Un pharmacien dans la famille ? Suivez son activité dans RetroNews !

Géraudel ? Est-ce un nom qui vous interpelle ? Personnellement, j’ignorais tout d’Auguste Arthur Géraudel (1841-1906) avant de découvrir, via Geneastar, qu’il s’agissait d’un lointain cousin. Et pourtant… Pharmacien parti de rien, « roi de la réclame », industriel philanthrope, inventeur éponyme des pastilles Géraudel, il jouissait à la fin du XIXe siècle d’une renommée considérable en France et au-delà, à tel point que le général Boulanger – dont le nom, en revanche, ne m’était pas étranger – était surnommé le général Géraudel en référence au pharmacien !

La curiosité aidant, l’occasion est trop tentante de nous plonger dans les journaux de l’époque pour nous familiariser avec ce personnage. L’aventure s’annonce, dès ses débuts, très différente des enquêtes habituelles : le nom Géraudel est présent près de 20 000 fois dans RetroNews… et l’écrasante majorité ont trait à notre pharmacien, son activité ou sa famille. Ainsi, comme nous le constaterons progressivement au fil de notre investigation, l’enjeu ne sera pas ici de dénicher astucieusement quelques maigres mentions de simples gens mais plutôt d’extraire habilement les articles les plus utiles parmi des milliers de résultats pertinents.

Avant de plonger tête baissée dans ce champ d’investigation particulièrement fécond, souvenons-nous de la précieuse fonctionnalité « Fréquence du terme » (réservée aux abonnés). Précieuse car elle nous permet, en un clic et un clin d’œil d’apprécier la notoriété du pharmacien Géraudel au fil des ans.

C’est à 38 ans, fin 1879, que la carrière d’Auguste Arthur Géraudel décolle. Elle connaît son apogée à la fin des années 1880 et au début des années 1890, avec plus de 1000 occurrences annuelles de son nom. Par ailleurs, deux pics postérieurs à son décès se dégagent : en 1907 et 1930-1931. De multiples possibilités s’offrent à nous pour nous immerger dans les milliers d’articles correspondants mais ce sont ces deux pics qui attirent tout d’abord notre attention.

En cliquant sur le pic de 1931 sur le graphique, nous accédons directement à la liste des 638 extraits de journaux comportant le nom Géraudel, que nous trions par date croissante à l’aide du filtre en haut à gauche. L’affichage des résultats sous forme de vignette révèle son plein potentiel dans cette enquête. En effet, il saute aux yeux que nous avons affaire, cette année-là, à une campagne de publicité massive pour les pastilles Géraudel. L’encart « Si vous toussez… une Géraudel ! dans toutes pharmacies » inonde tous les journaux. La pastille a acquis une telle notoriété qu’elle est mentionnée comme nom commun.

Hélas, ces réclames intempestives nuisent à notre recherche puisqu’elles noient peut-être des résultats uniques et autrement plus intéressants. Comment s’en affranchir ? En utilisant un critère de recherche avancée que nous avons peu évoqué jusqu’à présent mais qui se révèle ici incontournable : « Aucun des mots suivants ». Ce champ permet d’exclure, de la liste des résultats normalement proposés (c’est-à-dire contenant le nom Géraudel), tous les résultats comportant certains mots-clés. Au vu du slogan publicitaire, le terme « toussez » semble un bon candidat. Effectivement, le nombre de résultats tombe à 191, même si certaines réclames passent entre les mailles du filet. Grâce aux vignettes, le parcours des 191 extraits n’est l’affaire que de quelques minutes. Seuls 3 résultats, issus de l’Action française des 14 avril 1931, 31 mai 1931 et 11 juin 1931, se révèlent intéressants puisqu’ils font référence au docteur Émile Géraudel, chef de laboratoire à l’hôpital de la Pitié, qui n’est autre que le fils du pharmacien.

L’analyse des journaux de 1930, selon la même méthode, ne livre aucun résultat complémentaire si ce n’est un détail intéressant tiré de La Revue mondiale du 1^er avril 1930 qui nous précise que Jules Roques, directeur du journal Le Courrier français, était également le « directeur de la publicité des pastilles Géraudel » dans les années 1880-1890. Aurions-nous identifié l’éminence grise du « roi de la réclame » ou simplement sa cheville ouvrière ? Notons qu’un article du 18 décembre 1926, paru dans La Fronde, précise que :

« Jules Roques était venu, fondant Le Courrier Français, avec pour Mécène, un petit pharmacien des Vosges : Géraudel ! »

Intéressons-nous à présent au pic de 1907. Un clic sur le graphique nous permet de visualiser les 558 résultats, que nous trions par date croissante. Cette fois encore, de nombreuses réclames attirent l’attention dont celle-ci, particulièrement visible en dernière page d’une multitude de journaux.

