"Le président est mort ! Vive le président !" (2/2)
En 1906, le modéré Armand Fallières, soutenu par les radicaux, est porté à la présidence de la République. L'homme est perçu comme "honnête et tranquille".
1906. L'élection présidentielle française oppose les présidents respectifs des deux Chambres du parlement, le modéré Armand Fallières, président du Sénat, appuyé par la majorité parlementaire du Bloc des gauches, et le radical dissident Paul Doumer, président de la Chambre des députés, soutenu par une partie du centre et l'opposition de droite.
Paradoxalement, donc, un modéré investi par la gauche affronte un radical soutenu par la droite.
Le Journal des Débats explique :
"Il est impossible de satisfaire tout le monde et, en politique, il faut choisir. M. Fallières, au cours de sa campagne électorale dans le Lot-et-Garonne, a choisi pour alliés les radicaux socialistes : naturellement les modérés et les libéraux se sont tournés d'un autre côté. Ils ont été embarrassés, au Sénat, de savoir sur qui ils pouvaient reporter leurs suffrages, puisque M. Fallières n'avait pas de concurrent. Alors ils se sont divisés. Quelques-uns ont voté pour M. Fallières tout de même, sauf à lui reprendre leurs voix lorsqu'il s'agira de l'élection à la présidence de la République."
Sous la présidence d’Émile Loubet, les radicaux se sont alliés à une fraction dreyfusarde des progressistes et à une partie des socialistes pour former le Bloc des gauches.
Majoritaire depuis les élections législatives de 1902, cette coalition est soudée par un certain anticléricalisme. Or Doumer est vu comme le "candidat des cléricaux et des nationalistes" pour avoir manifesté pendant l'affaire Dreyfus de la sympathie envers l'armée et le clergé (voir les diatribes anti-Doumer de Georges Clemenceau et d'un député radical rapportées par Le Gaulois).
Armand Fallières, lui, bien que très modéré, est un candidat acceptable pour tous les partisans du Bloc.
Le 18 janvier 1906, c'est bien lui qui est élu dès le premier tour par le Congrès réuni à Versailles, avec 53% des voix. Le vote s'est déroulé sans incidents ; le résultat est salué par la gauche (notamment par Jaurès) et accueilli avec respect par le peuple français.
À l'étranger, ce choix d'un modéré rassure.
Dans le Daily Mail (cité par La Justice), on peut lire au lendemain de l'élection :
"Ce qui frappera le plus le public anglais dans les élections présidentielles françaises, c'est le calme avec lequel elles se sont opérées et qui contraste avec les idées que certains de nos compatriotes se font encore de la turbulence de nos voisins en matière politique.
D'une manière générale, le peuple français parait d'ailleurs n'avoir plus de grandes illusions sur l'efficacité des changements d'ordre purement politique pour améliorer les conditions d'existence es manes.
Quant à ce qui est du choix fait par le Congrès de Versailles, le sentiment qui semble l'avoir dicté, parait être celui d'un véritable conservatisme, ennemi des surprises."
"Le président est mort (officiellement), vive le président ! Le meilleur vœu que nous puissions adresser au président Fallières, c'est que son septennat soit aussi heureux pour son pays et aussi honorable pour lui que l'a été celui de M. Loubet. Il y a tout lieu de croire, d'ailleurs, qu'il en sera ainsi. M. Fallières est l'un de ces hommes honnêtes et tranquilles que le peuple français aime voir installés dans le fauteuil présidentiel."
Retrouvez le premier volet de notre série consacrée à l'élection présidentielle de 1906.