Généalogie

Retrouvez votre famille par monts et par vaux grâce à RetroNews !

le 18/12/2023 par Tony Neulat
le 18/12/2023 par Tony Neulat - modifié le 18/12/2023

Les recherches généalogiques classiques peuvent achopper dans certains cas de figure : absence de registres, familles itinérantes, résidence dans des métropoles… Le recours à la presse ancienne numérisée et indexée se révèle alors non seulement indispensable mais salvateur.

Imaginez une famille corse du XIXe siècle qui émigre en Algérie et ne s’installe pas durablement mais essaime dans diverses grandes villes coloniales : Alger, Constantine, Batna, Lambèse, Sétif. Imaginez que les registres d’état civil de ces villes soient parfois inaccessibles car restés en Algérie. Imaginez une famille dont le père disparaît en Arizona – à moins que ce ne soit en Colombie ? – et dont les enfants ignorent ce qu’il est devenu. Imaginez une famille dont les multiples mariages sont monnaie courante. Imaginez une famille avec une fâcheuse tendance au concubinage avant le mariage, concubinage qui n’est pas sans porter ses fruits. Imaginez une famille dont l’un des fils naît, se marie et meurt en Algérie mais a vécu, contre toute attente, vingt ans à Djibouti…

Imaginez à présent que vous deviez reconstituer l’arbre généalogique de cette famille. Un tel défi, aux allures de mission impossible, peut être relevé depuis chez soi grâce à la presse ancienne en ligne.

Aux prémices de cette enquête, une femme : Marie Justine Adrienne Noceto, mariée en 1909 à Alger avec Elie Lucien Louis Vinelly-Pascaly. D’après son acte de mariage, en ligne sur le site des Archives nationales d’Outre-Mer, elle est née à Lambèse (Algérie) en 1883 et est la fille de François Marie Noceto et de Thérèse Sylvie Sénac, décédés en 1901 et 1908 à Batna (Algérie). Les premières difficultés surgissent promptement : pas de trace du décès de la mère en 1908 (survenu en réalité en 1901), ni de trace du mariage des parents malgré l’indexation des registres d’état civil, ni de registres de naissance de Lambèse en ligne, ce qui nous empêche de retrouver directement les frères de sœurs de Marie. Néanmoins, à l’issue de quelques investigations traditionnelles, nous parvenons à reconstituer l’ascendance de Marie et à dénicher deux oncle et tante. Si notre ambition se réduisait à remonter le temps au travers de quelques noms, nous pourrions nous contenter de l’arbre généalogique embryonnaire obtenu, au risque de manquer de belles découvertes.

Voyons si les journaux d’époque nous permettent d’enrichir cet arbre. Limitons notre recherche au périodique L’Echo d’Alger et saisissons simplement le terme « Noceto ». 44 résultats sont proposés que nous trions par date croissante à l’aide du menu déroulant en haut à droite. La chance nous sourit dès le troisième résultat. Il s’agit d’un avis de décès de Thomas Noceto, paru le 13 juillet 1915.

Deux éléments permettent de confirmer qu’il s’agit de « notre » Thomas : son âge au décès et la mention du couple Vinelly-Pascalis. Ce faire-part est très précieux à plusieurs titres car :

  • il prouve que Thomas Noceto s’est remarié après le décès de Marie Lazarine Delpin en 1903 ;
  • il cite de nombreux membres de la famille dont les liens de parenté peuvent être devinés si l’ordre traditionnel d’apparition des noms est respecté :
    • neveux : Honorine Noceto, une fille Noceto épouse Bonnell, Marius Noceto ;
    • beau-fils : A. Mondet ;
  • il précise les lieux de résidence de ces différents parents, offrant la possibilité de relancer des recherches généalogiques classiques ;
  • il est précisé une adresse : 1 rue du Roussillon.

Le cinquième résultat, issu de L’Echo d’Alger du 27 juin 1920 annonce les publications de mariage de « Guirado Gaspard, boulanger, et Noceto Honorine ». S’agirait-il de la « Mademoiselle Honorine » de 1915 ?

Cela ne fait aucun doute d’après le huitième résultat, paru dans L’Echo d’Alger du 25 mars 1923 :

En effet, les couples Bonnell, Vinelli-Pascali, Noceto et Guirado sont tous cités. Par ailleurs, l’ordre d’apparition des noms au regard des liens de parenté laisse penser que :

  • Jean Baudot est l’époux de la défunte Irma Baudot ;
  • Jules Baudot, son fils ;
  • sa fille, la petite-fille de la défunte ;
  • les femmes Bonnell, Vinelli-Pascalis et Guirado ainsi que Marius Noceto semblent être ses sœurs et son frère.
  • le nom de jeune fille d’Irma serait donc Noceto ?

Enfin, notons que l’adresse du domicile mortuaire est de nouveau 1 rue du Roussillon à Alger.

Trois extraits de journaux des 27 septembre 1930, 8 juillet 1931 et 6 juillet 1936 nous livrent quelques éléments biographiques sur Marius Noceto et nous confirment qu’il réside à Sétif pendant toute cette période.

Un nouvel avis de décès, publié le 15 novembre 1938 se révèle capital car un nouveau membre de la famille Noceto fait son apparition.

Sébastien Noceto, né vers 1859 et décédé en 1938, est indubitablement lié à notre arbre généalogique puisque la famille Pascalis y est mentionnée… Mais comment ? Aucun lien de parenté n’est hélas précisé. En revanche, certains noms cités tels que La Fay et Fesselet nous sont familiers car ils figurent sur deux autres avis de décès : celui de Berthe Fesselet du 30 mars 1924 et celui d’Henri La Fay du 16 février 1940, résident à Djibouti (Ethiopie). Sébastien aurait-il épousé une dame Fesselet ?

