Les fuyards, désorganisés, n’ont que peu de chance de se cacher et s’en sortir. Ils sont ramenés au centre. Il est impossible de savoir quels sévices ils ont dû subir en punition.
Cette chasse s’est déroulée sous les yeux révulsés d’un poète en vacance. Jacques Prévert est en effet venu passer quelques jours sur l’île, où il assiste impuissant à la traque collective. Il en fera plusieurs années plus tard un poème émouvant, La Chasse à l’enfant.
« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s’est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C’est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l’enfant... »
Cet épisode suscite l’émotion dans l’opinion, qui découvre la détention d’enfants – dont il arrive que certains soient innocents, comme le rappelle L’Œuvre, journal alors proche des socialistes.
« Cette lassitude est parfaitement compréhensible, en regard de la détention véritable qu'on fait subir à des enfants qui souvent n'ont commis aucun délit, que celui d'être abandonnés par leur famille. On leur fait payer plus que durement quelques puériles erreurs de conduite dans un patronage ou une autre colonie.
D'autre part, l'administration, plus humaine souvent que le personnel qui la compose, avait l'habitude de délivrer ces enfants à l'âge de 18 ans en leur faisant contracter un engagement dans l'armée régulière. Aujourd'hui, l'autorité militaire n'accepte plus ces engagements, et la crise ne permettant pas de leur trouver un emploi extérieur, on leur fait subir automatiquement trois ans de détention supplémentaire. »
A Paris-Soir, le journaliste star Alexis Danan, porte-voix des « enfants sans joie », porte le fer contre la détention des mineurs. Il a déjà écrit sur l’enfer du bagne de Cayenne. En septembre 1934, il publie un article intitulé « Enfants martyrs en uniforme » dans lequel, un ancien du bagne, coupable d’avoir été orphelin à 13 ans, raconte le calvaire des jeunes détenus.
« Les punitions sont les suivantes :
1° Pain sec, de un à huit jours. Alors, le puni, quand il revient du travail, à midi, passe devant la gamelle sans y toucher. Naturellement, il doit faire son travail comme d'habitude ;
2° Privation de pitance ;
3° Discipline de huit à trente jours.
(Gymnastique toute la journée dans la cour du quartier cellulaire; si le prévôt juge les mouvements mal faits, il vous rappelle à l'ordre à coups de pied. On couche en cellule.)
4° Cellule : un à soixante jours. Une gamelle de légumes tous les quatre jours, à midi. Les autres jours, pain sec (200 grammes) et un quart d'eau à chaque repas. »