Au-delà des encarts publicitaires, divers journaux, tels que Le Figaro du 17 janvier 1907, se font l’écho d’un concours artistique dont le sujet est sobrement intitulé : « glorification des célèbres pastilles Géraudel » :

« Le Courrier Français annonce, dans son dernier numéro daté du 10 janvier, l’ouverture d’un concours entre dessinateurs, affichistes, poètes et chansonniers, musiciens, avec vingt prix en espèces formant ensemble une somme de 6000 francs. Sujet du concours : Glorification des célèbres Pastilles Géraudel, universellement connues et appréciées depuis un quart de siècle dans le monde entier comme les meilleures et les plus efficaces pour se préserver et guérir des rhumes, toux, bronchites, grippes, etc. On les trouve dans toutes les pharmacies. Ce numéro du Courrier Français du 10 janvier contient les conditions du concours : jury, modèles de dessins et d’affiches, spécimen de poésies-réclames, etc. […] »

Ce concours promotionnel ingénieux et largement diffusé lancera certains artistes comme Chéret ou Willette et sera à l’origine d’une multitude d’œuvres parues dans la presse. Citons notamment les nombreux poèmes d’Henri Galoy parus dans L’Écho de Paris du 23 janvier 1907, Le Petit Journal du 25 janvier 1907, ou encore dans Le Soleil du 12 janvier 1907 :

Une exposition publique en l’honneur de ces dessins et projets d’affiches est même organisée le 28 février 1907 chez Clovis Sagot, 46 rue Laffitte (d’après Le Journal du 26 février 1907). Certains sont particulièrement réussis, telles que les affiches de Willette ou Helleu parues dans Le Petit Journal du 25 janvier 1907, Le Matin du 28 mars 1907, Le Journal du 9 novembre 1907 ou Le Petit Journal du 25 novembre 1907.

Il faut reconnaître que l’entreprise Géraudel ne manque pas d’ingéniosité pour faire connaître ses miraculeuses pastilles, et ce même après le décès du fondateur :

• Encarts publicitaires inondant la presse
• Jeux concours artistiques comme celui de janvier 1907
• Une anagramme parue dans L’Intransigeant du 15 mars 1907 : « Il est le plus âgé d’Arles. Pourquoi ? A quel produit doit-il sa longévité ? Réponse : les Pastilles Géraudel »
• « La fête du 15^e million » d’étuis de pastilles Géraudel en 1907 (ex : Le Petit Bourguignon du 20 janvier 1907)
• La publication de brèves aux titres accrocheurs tels que « 30 millions de victimes » (ex : Le Petit Parisien du 23 novembre 1907)
• L’envoi d’échantillons gratuits de 6 pastilles (ex : Le Petit Parisien du 23 novembre 1907)
• L’envoi de prospectus gratuits sur demande (ex : Le Petit Journal du 20 mars 1907)
• Le don de pastilles au service postal (ex : Le Figaro du 12 février 1907)
• Le communiqué de nouvelles ou de faits divers aux allures de « fake news » (ex : Le Figaro du 12 janvier 1907, La Libre Parole du 5 décembre 1907, etc.)
• Le recours à des « testimoniaux » de personnalités tels que celui du docteur Ducharme, chevalier de la Légion d’honneur (ex : Le Courrier de l’Est du 6 février 1892) ou d’Emmanuel Lafarge de l’Opéra (Le Gaulois du 24 janvier 1899)
• La réclame télégraphique à un million de Parisiens (L’Événement du 7 avril 1887)
• Le recours à des affiches humoristiques sur les belles-mères en lien avec le purgatif en poudre Géraudel (ex : Le Petit Parisien du 8 août 1907)
• Etc.

Comme on peut le constater à la lecture de ces articles de journaux, le titre de « roi de la réclame » n’est pas usurpé. Ce pharmacien avant-gardiste a su recourir à une large panoplie d’approches publicitaires pour asseoir tant sa renommée que celle de ses pastilles. Cet extrait de L’Indépendant rémois du 12 mars 1889 résume parfaitement la situation :

« M. Géraudel, le fabricant de pilules, passait à bon droit pour le leader de la réclame commerciale. Cet homme semblait posséder le génie de l’annonce à sensation : de l’annonce en prose gentillement troussée ; de l’annonce en petits vers doux, tendres et langoureux ; de l’annonce brochure, de l’annonce-almanach, de l’annonce-affiche, de l’annonce-image. Son nom s’étalait flamboyant dans tous les journaux de France et encombrait même la quatrième page des feuilles étrangères. »

Un talent précurseur que le Courrier du soir du 27 mai 1900 dépeint non sans cynisme :

« […] c’est une institution véritable que ce pharmacien a créée, un panthéon de la réclame et du puffisme ; et c’est beau parce que personne ne l’aurait osé avant lui ; parce qu’il a fallu pour en concevoir l’idée – seulement l’idée – beaucoup d’inconscience et un souverain mépris des hommes. Quand Géraudel fonda le Courrier français, il comprit simplement qu’en donnant à des inconnus de talent le moyen de se produire, ces illustres de demain – déchet compris – lui donneraient une de ces réclames qui comptent parce qu’on les remarque. Et de fait, il créa Chéret et beaucoup d’autres qui le lui ont d’ailleurs bien rendu. […]

Celui qui a osé demander aux plus illustres ce service invraisemblable est un homme de génie. Il a eu cette intuition étonnante qu’à un certain degré de notoriété le personnage connu est plus avide de voir son nom imprimé, son visage reproduit, que le plus humble ne le pourrait être. […] Il a compris que les uns et les autres ont besoin eux-mêmes de réclame, comme le poisson a besoin d’eau pour vivre ; et il a eu l’audace de créer ce syndicat de réclame mutuelle, cette coopération dans le boniment qui est peut-être le chef d’œuvre de ce siècle. Le clou de l’Exposition, le voilà bien, et c’est un palais qu’il faudrait bâtir pour le montrer aux populations. On y élèverait la statue de l’apothicaire illustre qui eut à son service comme réclames les chefs de religions, les chefs de peuples et les chefs d’écoles, et qui les pava tous avec quelques paniers de bouteilles et une image dans un prospectus. »

Ces quelques lignes, rédigées à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 à Paris, concluent en grande pompe l’œuvre d’Auguste Arthur Géraudel. Mais quel homme se cache derrière le pharmacien de génie ? La suite au prochain épisode…

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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.