1908 : Le scandale financier d'Henri Rochette (2/2)
Le financier véreux est condamné en 1912. L'affaire se transforme en 1914 en scandale politique mettant en cause le ministre des Finances Joseph Caillaux.
En 1908, un scandale d'ampleur éclate en France. Le "système Rochette", du nom d'Henri Rochette, banquier aussi habile que véreux, s'écroule (lire notre article).
En mars 1908, Rochette est incarcéré à la prison de la Santé pour sa responsabilité dans l'affaire de la faillite du Crédit Minier. Quatre demandes de mise en liberté provisoire sont rejetées. Il comparaît lors d'un premier procès en correctionnelle en juin 1908. Rochette met en place une défense habile et combative, n'hésitant pas à utiliser la presse pour dénoncer les injustices dont il se dit victime.
Ainsi, avant que le jugement soit rendu, il adresse une lettre au procureur général, rendue publique dans la presse (ici La Libre Parole) :
"Oubliant que j'étais un inculpé, vous avez tenté de disqualifier mon témoignage, comme si j'étais un condamné. Aujourd’hui, votre substitut où l'audience civile a cherché à déshonorer le plaideur et à discréditer le procès en affirmant que je suis un escroc, oubliant, lui aussi, que cette qualification n'appartient qu’au tribunal correctionnel et qu’un inculpé devant la justice civile a droit aux mêmes garanties que tous les autres citoyens. Je peux m’en étonner ; je ne songerai pas à m’en plaindre."
En juillet 1912, Rochette est condamné à trois ans de prison.
Deux ans plus tard, l'affaire se transforme en scandale politique. En 1914, le ministre des Finances Joseph Caillaux est accusé par l'opposition de collusion avec Rochette, pour lequel il serait intervenu.
Le Figaro utilise l'affaire Rochette pour mener une violente campagne de presse contre Caillaux, l'accusant de trafic d'influence, de détournement de fonds publics au profit de son parti politique, de pressions sur des établissements financiers. Le 13 mars, le quotidien annonce en une détenir "la preuve des machinations secrètes de M. Caillaux" :
"J'ai depuis longtemps prouvé que M. Caillaux, rétribué par les banques étrangères qu'il préside et au profit desquelles il supprime les prescriptions du Code pénal, avait dirigé tous les efforts de ses puissantes fonctions politiques vers un seul but : la recherche de l'argent. J'ai démontré qu'il allait jusqu'à violer la loi quand il lui plaisait d'arracher à la prison, pour le rendre à ses vols, un ami, comme Rochette, dont les spéculations, ruineuses pour l'épargne publique, étaient utiles à la politique personnelle du ministre."
Et le directeur du Figaro, Gaston Calmette, de conclure :
"Il est démasqué. Ce malheur public est dénoncé. Et quoi qu'il advienne, les combinaisons mystérieuses de M. Caillaux, portées à la pleine lumière, sont déjouées et flétries ; elles ne pouvaient résister à ce désinfectant énergique : la vérité.
Ma tâche est accomplie. Balayez ! Allez-y !"
Le 17 mars, Le Figaro annonce l'assassinat de Gaston Calmette, tué par la femme de Joseph Caillaux.
En 1924, Rochette est à nouveau mis en cause dans une affaire d'escroquerie.
En 1934, alors qu'il est à nouveau jugé lors d'un procès en appel, Henri Rochette se suicide en pleine audience de la cour d'appel pour, selon ses mots, "hâter sa réhabilitation" (voir tous les articles de presse).
Il est l'un des exemples symptomatiques de la collusion de la finance et du monde politique sous la IIIe République.