Généalogie

Un commerçant dans la famille ? Mêlez-vous de ses affaires grâce à RetroNews !

le 05/12/2024 par Tony Neulat
le 04/12/2024 par Tony Neulat - modifié le 05/12/2024
© Denise Auzou

Grâce à la numérisation et à l’indexation des journaux anciens, la reconstitution, depuis chez soi, de l’activité d’un commerçant est aujourd’hui à la portée de tous. Publicités, avis divers et annonces légales, largement relayés par la presse spécialisée et locale, constituent en effet une aubaine pour les chercheurs et généalogistes.

La gestion d’un commerce s’accompagne de nombreuses formalités qui requièrent d’être rendues publiques et donc diffusées dans des journaux spécialisés. Certains périodiques, généralement hebdomadaires, sont ainsi dédiés à la publication de ces annonces légales. Citons notamment les Archives commerciales de la France, La Gazette des tribunaux, Le Petit Bulletin des tribunaux, La Loi ou encore Le Droit. Ils sont les hérauts privilégiés des cessions de fonds de commerce, adjudications, ventes, locations, faillites, liquidations judiciaires, séparations de biens, interdictions et conseils judiciaires des sociétés commerciales.

Ce serait toutefois commettre une grave erreur que de se limiter à ces quelques titres. En effet, les journaux locaux, destinés à un public plus large, ne sont pas en reste comme l’illustre cet exemple sur la famille Dézalis du Cher. Nous avons déjà eu l’occasion, lors de la précédente enquête, de nous familiariser avec sa généalogie. Intéressons-nous cette fois à un autre pan de la famille, la branche des boulangers. Quelques recherches classiques permettent de dresser l’arbre généalogique suivant.

Comme on peut le constater, la famille aime les pétrins, si j’ose dire, puisque les deux frères Pierre et Jean Dézalis, ainsi que quatre de leurs fils, sont boulangers. Voyons si nous pouvons nous mêler de leurs affaires grâce à la presse ancienne… Ce patronyme étant peu fréquent, une simple recherche sur le nom Dézalis renvoie « seulement » 155 résultats. Il n’est donc pas nécessaire, à ce stade, d’ajouter un mot-clé tel que « boulangerie » pour affiner la recherche. Filtrons tout d’abord les résultats par date croissante à l’aide du menu déroulant situé au-dessus des vignettes.

La pêche s’annonce bonne dès le 8e aperçu, extrait du Journal du Cher du 4 janvier 1862 :

Cette annonce de location, diffusée par « M. Dézalis père » à Torteron, nous livre une description intéressante de la boulangerie « de 1re classe » de Pierre Dézalis :

« Cette maison se compose d’une boulangerie et deux fours au nouveau système, se trouvant au rez-de-chaussée, cour, hangar et jardin. »

Six ans plus tard, nous nous immisçons dans cette boulangerie et ses habitudes grâce au Journal du Cher du 9 janvier 1868, et ce à travers un fait divers :

« Le sieur Dezalis, boulanger à Torteron, a l’habitude de mettre ses recettes dans le tiroir d’un bureau qui est placé dans l’embrasure d’une croisée [ndlr : détail précieux pour de futurs cambrioleurs !]. Dans la nuit du 26 au 27 du mois dernier, un individu, resté inconnu, dans l’espoir de s’approprier cet argent et profitant de ce que le volet n’était pas bien fermé, cassa un carreau de la croisée en face du tiroir. Les époux Dezalis, éveillés par le bruit, se levèrent et appelèrent leurs domestiques. Craignant d’être pris, le voleur s’empressa de fuir. »

Le 22 avril 1874, c’est toute la famille de son neveu Jacques qui est citée dans le Courrier du Berry à l’occasion d’une vente aux enchères publiques par suite de licitation concernant sa belle-famille :

« Monsieur Jacques DEZALIS, ancien boulanger-laboureur, demeurant actuellement à Saint-Palais, tant en son nom personnel et pour assister et autoriser Catherine RIVIERE, son épouse, que comme administrateur des biens d’Augustine DEZALIS, Justin DEZALIS, Alfred DEZALIS et Eugène DEZALIS et Madame Catherine RIVIERE, épouse du sieur Jacques DEZALIS, avec lequel elle demeure à Saint-Palais. »

Cette pépite généalogique ne se contente pas de fournir les noms de divers membres de la belle-famille (sœur, beau-frère, neveux, cousins germains et leurs enfants). Elle inventorie en outre divers biens situés sur la commune de Chassy et ayant historiquement appartenu aux grands-parents Berthier de Catherine Rivière. Enfin, elle décrit la maison familiale dans le menu détail !

