10 août 1903 : Les 84 morts de l'incendie du métro parisien
L'accident de métro survenu le 10 août 1903 fait 84 morts dans les stations Couronnes et Ménilmontant. Cette catastrophe, la plus importante depuis la création du métro en 1900, a révélé les failles d'un réseau encore tout jeune.
Un engrenage tragique
Le Petit Parisien du 11 août 1903 dans la rubrique « Dernière heure », est un des premiers à rapporter l’accident.
À l’heure de son impression, il déclare disposer de peu d’informations, ce qui n’est pas vraiment le cas, et se montre prudent sur ce qu’il annonce et les témoignages qu’il reproduit, car « l’affolement du premier moment pousse toujours les gens à l’exagération ». Cependant, il compare déjà l’événement à la catastrophe ferroviaire de Saint-Mandé en 1891, qui fit une cinquantaine de victimes.
L’auteur expose ce qu’il connaît des faits : le train n° 44, en feu suite à un court-circuit, est évacué. Assemblé à un autre train, au lieu de se ranger sur une voie de garage, il arrive à la station Couronnes (où se produira un autre incendie en 1911) puis à celle de Ménilmontant, alors que les flammes s’étendent et les fumées envahissent les quais.
L’enchaînement des faits tel que le retrace Le Petit Parisien est embrouillé ; l’article tantôt parle de « 60 voyageurs asphyxiés ou brûlés », tantôt se demande « si des personnes ont péri dans l’accident ».
Un terrible bilan
« Ce n’est pas un simple accident, comme on le croyait, comme on l’espérait ; c’est une effroyable catastrophe qui s’est produite lundi soir sur le Métropolitain », déclare Le Matin le 12 août 1903.
Il propose un schéma de la catastrophe et donne une première liste des victimes. Sur un ton grandiloquent et avec un certain goût pour le macabre, il insiste sur la reconnaissance des corps, sur les cercueils ouverts : « comme ces pauvres corps, convulsés, bronzés par la fumée, ressemblent peu aux morts pâles et graves, reposant sur des lits blancs, parmi les cierges !… ».
Il dénombre alors 84 victimes et donne la parole au docteur Bordas qui a été un des premiers sur les lieux du drame. Celui-ci vient expliquer que les morts n’ont pas souffert et que la crispation des visages est due aux très hautes températures, plus de 100 degrés, et non à la douleur qu’auraient endurée les personnes.
Le journaliste achève son texte en soulevant la question des responsabilités. Il annonce l’ouverture d’une enquête judicaire et d’une enquête administrative dont la préfecture de la Seine se chargerait puisque le métropolitain est selon une loi spéciale placé sous sa surveillance directe.
Suite à la catastrophe
Au lendemain de l’accident, beaucoup s’interrogent sur les conditions de sécurité.
Ainsi le 17 août 1903, Gil Blas par exemple demande des améliorations fondamentales, des travaux importants et en attendant, adresse une série de « conseils aux Parisiens », des « réformes de détails » susceptibles de diminuer les risques. Il souhaite qu’« un aide soit adjoint au wattman qui ne saurait diriger son train et combattre un commencement d’incendie ». Tout ceci pour « prendre son ticket sans ressentir le frisson de la petite mort »…
Quelques mois plus tard l’instruction est close et le 1er avril 1904, Le Temps annonce l’inculpation de quatre personnes, dont deux chefs de train et le wattman ou conducteur, pour homicide par imprudence.
Le 17 décembre 1904, le jugement est rendu et Le Rappel du 19 décembre en publie de longs extraits. Les accusés sont condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis et à des amendes, et le tribunal a déclaré la compagnie civilement responsable.
Au-delà des faits, cet accident est venu révéler la nécessité de remplacer au plus vite un équipement alors très exposé aux risques d’incendie.