Étoffez votre arbre généalogique grâce à RetroNews !
La presse ancienne est une véritable corne d’abondance biographique et généalogique. Qui n’a pas feuilleté les journaux anciens, qui n’a pas tourmenté le moteur de recherche de RetroNews, ne peut entrevoir la richesse et la diversité des brins de vie qu’elle recèle.
Naissances, mariages, décès, nécrologies, adresses, professions, promotions, mutations, diplômes, prix, décorations, concours sportifs, ventes, condamnations, faits divers, fonctions municipales, tendances politiques, rôles associatifs, goûts musicaux, implication dans la vie locale… sont autant d’éléments biographiques et généalogiques que l’on peut espérer découvrir dans les journaux de l’époque. A l’échelle d’une famille, il est même possible de couvrir l’ensemble de cette liste à la Prévert ! Voilà une promesse à même de susciter autant d’enthousiasme que de scepticisme auprès des généalogistes. Etayons-la à travers un exemple, celui de la famille Jaumon implantée en Algérie aux XIXe et XXe siècles.
L’arbre généalogique ci-dessous a été établi à l’aide de l’état civil en ligne sur le site des Archives nationales d’Outre-Mer. Il ne saurait faire rougir le moindre généalogiste. D’aucuns pourraient même le considérer comme achevé eu égard aux registres disponibles. Que nenni ! Ce serait négliger l’apport essentiel de la presse ancienne comme l’illustre l’enquête suivante.
Fort heureusement, le nom de famille Jaumon – originaire du Vaucluse et probablement monophylétique – est peu répandu. Aussi la simple saisie du mot « Jaumon » dans le moteur de recherche de RetroNews ne livre-t-elle « que » 444 résultats. Un chiffre suffisamment élevé pour étancher la soif du généalogiste et néanmoins assez raisonnable pour ne pas le décourager. Toutefois, la tentation est grande d’inspecter, dans le menu à gauche des résultats, la liste des titres de presse associés, ceci afin de restreindre nos recherches aux plus pertinents. Notre attention est évidemment accaparée par L’Écho d’Alger, en tête de liste avec 100 résultats, même si d’autres publications telles que La Dépêche coloniale, le Journal officiel de la République française ou La Politique coloniale pourraient présenter un certain intérêt. Focalisons-nous, dans un premier temps, sur ce titre et classons les 100 vignettes associées par date croissante, à l’aide du menu déroulant situé au-dessus des résultats.
Le premier résultat, tiré de L’Écho d’Alger du 27 mars 1912, fait référence à une demoiselle Jaumon résidant à l’Arba. Dans le second, en date du 29 avril 1912, il est question d’Emile, conseiller municipal sortant de Saint-Eugène. S’agit-il de l’oncle ou du neveu ? Le troisième, publié le 9 mai 1912, mentionne un certain « Jaumon, huissier à l’Arba ». Dans le quatrième, en date du 23 mai 1912, se trouve un avis relatif au « Grand restaurant d’Alger » ayant appartenu à Jaumon. Quant au cinquième résultat, paru le 1er juin 1912, il nous révèle que le conseil municipal d’Alger « vote un secours de 100 fr. en faveur de Mme veuve Jaumon ».
Ces 5 premiers résultats donnent ainsi à voir la diversité des renseignements mis à notre disposition par ce journal, mais également la difficulté qui nous attend pour emboîter ces différentes pièces de puzzle et les rattacher à chaque membre de la famille.
Cependant, la complexité n’est qu’apparente et ne résiste pas à une approche méthodique et patiente de classement des coupures de presse selon une ligne de vie (technique évoquée dans un précédent article ainsi qu’à diverses recherches successives sur d’autres termes (« Jaumont », « Ohlicher », « Seilhan »…). Eludons cette étape pour nous concentrer sur les résultats de l’enquête et les formidables enseignements que nous en tirons, tant pour compléter l’arbre généalogique que pour étoffer la biographie de chacun de ses membres.
Intéressons-nous tout d’abord à Gustave Emile, alias Emile dans la vie courante. De nombreux numéros de L’Écho d’Alger témoignent de son implication dans la vie locale de Saint-Eugène (commune aujourd’hui nommée Bologhine) puisqu’il est à la fois :
- Conseiller municipal de 1912 à 1917 (numéros des 29 avril 1912, 6 mai 1912, 8 juillet 1912, 5 août 1912, 31 mai 1913, 20 mars 1916, 29 mai 1916, 8 décembre 1916, 27 mai 1917),
- Vice-président des Gymnastes Saint-Eugénois en 1912 (L’Écho d’Alger du 16 décembre 1912),
- Assesseur de la Lyre Saint-Eugénoise (L’Écho d’Alger du 18 décembre 1912).
Hélas, son décès le 11 décembre 1917, à l’âge de 64 ans, coupera court à cet emploi du temps bien chargé comme l’atteste son avis de décès paru le 12 :
Cet avis, en sus de nous révéler la date de décès d’Emile, nous livre plusieurs informations précieuses :
- Le fait qu’il ait été maire de Bordj-bou-Arreridj,
- Son adresse à Saint-Eugène : 11 rue Frédéric,
- La précision qu’il n’a pas eu de descendants,
- Le détail que son neveu Emile n’a qu’un fils en 1917,
- L’information que sa nièce Aimée a plusieurs enfants en 1917.
Tournons-nous à présent vers son frère Marius. Il fait également montre d’un engagement remarquable au niveau local en tant que :
- Conseiller municipal d’Alger,
- Président d’une société orphéonique, la Lyre Algérienne, en 1889 (Journal de Montélimar du 20 juillet 1889), dont il est président d’honneur en 1921 (L’Écho d’Alger du 27 février 1921),
- Membre de la Société du Vieil Alger (L’Écho d’Alger du 17 mars 1913),
- Vice-président de l'Association amicale et prévoyance des employés municipaux de la ville d'Alger (L’Écho d’Alger du 14 avril 1919),
- Assesseur de la fédération des groupements des employés municipaux d'Algérie (L’Écho d’Alger du 27 octobre 1919),
- Doyen des chefs de cuisine et des restaurateurs d’Alger, rôle qui lui donne l’occasion de donner son avis circonstancié à propos des taxes sur la viande et de l’inflation des prix de l’alimentation (L’Écho d’Alger du 29 octobre 1919 et du 11 août 1921).
En effet, Marius Jaumon a préalablement exercé le métier de restaurateur. Son restaurant, situé 2 rue Dumont-d’Urville comme en témoignent divers articles de ce même journal (29 avril 1914, 25 septembre 1914, 30 novembre 1919, 13 février 1920, 10 mars 1920…), était une véritable institution. Quant à Marius, il était indéniablement une figure d’Alger. Ses multiples rôles l’attestent, tout comme sa nécrologie parue dans L’Écho d’Alger du 27 mars 1922 :
Cet article est une véritable pépite généalogique puisqu’il retrace la carrière du « vieil Algérien », rappelle les adresses successives de son restaurant et nous dévoile quelques traits de son caractère. Sa mort est en outre relayée par son avis de décès paru le 27 mars 1912 et les remerciements associés du 31. Ce faire-part nous précise de surcroît :
- L’adresse du défunt : 11 rue Rovigo,
- La ville de résidence de son fils Louis : Kerrata,
- Les noms de ses 3 enfants : Louis, Emile et l’épouse Ohlicher,
- Les noms de ses 3 petits-enfants : l’épouse Diaz, Gilbert et Simone.
Intéressons-nous à présent à son fils aîné Louis. Il connaît une ascension professionnelle remarquable puisque, de simple clerc d’avoué en 1895 à son mariage, il finira juge de paix hors classe et avocat. Grâce à la presse ancienne, nous pouvons en effet reconstituer plus de 30 ans de sa carrière :
- Huissier à l’Arba de 1911 à 1921 (L’Écho d’Alger du 3 avril 1921),
- Passage des examens du bac à la faculté de droit en 1912 (L’Écho d’Alger du 29 juin 1912 et du 6 novembre 1912),
- Obtention de la licence de droit (L’Écho d’Alger du 21 juin 1913, 22 juin 1913, 2 juillet 1913) à l’issue d’études menées en parallèle de son activité professionnelle et de sa vie de famille,
- Nomination en tant que juge de paix à Kerrata (L’Écho d’Alger du 27 mars 1921, du 3 avril 1921, du 10 avril 1921, La Dépêche coloniale du 2 avril 1921),
- Nomination en tant que juge de paix de Bougie (L’Écho d’Alger du 19 mars 1924, du 26 mars 1924, du 23 avril 1924, La Dépêche coloniale du 22 mars 1924),
- Promotion à la 2e classe (L’Écho d’Alger du 5 juillet 1926),
- Promotion à la 1ère classe (L’Écho d’Alger du 9 juin 1930),
- Promotion hors classe (L’Écho d’Alger du 14 juillet 1938, du 22 juillet 1938),
- Nomination en tant que juge de paix honoraire (L’Écho d’Alger du 20 décembre 1940),
- Admission à la retraite (L’Écho d’Alger du 11 septembre 1941, Journal officiel du 10 septembre 1941),
- Prestation de serment d’avocat (L’Écho d’Alger du 13 janvier 1944).
Au fil de ses différentes promotions, une constante est frappante : l’épithète « sympathique ». Ainsi est-il invariablement qualifié à chaque étape de sa carrière : le 2 juillet 1913, le 3 avril 1921, le 10 avril 1921, le 22 juillet 1938 et le 13 janvier 1944. En effet, les articles ne tarissent pas d’éloges à son égard : « ténacité », « qualités », « succès si justement mérité », « avait l’estime de tous », « excellente et digne personne qui ne compte que des sympathies dans la région ».
Au-delà de sa carrière, la presse ancienne nous livre quelques pans de sa vie privée, tels que :
- L’obtention d’un prix à un concours par sa fille Emilie, alors résidant place de la République à Alger (L’Écho d’Alger du 4 mai 1914),
- Le cruel décès de celle-ci à l’âge de 23 ans en 1915 (L’Écho d’Alger du 27 mars 1915 et du 9 avril 1915),
- Ses participations aux concours Nestlé de 1922 (L’Écho d’Alger du 30 octobre 1922 et du 30 décembre 1922),
- L’avis du décès de sa femme le 28 janvier 1929 (L’Écho d’Alger du 29 janvier 1929 et du 2 février 1929).
Cette incroyable moisson démontre, si besoin est, l’apport essentiel de la presse ancienne aux recherches généalogiques. Les journaux d’époque livrent en effet une quantité inespérée d’éléments biographiques pour enrichir et nourrir notre arbre généalogique comme l’illustre le récapitulatif ci-dessous. Toutefois, l’enquête est loin d’être terminée. Nombre de compléments restent à découvrir comme nous le verrons dans le prochain article.
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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.