C’est au nom d’une liberté civile qui refuse tout rapport de domination, que la notion de résistance à l’oppression est alors fondée comme droit naturel – et le droit du plus fort récusé. La force ne produit jamais du droit quand la résistance à la domination en produit à coup sûr. Ainsi, la violence insurrectionnelle ne peut être assimilée à la violence oppressive.
De fait, de 1789 à 1792, les pauvres, les femmes, les « libres de couleur » puis les esclaves ont pu réclamer contre la constitution de 1791, qui ne leur reconnaissaient pas de citoyenneté active ou de citoyenneté tout court. La vocation universelle de la Déclaration n’est alors en rien une abstraction formelle et fallacieuse, elle est un outil indispensable pour faire avancer l’égalité réelle. L’enjeu est toujours de savoir si l’on peut remettre en question le droit positif grâce aux normes énoncées sous forme de principes dans la déclaration.
Lorsque les Conventionnels décident, en 1793, de réécrire la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ils reprennent l’ensemble des enjeux de 1789, tant sur la souveraineté des citoyens, leur liberté politique, que sur les libertés publiques et le respect des règles de contrôle des pouvoirs de l’État, afin que soit respectée la liberté individuelle de chacun. Mais la résistance à l’oppression devient une clé de voute de l’édifice et non un droit parmi les autres, c’est elle qui fait de chaque citoyen un garant de sa propre liberté et de la liberté commune.
Enfin cette nouvelle Déclaration consacre de nouveaux droits, les droits créances, qui affirment que dans une société républicaine, c’est-à-dire disposant d’un gouvernement populaire, la société doit des garanties à ses citoyens en termes d’éducation et d’assistance. On retrouve ainsi au cœur de l’édifice, la nécessité de penser la place d’une dette sacrée de la société envers ses membres. A ces deux titres – droit de résistance fondant l’institution insurgeante, droit créance garantissant l’égalité –, la déclaration de 1793 est éminemment démocratique. Elle garantit la démocratie plutôt que l’ordre.
« XXI . Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler.
XXII. L’instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens. […]
XXV. La souveraineté réside dans le peuple. Elle est une et indivisible.
XXVI. Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée doit jouir du droit d’exprimer sa volonté avec une entière liberté. […]
XXXII. Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l’autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.
XXXIII. La résistance à l’oppression est la conséquence des autres droits de l’homme.
XXXIV. Il y a oppression contre le corps social, lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
XXXV. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »