L'inauguration du canal de Suez en 1869
Le canal de Suez est inauguré en grande pompe le 17 novembre 1869. Ferdinand de Lesseps est le grand ordonnateur de ce projet pharaonique. « Dans cette vaste entreprise menée avec autant de patience que de courage, la plus grande dépense a été pour l'Égypte, la plus grande gloire pour la France et le plus grand profit pour l'Angleterre. » (Edmond About, romancier populaire, dans Le Fellah, 1869).
L’aménagement du canal de Suez : le projet de Ferdinand de Lesseps
Ferdinand de Lesseps, diplomate français en Égypte, veut réaliser un projet gigantesque pour l’époque : faire creuser un canal artificiel de la mer Rouge à la mer Méditerranée, reliant l’Europe à l’Asie en contournant l’Afrique. Bien introduit auprès du khédive égyptien Mohamed Saïd (qui gouverne de 1854 à 1863 l’Égypte au nom du sultan ottoman), il parvient à le convaincre de réaliser cet aménagement.
Dans un discours à l’Académie française en l’honneur de Ferdinand de Lesseps, Anatole France retrace l’histoire de la construction du canal de Suez (Le Temps, 25 décembre 1896). Il obtient le 30 novembre 1854 la signature du premier firman du khédive, un acte de concession de la zone du canal, lui donnant « le pouvoir exclusif de constituer et de diriger une compagnie universelle pour le percement de l’isthme de Suez et l’exploitation d’un canal entre les deux mers » (La Presse, 6 février 1855). Il fonde la Compagnie universelle du canal de Suez le 19 mai 1855 et obtient une concession de 99 ans dans un second firman. Pour soutenir son projet, il lance la revue L’Isthme de Suez : journal de l’Union des deux mers en 1856 une grande souscription en novembre 1858 (Le Figaro, 21 novembre 1858) en Europe pour son financement mais elle est largement boudée sauf en France (52 % des actions). Le khédive doit s’endetter pour sauver l’affaire et se retrouve à la tête de 44 % du capital de la Compagnie.
Le creusement du canal connaît de nombreuses vicissitudes : les Anglais et les Ottomans sont rétifs au projet et tentent de le bloquer. Les travaux de percement commencent en avril 1859 (Le Constitutionnel, 22 avril 1859). Le Monde illustré (28 septembre 1867) diffuse des photographies des travaux de percement du canal et des machines utilisés telle que la drague à godets.
Ferdinand de Lesseps (1805-1894)
Diplomate français en Égypte avec le titre de vice-consul, bien introduit à la cour de Napoléon III, Ferdinand de Lesseps, également entrepreneur, est le grand ordonnateur du creusement du canal de Suez inauguré en 1869. La réussite de son projet pharaonique à Suez l’a convaincu de rééditer son exploit 10 ans plus tard en lançant le projet de percement du canal de Panama, qui aboutit à un désastre politique et financier, pour lequel il fut poursuivi par la justice. Il est élu en 1884 à l’Académie française.
L’inauguration du canal de Suez
Le canal de Suez mesure 161 km entre Port-Saïd, sur la Méditerranée, et Suez, sur la mer Rouge. L'aménagement de chenaux en mer Rouge et en Méditerranée a fait passer sa longueur totale à 193,3 km. La jonction des eaux a lieu le 15 août 1869. Elle concrétise la réalisation de la devise de Lesseps « Aperire terram gentibus ».
Le 17 novembre 1869 a lieu la cérémonie d’inauguration du canal en présence de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, de l’empereur d’Autriche François-Joseph accompagnés d’autres dignitaires européens et du khédive Ismaïl Pacha (1863-1879). La presse rapporte les festivités et le périple de L’Aigle, yacht impérial, qui s’engage dans le chenal avec les navires des autres souverains (Le Monde illustré, Le Constitutionnel du 19 novembre 1869, le Journal des débats du 30 novembre 1869).
Le compositeur Giuseppe Verdi avait composé son Aïda pour son inauguration. Il faut attendre le 23 décembre 1871 pour assister à sa première représentation du fait de la guerre franco-prussienne (Journal des débats du 5 janvier 1872).
Le Canal de Suez, un axe stratégique et économique très convoité
Ce nouvel axe, conçu pour les navires à vapeur (innovation technologique majeure de l’époque) bouleverse la circulation des flux maritimes et stimule les échanges. Pourtant la première année d’exploitation est déficitaire, les premiers bénéfices n’apparaissant que l’année suivante. Dès 1880, la route par Suez supplante celle par le Cap de Bonne Espérance. Les Anglais en sont les principaux clients.
L’ouverture du canal de Suez a exacerbé la rivalité franco-anglaise dans cette région du Proche-Orient. Afin de protéger leur route des Indes, les Britanniques occupent militairement l’Égypte en 1882 (Le Petit Journal, 22 août 1882). Ils s’assurent d’une meilleure position dans le conseil d’administration de la compagnie de Suez dont ils détiennent 44 % des parts depuis leur rachat des actions du khédive égyptien, surendetté, en 1875 (La Presse, 29 novembre 1875). Le canal devient un succès commercial dont seuls profitent les Anglais.
Le canal de Suez obtient toutefois en 1888 le statut de voie maritime internationale, tenue à la neutralité en temps de paix comme en temps de guerre. Ce statut a été respecté par les navires de la guerre franco-prussienne de 1870 et russo-japonaise (1904-1905). Les Britanniques contrôlent le canal jusqu’à sa nationalisation par Nasser en 1956.
Bibliographie
Ghislain de Diesbach, Ferdinand de Lesseps, Paris, Perrin, 1998.
Nathalie Montel, Le chantier du canal de Suez (1859-1869). Une histoire des pratiques techniques, Paris, Presses de l’École nationale des Ponts et Chaussées, 1998.
Caroline Piquet, « La compagnie du canal de Suez. Une concession française en Égypte (1858-1956) », Entreprises et histoire, n° 52 (mars 2008), p. 67-75.
Caroline Piquet, Histoire du canal de Suez, Paris, Perrin, 2009.