Mazarin, le politicien du Grand Siècle
Artisan de la monarchie absolue et adversaire du peuple, ou sage homme d’État et faiseur de paix ? La figure de Jules Mazarin, Italien d'origine modeste qui finit par régner sur la France, fut longtemps controversée.
Rien ne prédestinait Jules Mazarin, de son vrai nom Giulio Raimondo Mazzarino (1602-1661), à diriger la France. Pourtant, cet Italien issu d'un milieu modeste, naturalisé français en 1639, parvint à gravir l'échelle sociale jusqu'à devenir l'un des hommes politiques les plus importants du XVIIe siècle, occupant auprès du roi de France la place de Premier ministre d’État pendant dix-huit ans, de 1643 à 1661.
Après des études de droit, le jeune Mazarin rentre au service du Pape et est nommé capitaine d'infanterie durant la guerre de Trente Ans. Son intelligence et sa séduction naturelle vont le faire remarquer de Louis XIII et du cardinal Richelieu, qui l'invitent en France.
Soutenu par Richelieu qui lui obtient de devenir cardinal, il lui succède à la mort de ce dernier, fin 1642, et devient en 1643 Premier ministre au service de Louis XIII. La même année, à la mort de Louis XIII, il obtient le soutien de la régente Anne d'Autriche et est désigné comme le parrain de Louis XIV encore enfant.
Hier inconnu, Mazarin est désormais l'homme le plus puissant de France. Les journaux officiels de l'époque portent la trace de ce prestige : dans La Gazette, en 1644, Théophraste Renaudot lui dresse un long panégyrique avant de détailler l'« État général des affaires » :
« Monseigneur,
Puisque c'est une vérité connue de tout le monde, qu'il est impossible d'aimer cet État sans honorer Votre Éminence : je ne saurais faillir qu'avec tous les bons Français, en lui rendant ce témoignage, que la France pour se garantir des maux dont la minorité du Roi le menaçait, avait besoin de la grande piété, de la douceur et intégrité de ses mœurs, de la solidité de son jugement ; de sa capacité et expérience dans les affaires ; mais surtout de son humeur désintéressée et bienfaisante à tous, excepté à soi-même […]. »
Mazarin reste célèbre pour avoir réprimé la Fronde (1648-1653), un mouvement de révolte appuyé par des nobles français en réaction à la montée de l'autorité monarchique et à la hausse de la pression fiscale.
À l'époque, le cardinal fut l'objet d'une vive haine populaire qui donna naissance aux « mazarinades », des pièces en vers dirigées contre le cardinal. Ces pamphlets intéresseront particulièrement les historiens. Certaines paraissent dans la presse au début du XXe siècle.
Ainsi cette mazarinade « coquine » écrite par Paul Scarron, dans lequel ce satiriste célèbre s'en prend au « voleur de Sicile » (qu'il appelle aussi le « sergent à verge de Sodome ») en jouant à la fois sur son image d'intrigant et d'amateur immodéré de plaisirs terrestres :
« Bougre bougrant, bougre bougré,
Et bougre au suprême degré,
Bougre au poil et bougre à la plume,
Bougre en grand et petit volume,
Bougre sodomisant l’État,
Et bougre du plus haut carat,
Investissant le monde en poupe,
C'est-à-dire baisant en croupe,
Bougre à chèvres, bougre à garçons,
Bougre de toutes les façons »
Ou celle-ci, qui vise plus précisément l'origine sociale de Mazarin :
« Grand cardinal, que la fortune
Qui t’élève en un si haut rang
Ne te fasse oublier ton sang
Et que tu es de la commune »
Pendant la Révolution, sa réputation d'oppresseur et d'artisan du monarchisme absolu réapparaîtra. La Gazette nationale écrit de lui en 1791 : « Arbitre absolu des grâces, disposant de tout souverainement par l'ascendant qu'il avait acquis sur l'esprit d'un roi jeune et sans expérience, il suffisait qu'il demandât pour obtenir. »
En 1793, sa tombe est profanée et ses cendres jetées à la voirie. En 1800, Le Journal des débats et des décrets écrit à son sujet :
« Ce ministre qu'on a tant comparé avec Richelieu, son prédécesseur et son protecteur, avait sans doute moins d'étendue d'esprit, moins d'élévation dans l'âme, moins d'énergie dans le caractère. L'un gouvernait par la force, l'autre par l'adresse, aucun par la raison ni par la justice […].
Richelieu voulait être riche pour être puissant, Mazarin voulait être puissant pour être riche. »
D'autres observateurs, au XIXe siècle, seront plus cléments envers le ministre, rappelant qu'à sa mort en 1661, Mazarin laissait à Louis XIV un royaume en paix. En 1842, Le Journal des débats juge que l'antipathie à son encontre s'expliquait en grande partie par ses origines étrangères :
« Mazarin a été l'objet d'une haine furieuse : cette haine a suffi pour alimenter la guerre civile dans un pays où le passage sur le trône d'un Henri IV et d'un Richelieu avaient amorti la puissance des éléments de révolution.
Le peuple, pendant ce temps, n'a voulu voir ni les intrigues des princes, ni la conduite égoïste des parlements ; il n'a été préoccupé que d'une chose, de son antipathie pour le Mazarin.
Était-ce seulement l'étranger ou le favori que poursuivait ainsi l'aversion des Français ? »
Enfin Le Moniteur universel, en 1847, tentera même de le réhabiliter en tant que gouvernant :
« Si le cardinal Mazarin avait été réellement tel que la majorité de ses historiens nous le montrent, sans cesse occupé d'intrigues obscures, il est douteux que sa place fût devenue si grande dans l'histoire du dix-septième siècle [...].
On se demande comment un esprit si mesquin, une âme si sordide, a pu gouverner la France pendant plus de vingt années, déjouer une ligue puissante formée par les grands de l’État, imposer la paix aux ennemis les plus invétérés de la couronne. »
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