Enfin, RetroNews nous comble d’un dernier avis de décès : celui de Gilbert Noceto paru le 15 mars 1942 dans L’Echo d’Alger. Aux noms à présent familiers de Pascalis, Bonnell, Guirado, Baudot, s’ajoutent celui de Rousseing, laissant penser qu’il pourrait s’agir du nom de la mère de Gilbert. Par ailleurs, tout porte à croire que Gilbert serait le fils de Marius Noceto.

Ainsi, grâce à cette simple recherche dans RetroNews nous avons non seulement identifié plusieurs collatéraux insoupçonnés mais aussi découvert de nombreuses pistes de recherches nouvelles, telles que :

  • le remariage de Thomas Noceto entre 1903 et 1915 ;
  • le mariage d’Honorine Noceto et Gaspard Guirado en 1920 à Alger ;
  • le mariage d’une certaine Noceto avec l’architecte Bonnell à Constantine ;
  • l’existence d’un Marius Noceto, résidant à Sétif et la naissance de son fils avant 1915 ;
  • l’existence d’une famille Baudot à El-Madher ;
  • l’existence d’un parent, Sébastien Noceto (~ 1859-1938), époux Fesselet ;
  • le lien beau-père/beau-fils entre Sébastien Noceto et le pharmacien A. Mondet.

Dès lors, il ne nous reste plus qu’à reprendre des recherches généalogiques traditionnelles. Nous trouvons sans peine :

  • l’acte de mariage d’Honorine en 1920 à Alger sur le site des Archives nationales d’Outre-Mer, lequel confirme qu’il s’agit d’une sœur de Marie Justine Adrienne ;
  • l’acte de mariage à Sétif du frère Marius Noceto en 1911 avec Lorette Rousseing ;
  • l’acte de naissance de leur fils Gilbert Noceto en 1913 à Sétif ;
  • l’acte de mariage de Sébastien Noceto avec Marie Louise Rousselet en 1883 à Batna. Il s’avère qu’il est un demi-frère d’Ange-Marie, Thomas et François. Cet acte n’avait pas attiré notre attention a priori du fait de la divergence des mères. Mais la concordance des dates de naissance, de la disparition du père en Arizona ou en Colombie et du lieu de résidence ne laisse planer aucun doute ;
  • le registre matricule et l’acte de naissance d’Albert Mondet, pharmacien, né en 1877 et fils de Joseph Casimir et Célestine Françoise Eugénie Rouve.

Enfin, à force de persévérance, l’acte de mariage Noceto & Bonnell est également déniché en 1920 à Constantine. Bien que cité dès 1915 sur l’avis de décès du père, le couple n’a ainsi officialisé son union que plusieurs années plus tard.

Devons-nous en rester là et nous contenter d’une seule recherche sur Retronews ? Evidemment non, la saisie de nombreux mots-clés additionnels livre une multitude de résultats complémentaires tels que les décès tragiques de deux jeunes filles de l’architecte Bonnell (Le Petit Marseillais, 1er février 1910), les décorations de Gaspard Guirado (L’Echo d’Alger, 23 septembre 1934), l’avis de décès d’Albert Mondet en 1933 (Le Petit Marseillais, 29 mai 1933), mais aussi et surtout d’incroyables détails sur la famille de Sébastien Noceto à Djibouti.

Nous y découvrons ainsi, dans La Dépêche coloniale du 13 janvier 1904, que sa fille Elise se marie à Djibouti en grandes pompes avec François Roque. L’ensemble de la cérémonie est décrit avec une précision incroyable, et ce jusqu’aux toilettes des mariés et de la sœur aînée de la mariée (Mme Tramaux) :

 

« La mariée, une jeune fille de dix-huit ans, jolie blonde, était ravissante dans sa robe de crêpe de Chine blanc, à longue traîne, garnie de guirlandes de mousseline de soie et d’incrustation de dentelle d’Irlande. Celui qui devenait son mari, un beau jeune homme brun, était également mis avec une élégance pleine de goût. »

Ce mariage sera de courte durée puisque divers journaux, tels que Comoedia du 22 février 1912 nous annoncent l’union d’Elise avec l’écrivain Marcel Nadaud. Idem pour la sœur aînée Marie Antoinette qui se remarie en 1913 avec Charles Chanel d’après La Dépêche coloniale du 26 mars 1913. Un nom qui résonne particulièrement puisqu’il apparaissait sur l’avis de décès de Sébastien Noceto… La boucle est bouclée et notre arbre généalogique s’est entretemps considérablement étoffé.

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Cette enquête n’illustre-t-elle pas une nouvelle fois les richesses insondables de la presse ancienne ?

Que ce soit pour reconstituer une parentèle et un arbre généalogique complet, pour retrouver des dates de décès en l’absence d’état civil en ligne, pour suivre les pérégrinations d’une famille itinérante, pour glaner les éléments de départ indispensables à une recherche généalogique classique ou encore pour nourrir les biographies de ses aïeux d’anecdotes inestimables, les journaux d’époque se révèlent des alliés tout simplement merveilleux.

PS : un prolongement des recherches dans la presse ancienne en ligne dans Gallica livrerait maintes pépites supplémentaires, notamment grâce à deux titres particuliers : L’Echo du Sahara et le Journal Officiel de la Côte française des Somalis.

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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.