Extrait du journal
C’est notre étonnement, à nous, « gens du Nord », qui vivons sous des cieux qu’un été fâcheux fit plus inclénionts que jamais, de franchir toujouis, aux confins de la Provence, la frontière des Etats du beau temps. Un voyage dans le Midi, si l’on sait éviter la quin zaine critique où le soleil se permet trop de licence, est donc recommandable à tous ceux qui goûtent Véclat du jour plus que la clarté des ampoules électri ques, à ceux aussi, portés au pessi misme, que menace la neurasthénie. Mais ce pèlerinage vers la lumière, la mode exige de ne l’entreprendre qu’aux approches de décembre. Cette année, à cause de 1 Exposition Coloniale, beau coup ont devancé cette date, purement arbitraire, et l’on a pu voir — ô prodige — des Parisiens en août à Marseille. Aucun d’eux, à. ma connaissance, n’est mort, en accomplissant cet exploit. Ceux qu’il m’arrive d’interroger à leur retour, bien au contraire, se révèlent du premier coup propagandistes décides ; ils ne cessent de vanter le charme et l’intérêt puissants d’un séjour qui fut pour eux une révélation. Révélation, en effet, parce que bien peu d’emre eux escomptaient un toi agrément, parce que la réalité avait centuplé leur espoir et que venus, comme l’on dit, pour faire connaissance, sur la foi d’une affiche ou l’invite d’une pancarte suspendue au filet de leur compartiment, ils se flat taient d’avoir tout simplement, sans verser des dizaines de mille francs à une agence, réalisé en peu de jours ce rêve audacieux : faire le tour du monde. Leur unique surprise, qu’il faut noter aussitôt, la voici : c’était que la gran diose manifestation qui a groupé avec un art et un discernement remarquables tout le meilleur de notre établissement colonial, cette Exposition qui raconte la gloire de nos soldats, l’invincible opi niâtreté de nos pionniers, le dessein immortel do ceux qui, d’abord bafoués, voulurent la patrie plus forte et plus grande, que tout ce prestigieux ensemble qui est l’Afrique, qui est l’Asie, qui est le témoignage rendu à la France par les peuples dont elle inclina le cœur vers elle, bref que ce magnifique schéma, étalé sur trente hectares peuplés de symboles, ne fut pas devenu, aux pre miers jours de l’automne, le point de mirq, le rendes-vous impérieux de l’unitvere. « Ah l si l'on savait 1 » ai-je entendu dire. Eh quoi, ne sauraitron donc pas assez ? Y aurait-il encore des gens à ne pas savoir ? — Peut être. Gardons-nous du péril des mots et pesons prudemment nos paroles. Certes, l'Exposition Coloniale est un succès, une indéniable victoire des organisateurs, et cette victoire s’affirme, me dit-on, à mesure qu’approche le terme. Une mul titude, tous les jours, passe par les Sortes de l’enceinte. Mais tout a-t-il ôté ien tenté pour que cet incontestable succès se changeât en triomphe, et cette rivière en un torrent ? Il suffit quelque fois d'une étincelle pour mettre feu à l'enthousiasme. La propagande, sachant qu’elle pouvait tenir ses promesses, et au delà, a-t-elle donné son maximum ? Dans la clientèle locale et celle des villes prochaines, le public a-t-il été suffi samment sollicité de venir voir la Mer veille ? A-t-on réveillé, de force, sa curiosité, traqué son indifférence ? C’est un labeur excessif, presque surhumain, je le sais, c’est une tâche qui exige l’effort mental et financier le plus intense, que de déclancher la faveur de l’opinion et d’enchaîner la renommée. On raconte que lors de l’organisation des Jeux Olympiques, à Stockholm, en 1912, cinq millions de tracts ou d’affiches, en cent cinquante langues différentes, furent répandus dans le monde entier. Ceux qui connaissent l’Amérique savent comment y retentit la trompette de la réclame quand il s’agit de vaincre l’apa thie et d’aiguiller l’intérêt. A-t-on, toute proportion gardée, recouru à des moyens...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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