Écho de presse

1937 : selon certains, « tout va trop vite »

le 25/05/2018 par Pierre Ancery
le 13/03/2017 par Pierre Ancery - modifié le 25/05/2018

À la fin des années 1930, un éditorialiste de L'Écho de Paris dénonçait les dégâts intellectuels provoqués par l'afflux constant d'images et d'informations nouvelles.

C'est un véritable réquisitoire que dresse le critique et historien Firmin Roz dans un article intitulé "Dispersion", paru dans les colonnes de L'Écho de Paris le 24 novembre 1937. Sa cible : la société de son époque, où "tout va trop vite". La faute au progrès technologique et à la surabondance de sollicitations qui, à tout moment, assaillent les cerveaux de ses contemporains.

 

"C'est un très grand danger qui, à notre époque, menace l'esprit. Notre attention est appelée en même temps sur tous les spectacles du monde ; elle est sollicitée dans toutes les directions de la pensée. Nous sommes invités sans cesse à jouir des beautés les plus diverses ou à réfléchir sur les problèmes les plus compliqués. Notre curiosité est constamment mise en éveil et elle se trouve ainsi plus souvent excitée que satisfaite : mauvais régime, qui entretient une sorte de fièvre et produit à la longue un épuisement."

Roz, membre de l'Académie des sciences morales et politiques, alors âgé de 71 ans, s'en prend aux médias, qu'il accuse de contribuer à cet épuisement de l'esprit sous un afflux trop grand d'informations.

 

"Ce ne sont plus seulement les nouvelles qui nous parviennent presque immédiatement de tous les points du globe, ce sont les images, et nous voyons ce qui s'y passe en même temps que nous l'apprenons [...]. Nous apprenons ainsi trop de choses, et nous en voyons trop, même quand nous ne nous déplaçons pas."

La première victime de cette transformation à grande échelle : l'intelligence humaine. Soumise à un flux continu d'images et de désirs, elle ne peut que s'éparpiller. L'écrivain met en garde :

 

"Le résultat est inévitable. Il se manifeste sous deux formes différentes : la passivité de l'esprit ou sa surexcitation [...]. Dispensés de tout effort par la soumission au défilé cinématographique des images et à la succession des idées dont l'une chasse l'autre, les esprits paresseux s'abandonnent à la dérive ; les plus vifs se laissent emporter par un mouvement accéléré qui les surmène et qui ne leur permet plus ni de jouir de leur activité ni de la diriger. Dans les deux cas tout finit par une sorte d'abdication."

Dans l'entre-deux guerres, époque de modernisation des transports, de généralisation du téléphone et de circulation intensive de l'information, la question de l'accélération du temps fut souvent posée par les penseurs et les écrivains.