C'était à la Une ! L'invention du daguerréotype
L'article du jour revient sur la découverte de Louis Daguerre en 1839.
En partenariat avec "La Fabrique de l'Histoire" sur France Culture
Cette semaine : la découverte du daguerréotype par Louis Daguerre La Gazette nationale ou le Moniteur universel, 14 janvier 1839
Texte lu par : Daniel Kenigsberg
Réalisation : Séverinne Cassar
« Découverte de M. Daguerre
Cette découverte de M. Daguerre est depuis quelque temps un sujet de merveilleux récits. L’artiste à qui nous devons les ingénieux tableaux du Diorama s’était livré à l’étude des propriétés de la lumière avec cette ardeur et cette patience qui n’appartiennent qu’au génie. Après quatorze ans de recherches et d’essais, il était parvenu à recueillir et à fixer sur un plan solide la lumière naturelle, à donner un corps à l’empreinte fugitive, impalpable, des objets réfléchis dans la rétine de l’œil, dans un miroir, dans l’appareil de la chambre noire. Figurez-vous une glace qui, après avoir reçu votre image vous rend votre portrait, ineffaçable comme un tableau et bien plus ressemblant : voilà, disait-on, la merveille inventée par M. Daguerre. Là-dessus, les incrédules de sourire ; et les savans (sic !) superficiels de réduire cette miraculeuse invention à une expérience vulgaire de chimie. C’est impossible, c’est absurde, disent les uns. Rien de plus simple, disent les autres ; ne sait-on pas qu’il existe des substances qui subissent sensiblement l’action de la lumière, et qui en conservent l’empreinte ? le sulfate d’argent, par exemple, n’a-t-il pas la propriété de s’altérer au contact des rayons solaires, au point de retenir la figure des objets qu’il regarde ? […]
Quel est le secret de l’inventeur ? quelle est la substance douée d’une si étonnante sensibilité, que non seulement elle se pénètre de la lumière, mais qu’elle en conserve l’impression, qu’elle opère à la fois comme l’œil et le nerf optique, comme l’instrument matériel de la sensation et comme la sensation même ? En vérité, nous n’en savons rien. M. Arago et M. Biot, qui ont fait à l’Académie des sciences des rapports sur les effets de la découverte de M. Daguerre, ont renoncé à en définir les causes. […]
A chaque tableau mis sous nos yeux, c’était une exclamation admirative. Quelle finesse de trait ! quelle entente du clair obscur ! quelle délicatesse ! quel fini !que cette étoffe est moelleuse […]
Voici une Vénus accroupie, vue sous différents aspects : comme ces raccourcis sont rendus ! c’est la statue elle-même, c’est un vrai trompe-l’œil. Tout cela est admirable ; mais disons-nos, qui nous assure que cela n’est pas l’ouvrage d’un habile dessinateur ? qui nous dit que vous ne nous montrez pas des lavis au bistre ou à la sépia ? Pour toute réponse, M. Daguerre nous met une loupe à la main. Alors nous apercevons les moindres plis d’une étoffe, les lignes invisibles à l’œil nu d’un paysage. A l’aide d’une lorgnette, nous rapprochons les lointains ; dans cette masse de constructions, d’accessoires, d’accidents imperceptibles dont se compose cette vue de Paris, prise du Pont des Arts, nous distinguons les plus petits détails, nous comptons les pavés, nous voyons l’humidité produite par la pluie […]
La découverte, au point où elle est déjà parvenue, à en juger par les produits que nous avons vus, fait présager des conséquences d’une grande importance pour l’art et pour la science. Quelques personnes s’en sont inquiétées en considérant qu’elle ne laisserait plus rien à faire aux dessinateurs et peut-être un jour aux peintres. Il nous semble qu’elle ne saurait être préjudiciable qu’à l’industrie des copistes. Nous n’avons pas ouïe dire que l’invention du moulage sur nature et celle du physionotype aient porté ombrage au génie de la statuaire. La découverte de l’imprimerie a fait grand tort aux scribes, mais non pas aux écrivains.
J. du Comm »