1897 : un concert clandestin dans les Catacombes
À la fin du XIXe siècle, un concert de musique illégal est organisé dans les Catacombes de Paris – cet événement défraya la chronique.
Où fallait-il être absolument le soir du 2 avril 1897 ? Dans les catacombes ! Tout commence lorsque, ce jour-là, les critiques les plus en vue de la presse parisienne reçoivent cet énigmatique billet :
"Vous êtes prié d'assister au concert spirituel et profane qui se fera, le vendredi 2 avril 1897, en l'ossuaire des catacombes de Paris, par le concours d'artistes musicaux très éminents. Notes précieuses. L'entrée sera rue Dareau, 92, près la rue Halle, dès onze heures du soir. Pour éviter le rassemblement de curieux et de gêneurs, prière de ne pas ordonner l'arrêt de voitures devant la porte d'entrée."
Le soir venu, les plus curieux d'entre eux se rendent à l'invitation. À l'entrée, deux jeunes gens les mènent à travers une galerie souterraine jusqu'à une pièce où, au milieu des restes humains et en compagnie d'une centaine de convives, il voient arriver 45 musiciens, recrutés parmi les artistes de l'Opéra. Le Petit Parisien du 9 avril 1897 décrit la scène :
"Toujours est-il qu'au long des murs garnis d'ossements, on avait aligné des chaises, que des bougies avaient été allumées, et qu'une centaine d'invités — parmi lesquels figuraient des dames — entendirent, entre onze heures et minuit, et à quatre-vingts pieds sous terre, les musiciens exécuter la Marche funèbre de Chopin et la Danse macabre de Saint-Saëns, et les poètes réciter des pièces de vers plus ou moins lugubres."
Il faut préciser que la soirée est illégale : à l'époque, les catacombes ne sont ouvertes au public qu'à date irrégulière, et leur visite est strictement encadrée. La clandestinité ajoute du piment à la soirée, et dès le lendemain, le Tout-Paris ne parle que de « l'aubade aux morts » qui s'est tenue dans les entrailles de la capitale... Et si la plupart des critiques s'avouent ravis d'avoir assisté à ce concert très select, le journaliste de La Croix (qui visiblement n'a pas été invité) ne cache pas sa désapprobation :
"Quelques jeunes gens qui se vantent d'être blasés mais qui ont surtout perdu le sentiment des convenances ont cru très « fin de siècle » d’organiser un concert macabre dans l’ossuaire des catacombes de Paris. À minuit, une assistance fort mélangée écoutait, sous les voûtes sépulcrales, entre des murs de débris humains desséchés, des marches funèbres et des danses macabres. On s’est bien amusé !! Jadis les chrétiens descendaient aux catacombes pour échapper aux bêtes ; aujourd’hui ce serait précaution inutile..."
Pour éviter que ce genre d'événement ne se reproduise, les services des carrières empileront des ossements entre les piliers. Quant à l'agent municipal qui, soudoyé par les organisateurs, leur a ouvert l'entrée, il sera aussitôt renvoyé...
