restera ? „ — J’ai lieu de penser que cela s’équili brera., ^— Sacrebleu ! ce n’était pas la peine d’être malhonnête pour un si mince résultat. C’est curieux comme cela réus sit peu de prendre le bien d’autrui. C’est dégoûtant, ma parole d’honneur. Qu’estce que vous voulez que nous fassions ? — Je n’en sais rien. Je vous dis ce qui est., — Mais ce n’est pas possible. Ces genslà possédaient plus que cela. Comment, voilà une opération qu’on peut appeler de tout repos, aucun risque à courir. Il n’y a qu’à se baisser pour en prendre ; et voilà que lorsqu’on se relève, les écus se sont transformés en feuilles sèches. Il faut que le diable s’en soit mêlé. Faites de nouvelles recherches, monsieur le direc teur. Ou plutôt non, arrêtez-vous. Vous finiriez par trouver que c’est nous qui redevons de l’argent. — Il y a, en effet, des procès qui ne sont pas terminés, et des procès il faut se méfier. — Vous n’êtes pas rassurant.. Ce serait tout de même un peu fort que nous finis sions par en être de notre poche., — Hé ! Hé ! tout arrive. I — Où donc ce Waldeck avait-il la tête de nous promettre comme cela un mil liard ? Je sais bien qu’un discours, ce n’est jamais que des paroles. Tant pis pour ceux qui sont assez bêtes pour y croire. Aussi aurions-nous accepté une réduction. Mais rien du tout, ce n’est vraiment pas^assez. A ce prix-là, autant aurait valu rester honnête. — Sans compter ce que vous perdez d’impôts. Voici la Chartreuse, par exem ple. Eh bien l la Chartreuse était une af faire qui vous (Tonnait bon an mal an,sous forme de patentes et autres, de notables bénéfices. Vous l’avez tuée. Il ne vous reitte que vos yeux pour la pleurer. Vous avez agi cette fois, et d’autres encore, comme le bonhomme de la fable avec sa poule aux œufs d’or. Vous avez éventré la poule et n’avez rien trouvé dedans. — Merci bien, monsieur le direc teur, vous pouvez vous retirer.. Le directeur salua et se retira, laissant nos gens décontenancés. — C’est terrible tout de même, dit le président, au bout d’un silence, de n’avoir que des feuilles sèches au lieu des bons écus que nous attendions., — Bah l dit un membre, nous en avions fait notre deuil. Est-ce que vous y comptiez beaucoup sur ce milliard ? Moi, pas. Nous le remplacerons par de nou, veaux impôts.' — Oui, je sais bien., Mais ne craignezvous pas que la nation, qui voit que tou tes nos réformes aboutissent là, et que depuis la suppression du budget des cul tes elle est trois fois plus pressurée qu’avant, ne nous en garde rancune ? Qu’est-ce que cela fait si elle paye. Voilà déjàle-département de l’Aube qui brûle ses feuilles de contributions. Il...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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