Écho de presse

« La Kollontaï », égérie de la Révolution russe de 1917

le 26/10/2018 par Marina Bellot
le 23/10/2017 par Marina Bellot - modifié le 26/10/2018
Illustration : L'Humanité du 21 novembre 1927 - Source : BnF RetroNews

Marxiste, antimilitariste et féministe, Alexandra Kollontaï joua un rôle de premier plan dans la Révolution russe de 1917 et fut la première femme du monde contemporain à participer à un gouvernement.

La « Walkyrie de la révolution », la « Belle Révoltée », la « Jaurès en jupons », la « Scandaleuse »… Les nombreux surnoms donnés à Alexandra Kollontaï (1872-1952) en disent long sur son importance dans la vie intellectuelle et politique de son siècle.

Fille unique d’un général tsariste, la jeune femme a à peine 30 ans quand elle adhère au Parti ouvrier social-démocrate de Russie tout juste fondé par Lénine. Elle participe à la Révolution de 1905 puis, farouchement antimilitariste et opposée à la Première Guerre mondiale, elle rejoint les bolcheviks en 1915.

Alexandra Kollontaï joue un rôle de premier plan dans la Révolution de 1917, qui la conduira à être nommée commissaire du peuple à l’Assistance publique (l’équivalent de ministre de la Santé) dans le gouvernement des Soviets, de novembre 1917 à mars 1918. C’est la première femme de l’époque contemporaine à participer à un gouvernement.

En 1919, L’Humanité revient sur son rôle dans la Révolution russe :

« Fille et femme de général, antimilitariste passionnée, bolcheviste d'extrême gauche devenue commissaire du peuple à la santé publique, la Kollontaï est l'une des figures les plus intéressantes de la Révolution russe. [...]

À l'origine de la Révolution, elle avait largement contribué à développer l'indiscipline dans les troupes russes et à faire naître l'ardente volonté de paix qui a conduit les bolcheviks au pouvoir. 

[...] Outre l'impulsion donnée par elle au développement des institutions de secours aux mères et aux enfants, dont j'ai déjà parlé ici-même, elle joue un rôle politique de premier plan. C'est elle qui réussit à faire signer le projet décrétant la séparation des églises et de l'État en supprimant le budget des cultes. »

Féministe passionnée, elle milite pour donner aux femmes toute leur place dans la société russe postrévolutionnaire. Pourfendant le « féminisme bourgeois », elle développe une pensée sur le mariage et le rôle de l'ouvrière dans la Russie des Soviets, ainsi exprimée dans L’Émancipateur en 1923 :

« Le mariage y est la libre association de deux travailleurs qui s’affectionnent et qui sont à l’égard l’un de l’autre dans une complète indépendance. L’amour ne disparait pas dans un pays où le prolétariat a conquis le pouvoir ; ce qui disparait, c’est en même temps l’esclavage économique de la femme mariée qui cesse d’être entretenue par son mari. [...]

La Révolution russe a proclamé le travail obligatoire pour tous ; il s’en suit que la femme peut gagner elle-même sa vie, et reçoit de la collectivité, tout comme l'homme auquel elle est unie, sa subsistance matérielle. Il ressort donc tout à fait clairement que si la femme russe a dans le mariage des droits identiques à ceux de l’homme, c’est grâce à son affranchissement économique, c’est parce qu’elle joue un rôle dans la production. »

Elle ira plus loin en affirmant que le mariage et la fidélité, qu'elle appelle la « captivité amoureuse », sont amenés à disparaître, et théorisera l'amour-camaraderie, préfiguration du concept moderne de polyamour.

Alexandra Kollontaï sera aussi l'une des premières femmes ambassadrices au monde. Elle mènera une intense carrière diplomatique en tant que représentante de l'Union soviétique en Norvège, au Mexique et en Suède, comme on peut le lire dans Le Petit Parisien en 1940.