Cette fabuleuse découverte fait écho à une autre vente par suite de licitation, relative cette fois au foyer Pillet-Garet, également allié à la famille Dézalis. Diffusée le 20 juin 1877 dans le Courrier du Berry, cette vente dévoile la composition de la famille du second mari de Marie-Lise Garet, veuve en premières noces de Jean Dézalis, frère de Pierre. Elle dresse en outre un état précis de l’auberge-café sise à Rians et appartenant au couple.

« Une maison, située à Rians, canton des Aix, sur la traverse de la route des Aix à Brécy, couverte en ardoises, et où se tient une auberge avec un café. Elle comprend au rez de chaussée : une salle de café ayant cheminée, une boutique sur le devant, cuisine arrière ; au premier : une vaste salle régnant sur tout le rez-de-chaussée, carrelée et pouvant former quatre pièces d’habitation.

Cour et jardin derrière cette maison et y attenant, contenant environ trois ares soixante-cinq centiares ;

Petit cellier ou caveau couvert en paille, cabinet d’aisances placé dans un côté de la cour. »

Le Courrier du Berry du 10 février 1875 nous annonce, quant à lui, la « faillite Dézalys ». De quel boulanger s’agit-il ? Des recherches complémentaires nous le révèleront un peu plus tard. C’est à Nevers que nous retrouvons Elie, le fils de Pierre, en 1887. Plusieurs annonces, publiées dans le Journal du Cher, les 23 et 28 juillet, les 2 et 3 août 1887, nous apprennent en effet qu’il est propriétaire depuis 15 ans d’une boulangerie située 33 avenue de la Gare à Nevers. Il la « cède de suite pour cause de santé ». Ses soucis de santé sont-ils à l’origine de ses difficultés financières un an plus tard ? Une nouvelle annonce de vente, parue dans La Démocratie du Cher du 1er février 1889, atteste en effet de sa faillite depuis décembre 1888 :

A l’image des précédentes annonces, cet extrait de journal est inestimable. Il nous livre les informations suivantes :

  • Elie Dézalis est propriétaire d’un hôtel à Jouet-sur-l’Aubois, connu sous le nom d’« Auberge de la Giraffe », constitué de deux bâtiments. Le premier comprend « au rez-de-chaussée, quatre chambres, grenier et mansarde au-dessus, cave dessous » tandis que le second se résume à une écurie.
  • Son père Pierre est décédé.
  • Sa mère, veuve, vit toujours dans la maison familiale à Torteron et loue la partie boulangerie à M. Roy. Cette propriété est composée de plusieurs bâtis. La maison principale renferme plusieurs « pièces d’habitation au rez-de-chaussée et au premier étage, un grenier sur le tout, boulangerie, cuisine et cave au-dessous, écurie et hangar y attenant ». En aile, se trouve « un rang de bâtiments comprenant plusieurs volaillers et une maison à la suite de ces volaillers, où il y a plusieurs logements ». Cette description complète merveilleusement la description précédente de 1862.

Pierre Dézalis est-il décédé depuis longtemps ? Probablement non. Plusieurs annonces, diffusées les 9, 12 et 16 avril 1889 dans le Journal du Cher précisent :

« A vendre pour cause de décès une bonne locomobile de la force de 6 chevaux et une batteuse en très bon état. S’adresser à Mme Veuve Dézalis, à Torteron. »

Hélas, les journaux du Cher de cette époque ne relaient que les décès survenus à Bourges. Sa mort, ainsi que celle de son fils Jean en 1891, passent donc inaperçues, contrairement à celle de leur neveu et cousin Jacques, diffusée dans le Journal du Cher du 16 mai 1893 et dans L’Indépendant du Cher du 21 mai 1893 :

« Mouvement de la population de Bourgess

Des 14 et 15 mai 1893.

Décès

Jacques Dezalis, boulanger, 50 ans, chemin Bossu. »

Cette famille disparaît ensuite de la circulation médiatique et cède la place à la branche de Vierzon-Villages étudiée dans l’enquête précédente. Malgré cette formidable récolte, doit-on considérer l’enquête comme close après la simple saisie du seul mot-clé « Dézalis » ? La réponse est évidemment sous-jacente à la question.

