24 février 1848 : l'abdication du dernier roi des Français
Le 24 février 1848, au lendemain des émeutes qui ont secoué la capitale, le roi Louis-Philippe, acculé, finit par abdiquer. C'est la fin de la monarchie de Juillet.
Voir notre article précédent sur les événements de la révolution de février 1848.
–
24 février 1848. La veille, boulevard des Capucines, le 14e régiment d'infanterie a ouvert le feu sur des manifestants, faisant entre 35 et 50 morts. Pendant toute la nuit, la foule parisienne révoltée s'est munie d'armes et a disposé des barricades à travers toute la capitale. Au petit matin, Paris lui appartient.
La situation est désormais critique pour Louis-Philippe. Se refusant à réprimer l'insurrection dans le sang, le souverain, depuis les Tuileries, va d'abord tenter de former un nouveau gouvernement autour d'Odilon Barrot et d'Adolphe Thiers.
À dix heures et demie paraît donc une première proclamation, destinée à freiner le soulèvement populaire :
« Citoyens de Paris !
L'ordre est donné de suspendre le feu. Nous venons d'être chargés par le Roi de composer un ministère. La Chambre va être dissoute. Le général Lamoricière est nommé commandant en chef de la garde nationale de Paris.
MM. Odilon-Barrot, Thiers, Lamoricière, Duvergier de Hauranne, sont ministres.
Liberté ! Ordre ! Union ! Réformes !
Signé : ODILON-BARROT et THIERS. »
En vain. Vers midi, le palais des Tuileries, au cœur de Paris, commence à être attaqué par la foule. La Gazette de France raconte :
« Jamais révolution n’a marché plus vite que celle à laquelle nous venons d’assister. Ce matin, dès six heures, le rappel de la garde nationale a battu dans tous les quartiers. Des régiments de cavalerie et d’infanterie sont venus grossir la petite armée qui avait bivouaqué pendant la nuit sur la place du Carrousel […].
On a su alors que le peuple avait poussé ses barricades jusqu’aux abords des Tuileries, du côté de la rue Richelieu et de la rue de Rivoli ; que le ministère Thiers et Odilon Barrot avait été repoussé par le peuple, et que l’attaque des Tuileries devenait imminente [...].
Enfin, vers onze heures, une colonne d'insurgés a débouché pacifiquement, mais armée, de la rue de Rohan, elle est entrée dans le Carrousel, couvert de troupes, et s’est mise en rapport avec l’état-major. »
Louis-Philippe, acculé, se résout alors à renoncer au pouvoir. À treize heures, une seconde proclamation paraît.
« Citoyens de Paris !
Le Roi abdique en faveur du comte de Paris, avec la duchesse d'Orléans pour régente.
Amnistie générale.
Dissolution de la Chambre.
Appel au pays. »
Le dernier roi des Français abdique en faveur de son petit-fils Louis-Philippe II, le comte de Paris, âgé de neuf ans, et confie la régence à la duchesse d'Orléans. C'est la fin de la monarchie de Juillet.
La Chambre des députés est d'abord prête à accepter cette régence. Mais face aux insurgés qui envahissent le palais Bourbon, elle va décider de confier le pouvoir à un gouvernement provisoire.
Au même moment, sous la pression des révolutionnaires, Louis-Philippe, craignant un destin à la Louis XVI, choisit l'exil. Il se déguise et quitte Paris. Le 6 mars, le journal L'Assemblée nationale racontera sa fuite :
« Un ami (qui est un fermier) procura des déguisements à Louis-Philippe et aux personnes de sa suite. L’ex-roi prit un vieil habit et un vieux chapeau, après avoir coupé ses favoris et s’être grimé de manière à ne pas être reconnu. Les autres déguisements étaient complets. Le fermier avait promis de les conduire tous sains et saufs à la côte par des chemins qu’il connaissait.
La société voyageait de nuit : elle arriva à Honfleur, le samedi, mais à cinq heures [...]. Jeudi, dans l’après-midi, l’homme qui avait donné asile au monarque détrôné à Honfleur, loua un bateau pêcheur français pour transporter les fugitifs de Honfleur au Havre.
Craignant que sur cette petite embarcation on ne reconnût les traces du roi, il prit un interprète pour le roi qui, afin de rendre son déguisement plus complet, se fit passer pour un Anglais. Au Havre, l'Express attendait, chauffant sa vapeur. À neuf heures du soir, les fugitifs partaient pour la côte hospitalière d’Angleterre. »
Voyageant sous le nom de Mr. Smith, Louis-Philippe gagne la Grande-Bretagne, où la reine Victoria met à sa disposition, pour lui et à sa famille, un château dans le Surrey.
Le roi déchu y mourra deux ans plus tard, le 26 août 1850. Apprenant sa mort, La Presse écrira :
« Après avoir porté son sceptre sans ostentation et sans orgueil, Louis-Philippe supporta son exil sans faiblesse et sans amertume. Il vivait, depuis deux ans, sur un coin de terre étrangère, à part des intrigues, sans rancune et sans aigreur, n'attendant plus rien que de Dieu […].
Devant ce spectacle, la politique elle-même s'attendrit, l'histoire ajourne la sévérité de ses jugements et une grande et généreuse nation, comme la France, ne laisse tomber de sa main que des respects et des sympathies. »