Le naufrage du Titanic en 1912
Lundi 15 avril, 2h20 : le Titanic, fleuron de la compagnie White Star Line, sombre au large de Terre-Neuve lors de son voyage inaugural, engloutissant avec lui plus de 1 500 passagers. L’effet de sidération est considérable : le « Géant des mers » était réputé insubmersible...
Le Titanic et la folie des grandeurs
Au début du XXe siècle, les compagnies maritimes britanniques et allemandes se livrent à une course au gigantisme. La White Star Line, présidée par Joseph Bruce Ismay, décide de lancer une nouvelle classe de paquebots dite Olympic devant surpasser en luxe, en confort et en sécurité ses concurrents britanniques de la compagnie Cunard, le Lusitania et le Mauretania.
La construction de l’Olympic et du Titanic est très médiatisée. Les qualificatifs ne manquent pas dans la presse : « Géants des mers » titre Le Matin, « Îles flottantes », « Léviathans de la mer ». « Espérons qu’ils ne couleront pas à leur première sortie » ironise le Gil Blas. Les travaux débutent le 31 mars 1909 dans les chantiers navals de Belfast, Harland & Wolff. Le navire mesure 269 mètres de long sur 28 mètres de large et son tonnage (46 329) surclasse ses concurrents. Cela oblige à réaménager les ports pour accueillir ce type de navire.
C’est surtout par son luxe que le paquebot frappe les esprits : les magnifiques ponts-promenades, le pont vitré à l’avant et le somptueux escalier surmonté d’une coupole de verre. Il a fallu plus de 10 mois pour réaliser les aménagements intérieurs. Les passagers des premières classes disposent des plus belles suites style Empire ou Renaissance. Chaque classe a ses restaurants, ses salons et ses bibliothèques : le navire est aménagé au service d’une ségrégation sociale et spatiale. Le navire dispose également d’une piscine, de bains turcs, de salles de sport.... En plus d’être un complexe hôtelier, le Titanic est une centrale électrique, alimentant les lampes, radiateurs et ascenseurs. À la pointe de la modernité, il dispose d’une station de télégraphie sans fil et possède un double fond, divisé en 16 compartiments étanches.
Le Titanic quitte Southampton le 10 avril 1912 pour réaliser son voyage inaugural sous le commandement d’Edward Smith. À la sortie du port, il connaît un premier incident. Après une escale à Cherbourg puis à Queenstown en Irlande, il entame sa première traversée transatlantique pour l’Amérique. Il compte à son bord plus de 2 200 passagers dont presque 900 membres d’équipage.
Le traitement de la catastrophe par la presse
Dès le 16 avril, la presse française titre en une sur le « naufrage », parlant d’« émouvant accident » : tous les journaux évoquent la collision du paquebot avec un iceberg au large de Terre-Neuve. Mais tous se veulent rassurants, les passagers seraient sauvés. Le Petit Parisien avance une explication : la vitesse accrue des navires accroît le « danger des icebergs ».
Stupeur de l’opinion publique française quand elle prend conscience de la tragédie le lendemain : c’est « le plus grand sinistre maritime » de l’histoire, « un désastre sans précédent », « une formidable catastrophe, 1 400 personnes ont péri » annonce Le Petit Journal. Les journaux titrent sur le nombre de victimes, avançant parfois des informations fantaisistes : 1 900 morts pour L’Intransigeant et plus de 2 000 pour La Presse. Seuls quelques quotidiens relèvent les informations erronées de la veille comme Le Temps et L’Humanité. Ils expliquent s’être appuyés sur les télégrammes qu’ils avaient reçus.
Progressivement, les lecteurs découvrent la réalité. À 23h40, un des veilleurs, Fleet, distingue un iceberg. L’officier William McMaster Murdoch ordonne de dévier le navire à bâbord, de l’arrêter et de faire machine arrière mais le navire ne vire que trop lentement et la partie immergée de l’iceberg éventre la coque. Malgré la fermeture des portes étanches de la coque, l’eau a pu s’infiltrer dans cinq compartiments. Immédiatement, les opérateurs télégraphient un premier appel de détresse « CQD ». À 00h25, alors que le paquebot penche vers l’avant, le commandant ordonne l’embarquement des passagers dans les canots de sauvetage. À 2h05, les 20 canots sont à la mer. Les opérateurs radio émettent un dernier SOS. La coque se fend à 2h17 et trois minutes plus tard, le paquebot disparaît dans les abîmes avec son commandant à bord. Le Carpathia arrive vers 4h du matin et recueille les quelque 700 survivants.
Les répercussions du désastre
Pendant plusieurs jours, la catastrophe fait la une des journaux autour de deux grandes questions : combien de rescapés ? et « pourquoi tant de victimes ? ». Il faut à présent « dire la vérité ». Le Gaulois dénonce « des fautes et des imprudences » (17 avril 1912). On relève rapidement le nombre insuffisant de canots de sauvetage. Les récits des rescapés sont retranscrits dans la presse à partir du 20 avril, décrivant le chaos de l’embarquement et les conditions effroyables de la mort des naufragés. Dès le 19 avril, les États-Unis constituent une commission d’enquête sénatoriale. On s’interroge sur les négligences du commandant Smith. Mais c’est surtout Joseph Bruce Ismay, qui a survécu au naufrage, qui est en ligne de mire : on l’accuse d’avoir forcé le commandant à maintenir une vitesse élevée, d’avoir négligé la sécurité et de s’être sauvé au détriment des passagers.
Les nations de l’Atlantique nord et les compagnies tirent les leçons de cette tragédie et décident d’établir de nouvelles règles de sécurité maritime. Elles fondent la patrouille internationale des glaces à l’initiative des États-Unis pour surveiller la dérive des icebergs et les signaler aux navires. Le Board of Trade réagit au naufrage en imposant un nombre de canots de sauvetage suffisant pour contenir l’ensemble des passagers et des membres d’équipage et des exercices d’embarquement.
Le mythe du Titanic naît immédiatement du désastre autour de son insubmersibilité. Pour rassurer ses parents, le chef opérateur Phillips avait lancé un dernier message : « Avançons lentement vers Halifax. Navire pratiquement insubmersible ». L’Action française revient sur le terme « insubmersible » et fustige la croyance en la toute puissance de l’homme face à la nature (18 avril 1912). Une étrange coïncidence alimente le mystère du Titanic : le roman Futility de Morgan Robertson, publié en 1898, narre le naufrage d’un navire nommé Titan, et jugé insubmersible, qui heurta un iceberg en avril vers Terre-Neuve lors de sa première traversée.
Edward Smith (1850-1912)
Navigateur anglais expérimenté, Edward Smith est le commandant du Titanic lors de son naufrage. Il gravit tous les échelons, de simple mousse au rang de capitaine. Il rejoint la compagnie britannique White Star Line en 1880 et se voit confier son premier commandement en 1887. Nommé commandant de la flotte en 1904, il effectue systématiquement les voyages inauguraux des nouveaux paquebots. Il meurt dans le naufrage. Son rôle dans la catastrophe au cours de la nuit du 14 au 15 avril 1912 a suscité de nombreuses interrogations.