Poursuivons donc notre étude en étendant notre recherche dans une dimension qui n’est pas nécessairement naturelle : les variantes orthographiques du patronyme. Car, si les noms de famille sont aujourd’hui très figés, il n’en était pas de même au XIXe siècle, avant l’instauration du livret de famille. En outre, les noms sont fréquemment écorchés par les journalistes… Il n’est donc jamais vain de s’interroger sur les possibles graphies d’un nom lors de recherches dans la presse ancienne. Et de facto, cette démarche porte ses fruits lorsque nous relançons les recherches sur les termes « Desalis », « Dezaly », « Desaly », « Deshaly » ou encore « Deshalis ». Voici un aperçu des résultats les plus intéressants à propos de nos chers boulangers :

  • La condamnation de Pierre Dézalis en 1855 (Le Courrier de Bourges du 6 avril 1855).
  • Les mentions de Pierre Dézalis, sa femme Thérèse Ferrant et ses parents Michel et Jeanne Votat, dans une purge légale d’un terrain à Villequiers en 1862 (Journal du Cher du 6 décembre 1862).
  • Le départ en retraite de Pierre Dézalis « pour cause de vieillesse » à l’été 1877, alors âgé de 73 ans (multiples petites annonces de cession de son fonds de commerce dans le Journal du Cher des 26 et 28 juin, 3, 7, 10, 17, 19, 26 et 28 juillet, 9 et 14 août 1877).
  • La destruction de sa batteuse, estimée à 2 500 francs, lors d’un incendie en août 1879 (Courrier du Berry du 27 août 1879).
  • La location de sa boulangerie à partir de 1880 (Journal du Cher des 4, 16 et 30 septembre 1880).
  • L’obtention du 1er prix à un concours d’animaux gras et reproducteurs pour ses poules de race étrangère en février 1882 (Journal du Cher du 7 février 1882 et Courrier du Berry du 8).
  • La description précise de la chienne de son fils Jean, meunier à Torteron, lorsqu’elle disparaît en 1872 : « chienne courante, taille moyenne, robe rouge orange, la poitrine blanche, le bout de la queue blanc, bien coiffée » (Journal du Cher des 27 février, 2, 5 et 7 mars 1872).
  • La faillite de son autre fils André, alors maître d’hôtel et aubergiste à Avord, en août 1874, dont nous avions déjà trouvé une mention précédemment (Courrier du Berry du 19 août 1874 et du 10 février 1875 .
  • La demande de séparation de biens d’avec sa femme Adeline Solange Amélie Seron (Courrier du Berry du 11 janvier 1875) – afin d’éviter que les créanciers ne s’y attaquent – laquelle demande est validée 2 mois plus tard (Courrier du Berry du 19 mars 1875).

Cette faillite nous donne une nouvelle occasion de visiter virtuellement un commerce de la famille Dézalis. En effet, l’hôtellerie d’André Dézalis, située au lieu-dit « Les Noyers » près de la station de chemin de fer et constituée de 9 chambres, est décrite avec une grande précision lors de sa vente aux enchères publiques pour 7 000 francs dans le Journal du Cher du 15 juillet 1875 :

Et ce n’est pas tout. La vente de son mobilier, annoncée dans le Courrier du Berry du 20 janvier 1875, plante admirablement le décor avec ses 11 tables en marbre blanc, son comptoir acajou, sa pendule œil de bœuf et son billard…

Cette enquête et les multiples extraits de journaux qu’elle tire de l’oubli ne constitue qu’un bref aperçu des innombrables bienfaits de la presse ancienne numérisée et indexée. Quand on y songe, quelle chance inouïe de pouvoir virevolter, en quelques clics, du Courrier du Berry au Journal du Cher, en passant par L’Indépendant du Cher, La Démocratie du Cher ou encore Le Combat ! Quel privilège de retrouver sa famille, depuis chez soi, tantôt à Villequiers, tantôt à Torteron, tantôt à Bourges, tantôt à Montluçon ! Quel plaisir de pouvoir s’imprégner, 150 ans plus tard, des maisons et commerces de ses ancêtres ! Et quelle satisfaction de retracer leur vie, à travers leurs difficultés financières, leurs diplômes, leurs accidents, leurs annonces, leurs condamnations, leurs mariages ou leurs départs en retraite !

La numérisation et l’indexation massives de la presse ancienne constitue une révolution généalogique majeure. Elle ouvre un champ d’investigation – et donc de découvertes – infini, comme en témoigne cette enquête et l’arbre généalogique ci-dessous.

PS : pour découvrir d’autres enquêtes liées aux commerces et commerçants, cliquez sur les liens suivants : étude d’un café ; étude d’un hôtel.

Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques, Retrouvez et identifiez toutes vos photos de famille, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.