Écho de presse

Comment La Marseillaise est devenue l'hymne de la Révolution

le 28/02/2019 par Pierre Ancery
le 21/12/2017 par Pierre Ancery - modifié le 28/02/2019
Hymne des Marseillais, manuscrit autographe de Rouget de Lisle, 1792 - source Gallica BnF

Composée en 1792 par Rouget de Lisle, La Marseillaise deviendra très vite un hymne subversif et révolutionnaire – avant de devenir celui de la France.

La Marseillaise n'a pas toujours été cet air sage et officiel chanté par les chefs d’État et repris lors des cérémonies institutionnelles. Elle fut à ses débuts un chant éminemment subversif, un hymne vraiment populaire, véritable cri de ralliement des révolutionnaires contre leurs ennemis.

 

Née à Strasbourg, dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, elle fut composée par le capitaine Rouget de Lisle, alors âgé de 31 ans. La Marseillaise a d'abord porté d'autres noms : elle fut pendant un temps le Chant de guerre pour l'armée du Rhin et le Chant de marche des volontaires de l'armée du Rhin. Rouget de Lisle, en effet, l'avait imaginée après la déclaration de guerre de la France au roi de Bohême et de Hongrie.

Elle rencontre rapidement le succès. Les troupes des Fédérés marseillais l'ayant adoptée comme chant de marche, ils l'entonnent lors de leur entrée triomphale aux Tuileries, à Paris, le 30 juillet. La foule parisienne, séduite, baptise aussitôt ce nouvel air La Marseillaise.

 

Le 15 octobre de la même année, Le Mercure universel raconte le déroulement d'un cortège militaire à Paris pour fêter la prise de la Savoie et de Nice. La scène a lieu place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) : les soldats, accompagnés de la foule, se mettent à chanter. Pour la première fois dans l'histoire, les paroles de La Marseillaise sont imprimées dans la presse :

 

« Arrivé à la place de la révolution, le cortège a fait le tour de la statue de la liberté au bruit des salves d’artillerie et d’une musique mélodieuse, après lequel l'hymne suivant a été chanté et applaudi par deux à trois cents mille citoyens.

 

Allons, enfants de la patrie,

Le jour de gloire est arrivé ;

Contre nous de la tyrannie,

L’étendard sanglant est levé. (bis)

Entendez-vous, dans les campagnes,

Mugir ces féroces soldats !

Ils viennent jusques dans vos bras,

Égorger vos fils, vos compagnes....

Aux armes citoyens, formez vos bataillons ;

Marchez, marchez, qu'un sang impur abreuve nos sillons [...]. »

 

On note que le « marchons, marchons » actuel était à l'époque un « marchez, marchez ». Peut-être parce que Rouget de Lisle, étant capitaine, commandait à ses hommes.

 

L'hymne va alors peu à peu se diffuser dans le pays et devenir un des symboles les plus populaires de la Révolution. Les Annales patriotiques et littéraires racontent en 1793 que La Marseillaise fut chantée à Chambéry le 18 mars, lors de la plantation de « l'arbre de la liberté » devant la maison de Jean-Jacques Rousseau.

 

En avril 1793, le même journal évoque « l'air chéri, Allons enfants de la patrie » qui résonne dans les rues de Toulon pour exprimer « la haine des tyrans, et la détermination invariablement prise par les Français de résister à toute oppression, à toute domination ».

 

Le 14 juillet 1795, La Marseillaise est déclarée chant national. Mais elle est en concurrence avec un autre air patriotique, celui du Réveil du peuple, écrit en réaction contre la Terreur...

 

En 1796, le Journal des hommes libres de tous les pays rappelle que La Marseillaise est avant tout un chant de combat :

 

« Enfin, malgré les clameurs de l'aristocratie hautement révoltée […], la Marseillaise triomphe sur les théâtres aussi bien que sur les frontières ; et […] nous remercions hautement le directoire de nous avoir imposé la douce obligation d'entendre ces sons guerriers, dont la magie électrique et brûlante remue, agite, émeut toutes les puissances de l'âme, et les remplit des grandes images de la liberté et de la patrie. »

 

La Marseillaise sera interdite sous l'Empire puis la Restauration. Mais elle sera reprise après la révolution de 1830. Aux débuts de la IIIe République, elle est encore considérée comme une menace pour l'ordre moral.

 

Toutefois, les députés républicains craignant un retour de la monarchie décident de l'adopter, et le 14 février 1879, elle redevient l'hymne national.

 

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G. Staal, J. Poisle Desgranges
Histoire de la Marseillaise
J. Tiersot