Lefebvre entre ainsi dans le panthéon communiste. Le 25 décembre 1920, le Congrès de Tours s’est ouvert par « un salut aux emprisonnés du premier complot communiste à la mémoire de Raymond Lefebvre, Vergeat et Lepetit, morts victimes de l’infâme blocus capitaliste contre la Russie des Soviets » comme le rappelle L’Humanité dix ans plus tard (3 janvier 1931).
Dès janvier 1921, la Librairie du Travail publie un album illustré mettant en valeur les témoignages des trois délégués en faveur de la « République du travail ». Une salle Raymond Lefebvre apparaît au siège du parti, des rues sont baptisées. Les journaux en gardent la trace quand ils évoquent des réunions, des manifestations… Les anniversaires permettent de rappeler son souvenir tout en défendant l'URSS, attaquée « hier comme aujourd’hui ».
Ainsi en 1927, au moment du Xe anniversaire du pays :
« Une plaque a été scellée devant la tombe des héros d’octobre, sur le mur du Kremlin, pour commémorer le souvenir des victimes du blocus impérialiste, des trois militants morts au service du prolétariat : le grand écrivain et les deux ouvriers dont l’exemple révolutionnaire reste vivant au cœur de tous les travailleurs. »
La mémoire tragique de Raymond Lefebvre est ainsi pieusement entretenue par le parti communiste. Lefebvre est peu à peu associé à d’autres « grands morts » avec qui il avait milité dans le mouvement Clarté ou à l’ARAC (Association révolutionnaire des anciens combattants) : à Barbusse d'abord en 1935, puis, en 1937, à son ami Paul Vaillant-Couturier, ou en 1947, à l’écrivain Jean-Richard Bloch.
Après la Seconde Guerre mondiale, sa mémoire pourra enfin se confondre avec celles de nouveaux martyrs, nés de l’Occupation et du conflit : Gabriel Péri, Georges Politzer, Jacques Solomon ou encore Jacques Decour...
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Rachel Mazuy est historienne, chargée de conférences à Science Po et chercheure associée à l’Institut d’histoire du temps présent.