Généalogie

La guerre de 39-45 : découvrez ses conséquences pour votre famille !

le 14/05/2024 par Tony Neulat
le 13/05/2024 par Tony Neulat - modifié le 14/05/2024

La tourmente de la Seconde Guerre mondiale n’a épargné personne, que ce soit pendant les combats, l’Occupation nazie ou la Libération. Quelles furent ses répercussions pour votre famille ? Les journaux de l’époque offrent un éclairage précieux à cet égard.

A l’approche du 80e anniversaire du Débarquement de Normandie, qui marque un tournant décisif de la Seconde Guerre mondiale, intéressons-nous à cette période ô combien traumatisante et à ses stigmates dans la presse ancienne. Les journaux de l’époque nous plongent en effet au cœur des événements et nous permettent de les vivre au jour le jour, à travers leur prisme partisan. En outre, – et c’est l’aspect le plus intéressant du point de vue généalogique – ils nous laissent entrevoir les conséquences de la guerre à l’échelle individuelle grâce à leurs nombreuses mentions nominatives de combattants, de prisonniers, de victimes, de réfugiés, de résistants… et même de collaborationnistes. En voici la preuve par l’exemple.

Les morts pour la France

Les journaux des années 1939 et 1940 sont parsemés d’avis de décès de combattants « tombés au champ d’honneur » ou « morts pour la France » selon les expressions tristement consacrées. Ainsi en est-il du Marseillais Louis Goss, décédé en 1939 à l’âge de 30 ans, comme l’atteste son faire-part de décès publié le 5 décembre 1939 dans Le Petit Marseillais.

Les publications du 7 décembre du Petit Marseillais et du Petit Provençal nous révèlent quant à elles qu’il était cheminot :

« L'Harmonie des Cheminots a le regret de faire aprt à ses membres du décès de leur camarade M. Louis GOSS, mort pour la France. »

A ces avis de décès, publiés à l’initiative des familles, s’ajoute fréquemment un dernier hommage dans le journal local, soit sous forme de brève, soit sous forme de listes de Morts pour la France. Ces mentions peuvent être retrouvées aisément à l’aide de la recherche avancée réservée aux abonnés. Il vous suffit de saisir le patronyme désiré, de restreindre votre recherche aux années 1939-1940 (« Date de publication du 01/01/1939 au 31/12/1940 ») et de renseigner « mort pour la France » ou « champ d’honneur » au niveau du critère « cette expression ».

En outre, il est à noter que le Journal officiel offre souvent de précieux compléments sur les circonstances du décès. En effet, de nombreux combattants se voient attribuer, par décret, une décoration à titre posthume telle que la médaille militaire. Il en résulte de longues listes nominatives de combattants, précisant leurs identités, grades, numéros matricules, attitudes au combat, actes de bravoure, citations et décorations accordées ainsi que les conditions de leur mort. Le Journal officiel du 27 mars 1941 nous dévoile ainsi le déroulé détaillé des événements qui ont précédé le trépas du soldat Louis Goss :

Ces renseignements sont d’autant plus précieux qu’ils n’apparaissent pas sur le site Mémoire des hommes et que les registres matricules des soldats nés il y a moins de 120 ans ne sont pas communicables.

Ces décorations posthumes sont souvent accordées plusieurs mois voire années après le décès de l’intéressé, d’où l’importance de ne pas limiter votre recherche à une période trop étroite. Pour retrouver ces inestimables mentions de vos ancêtres, procédez de la sorte : saisissez les noms et prénoms du combattant au niveau du critère « Tous ces mots », à « chercher dans le paragraphe » et limitez la recherche à la période courant du « 01/01/1939 au 31/12/1945 » et au titre de publication « Journal officiel de la république française ».

 

Sortie littéraire le 4 avril 2024 !

1913. Vers la Grande Guerre

L’année 1913 est celle où le destin de l’Europe bascule vers la Grande Guerre. Dans la société française, les tensions vont croissant et la menace d’un conflit plane : c’est l’« heure difficile » décrite par Georges Clemenceau.

