Guernica en 1937
Le 26 avril 1937, neuf mois après le début de la Guerre d'Espagne qui oppose les Républicains à Franco, l’aviation allemande bombarde la ville de Guernica, au Pays basque espagnol. Cet événement, que l’on associe au tableau de Picasso, devient le symbole des horreurs de la guerre et préfigure la Seconde Guerre mondiale.
Un bombardement médiatisé
En juillet 1936, l’armée espagnole soutenue par l’extrême-droite et les partis conservateurs, entre en soulèvement contre la République espagnole, gouvernée par la gauche. L’Espagne est déchirée par la guerre civile. Les militaires, malgré leur avancée, échouent à s’emparer de Madrid et choisissent de se tourner vers la Biscaye au Pays basque . C’est dans ce contexte qu’intervient le bombardement sur Guernica qui suscite une forte émotion à Bilbao, dans la presse basque et dans la presse française. Le chanoine Onaindía, présent lors du bombardement, se rend alors en France pour témoigner de la destruction auprès de la presse. Il délivre ses informations d’abord au journal Sud-Ouest, témoignage repris abondamment par d’autres titres. Le 5 mai 1937, L'Humanité s’exclame à la une « Ne laissons pas assassiner le peuple basque ! » et consacre une bonne partie de son numéro aux propos du religieux qui plus tard, affirmera n’avoir rien dit au quotidien, jugé trop à gauche par l’Église.
Une presse divisée et mobilisée
Les dires du chanoine viennent mobiliser l’opinion catholique française qui soutenait jusque là le camp franquiste. En effet, bon nombre de gens font le choix d’adhérer à la cause basque et la droite française se divise sur le sujet. Ainsi L’Aube, journal chrétien et démocrate fondé en 1931, prend parti pour le Pays basque et consacre le 30 avril un éditorial au « martyr de Guernica ». L’Action Française, quant à elle, campe sur ses positions et soutient Franco et l’armée. Elle propose le 5 mai 1937 un « nouveau témoignage sur Guernica ». Jean Dourec, envoyé par le journal en Espagne, se rend à Guernica pour contrôler « la véracité des faits » et retourne l’événement en dénonçant le rôle des autorités basque :
« Il est à remarquer que chaque fois que les rouges ont commis quelque nouvelle sauvagerie, et Dieu sait s’ils en commettent, leur premier travail est d’en accuser les troupes nationales.
Intrigué par les affirmations saugrenues que les séparatistes basques lançaient par T. S.F au sujet de la destruction de Guernica, j’ai voulu me rendre compte pour nos lecteurs de la véracité des faits que tant la presse de gauche que nos postes d’Etat de radio se complaisaient à diffuser. »
Et de renchérir :
« Guernica, qui devait être une petite ville d’un millier d’immeubles, est entièrement détruite. C’est un fait, il ne reste plus rien. Mais ne croyez pas qu’il s’agisse d’une destruction comme on pouvait en voir sur nos villages du front pendant la guerre, où les maisons fendues par les bombes ou les obus donnaient dans l’éboulis de leurs pièces défoncées un aspect de vie à peine interrompue. Non. Ici, toutes les maisons, tous les bâtiments, vides de leur contenu, rongés par l’incendie, présentant un aspect de mort qui témoignent de l’acharnement systématique dans de la destruction où les Rouges sont passés maîtres. »
Cependant une bonne partie de la presse française ainsi que de l'opinion publique se montre émue par le massacre. Ainsi Le Petit Journal le 30 avril 1937 titre « À Bilbao, chaque jour 10 gosses massacrés …Un avion allemand est passé… ». La pression sur le Front populaire s’accentue afin qu’il intervienne clairement aux côtés des Républicains espagnols. Le Populaire, organe de la SFIO, lance un appel le 8 mai 1937 à sa une pour « l’envoi d’un bateau chargé de vivres » afin de ravitailler Bilbao. Mais Paris refuse d’intervenir et Franco s’empare de Bilbao le 19 juin 1937.
Guernica et Picasso
Pablo Picasso, qui vivait en France en 1937, découvre le bombardement dans la presse. À la demande des Républicains espagnols, il réalise une huile sur toile intitulée Guernica et destinée au pavillon espagnol de l’Exposition internationale de Paris de 1937. La Revue de l’art ancien et moderne d’avril 1937 rend compte de l’exposition et consacré un paragraphe à l’édifice commandé par le gouvernement madrilène , « une construction très simple, aux matériaux pauvres » et à l’œuvre du peintre « une terrifiante page blanche et noire du plus grand artiste espagnol, Pablo Picasso, vouant aux divinités infernales la guerre et ses atrocités ».
Bibliographie
Severiano Rojo Hernandez, « Guernica : les presses basque et française face au bombardement », in El Argonauta español, 1, 2004.
Herbert Southworth, La Destruction de Guernica. Journalisme, diplomatie, propagande et histoire, Ruedo Ibérico, Paris, 1975.