Acheter le livre sur le site de Tallandier

Les braves combattants

Fort heureusement, le décès ne représentait pas une condition sine qua non pour être gratifié de telles décorations. Le Journal officiel regorge de listes de combattants auxquels ont été décernées diverses médailles telles que la Légion d’honneur, la Croix de guerre ou la Médaille militaire (comme je l’ai déjà expliqué dans un article spécifique). Ces citations comportent peu ou prou les mêmes renseignements que ceux précédemment évoqués comme l’illustrent celles de Jean-Marie Boucher de Crèvecœur (un nom qui le prédestinait au combat…) ou de Robert de Vaureix, publiées au Journal officiel du 17 avril 1940 :

Les prisonniers

Des centaines de milliers de soldats tombent entre les mains de l’ennemi de septembre 1939 à juin 1940, date de la capitulation française. L’autorité militaire allemande procède alors à l’établissement de listes officielles de prisonniers de guerre. Au total, 100 listes, consultables dans Gallica, seront publiées d’août 1940 à juin 1941. Elles indiquent, pour chaque prisonnier, ses nom, prénoms, date et lieu de naissance, grade et unité ainsi que son camp d’emprisonnement. Une multitude de journaux relaient ces listes, soit in extenso, soit sous forme d’extraits locaux, restreints aux prisonniers originaires de la région, comme l’illustre cette page du journal Le Jour – Echo de Paris du 4 août 1940 : 

Les réfugiés de la débâcle

La progression de l’armée allemande, en mai et juin 1940, suscite la panique et un exode massif de la population du nord et de l’est de la France vers le sud. Des millions de civils fuient précipitamment dans un désordre inimaginable. Des familles sont dispersées et des enfants séparés de leurs parents, parfois pendant des mois. Les avis de recherche publiés dans la presse sont édifiants. Ils laissent imaginer la détresse des parents et des enfants isolés, dans des contrées totalement inconnues… L’encart ci-dessous, intitulé « Les enfants perdus » et tiré du Figaro du 16 août 1940, fait froid dans le dos :

Des enfants de 2 ans, 5 ans, 6 ans, voire plus âgés comme mon grand-père Pierre Couture de 11 ans, sont encore recherchés par leurs parents plus de deux mois après la débâcle…

Néanmoins, tous les journaux ne présentent pas de rubrique dédiée. Les avis de recherche de proches parents sont souvent noyés au sein d’une multitude de petites annonces publiées à la toute fin du journal. En témoigne cet extrait de La Petite Gironde du 8 juillet 1940 :

« Mme Renolde, mairie Ste-Bazelle, recherche ses 5 enfants perdus entre Limoges et Périgueux ».

Ou ces diverses annonces tirées du Matin du 6 juillet 1940 :

« Recherche Mme Fillerin, 3 enfants, perdus Orléans 16 juin. »

« Mr et Mme Habourdin, 16, boul. Eugène-Decros, les Lilas (Seine), demandent des nouvelles de leur fils André Collas ».

« Gaston. Papa et petite maman b. santé. Attends, reste où tu es Rapha Marcelle. »

« G. Lambert rentré 8, rue du Poteau, attend Marcelle avec anxiété. »

« Tardiveau, 33, r. Ernest-Gervaise, Brunoy (S.-et-O.), prie personnes pouvant donner nouvelles de sa femme et de son fils, 4 mois, disparus Orléans le 16 juin. »

« Mme Davin, 29, rue de Paris, Joinville-le-Pont, recherche mari Lucien, fils André, fillette Lucienne. »

Les résistants

Les membres de la Résistance sont plus difficiles à retrouver, discrétion oblige. Néanmoins, ils peuvent sortir de l’anonymat après leur décès, à l’occasion d’un dernier hommage dans la presse. Certaines victimes se voient notamment décerner la Croix de la Libération à titre posthume. Cette décoration fait alors l’objet d’un décret dans le Bulletin officiel des Forces françaises libres dont voici un exemple concernant le capitaine Flury-Hérard, tiré du numéro 12 du 18 novembre 1941.

En outre, il est possible de découvrir des listes d’otages fusillés pour l’exemple, tant dans la presse officielle que dans les journaux clandestins opposés au Régime de Vichy. Qualifiés « d’otages » par les uns et de « martyrs de la Résistance » par les autres, leurs noms sont communiqués à des fins très différentes selon le camp du journal : terroriser ou rendre hommage. Le quotidien France publie ainsi le 22 septembre 1941 la liste des 12 otages exécutés en représailles d’un attentat contre un soldat allemand. Les noms, prénoms, lieux d’origine et motifs d’arrestation sont indiqués pour chacun d’eux :

Plus de 6200 numéros de journaux résistants, tels que L’Aurore, le Combat ou encore L’Humanité, sont ainsi en ligne dans RetroNews et peuvent être consultés en sélectionnant « Presse de résistance » au niveau du filtre « Type de presse ».

Les collaborationnistes

Ces journaux clandestins ne tiennent pas uniquement des listes de victimes mais aussi de leurs bourreaux… En effet, les journaux de la Résistance publient parfois des « listes noires » de collaborationnistes afin de les livrer à la vindicte populaire, à l’image du Combat du 25 septembre 1943 :

« LA GESTAPO ET LES SIENS

[…]

Nous avertissons aujourd’hui M. THOUMARS, Préfet de Saône-et-Loire, M. SOULIER, secrétaire-général de la Préfecture de l’Ain ainsi que le nouveau Préfet du Jura que nous les tenons à l’œil ; mais pour ROBERT, inspecteur de police aux renseignements généraux de Vichy, véritable tortionnaire ; pour le colonel THEZE, du Vésinet (S. et O.), agent de la Gestapo sous couvert d’affaires syro-libanaises ; pour GENTON, droguiste à Annemasse, chef d’équipe de la Milice ; DURAND, commissaire municipal d’Annemasse […] pour les inspecteurs MONNIER, MOINE, GUILLEMIN et MARTIN, coupables d’avoir torturé des jeunes gens […] pour le nommé GERBELOT, menuisier à Chindrieux (Savoie), ayant dénoncé 19 réfractaires au S. T. O. … Pour tous ces misérables, il est trop tard. »

Par ailleurs, au lendemain de la Libération, la population prend sa revanche contre ses anciens tortionnaires. Une vague d’arrestations déferle sur la France et touche tous les secteurs : la police, l’administration, la presse, l’industrie, etc. C’est « l’épuration » dont les journaux relaient à l’envi chaque épisode pendant plusieurs années à travers des articles titrés « Les dernières arrestations », « L’épuration continue » ou encore « L’épuration se poursuit ». Les noms, professions et exactions des anciens « kollaborateurs » et agents de la Gestapo y sont soigneusement consignés comme le révèle cet article du 15 septembre 1944 de L’Humanité. 

 

Les répercussions de la guerre au quotidien

Même si votre famille n’a joué aucun rôle particulier lors de la Seconde Guerre mondiale, la presse ancienne peut vous réserver de belles surprises et vous laisser entrevoir les diverses épreuves et difficultés occasionnées par les conflits et l’Occupation. A titre d’exemple, cet extrait de La Croix de l’Aveyron du 25 avril 1943 liste les montants des amendes infligées à divers agriculteurs pour détention irrégulière de céréales « panifiables ». En effet, en cette période de pénurie, les céréales utiles à la fabrication du pain étaient collectées de force afin d’approvisionner les boulangers.

Ainsi, comme l’illustrent ces quelques exemples, la presse ancienne permet de suivre l’actualité des conflits au quotidien, tant à l’échelle nationale que locale et familiale. Elle constitue un réservoir d’histoires personnelles inépuisable qu’il ne tient qu’à vous de sonder !

-

Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiquesRetrouvez et identifiez toutes vos photos de famille, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.