Découvrez des anecdotes insolites sur votre famille dans RetroNews !
Les journaux anciens forment un réservoir d’histoires individuelles entremêlées inépuisable. Un réservoir renfermant des bribes de toutes les vies, des échos de toutes les familles – y compris la vôtre – et dans lequel vous pouvez puiser à discrétion.
Voici une promesse séduisante. Faut-il s’y fier ? Certainement. Car les occasions, pour nos ancêtres, d’apparaître dans la presse locale ne manquent pas : naissance, mariage, décès, diplôme, décoration, annonce, fait divers, évolution professionnelle... Etayons cette promesse à travers un cas concret, celui d’une famille de fonctionnaires de la Vienne : les Decelle. Alexandre Decelle (1838-1911) est le premier à s’extraire de sa terre natale lorsqu’il devient employé au chemin de fer comme garde supplémentaire à la fin des années 1860. Parmi ses sept enfants issus d’Anne Filleau, trois emboîtent le pas de leur père et intègrent la Compagnie de chemin de fer de Paris-Orléans : Mathilde (1865-1904), la garde-barrière dont nous avons déjà relaté le triste accident, Alexandre (1871-1946) et Fernande (1881-1970). Quant à ses enfants Georgette et Lucien, l’une devient institutrice tandis que l’autre exerce le métier de correcteur typographe à Coulommiers.
Le cadre étant posé, engageons des recherches dans la presse ancienne. Une simple recherche sur le terme « Decelle » n’est pas envisageable : près de 155 000 résultats sont suggérés ! Ce nom de famille n’étant pas particulièrement répandu, comment expliquer cette profusion ? Un bref parcours des résultats ne laisse planer aucun doute : l’extension par défaut aux variantes orthographiques du mot, généralement bienvenue, nous porte ici préjudice puisqu’une multitude d’articles de journaux contenant les mots « de celle », « décèle », « déceler » sont proposés. Pour les exclure, il suffit de recourir à la recherche avancée (réservée aux abonnés) et de cocher la case « Recherche exacte ». Le nombre de résultats chute à 3 300 mais reste néanmoins trop élevé. Une fois n’est pas coutume, utilisons un filtre particulier qui recouvre la notion « d’entité nommée ». Une entité nommée est un nom propre de personne, de lieu ou d’organisation identifié comme tel par l’algorithme de RetroNews, qui ne se contente pas d’opérer une simple reconnaissance de caractères. Or, des filtres relatifs à chacune de ces 3 entités nommées sont disponibles dans le menu à gauche des vignettes de résultats. En cliquant sur « Decelle » dans les suggestions du filtre « Personne », le nombre de résultats diminue drastiquement à un niveau raisonnable de 79 articles. Ils portent sur diverses régions qui ne concernent pas notre enquête : la Loire, l’Aisne, le Brabant, la Seine-et-Marne, la Marne, l’Oise… Néanmoins, 4 vignettes retiennent notre attention.
La première, extraite du journal Le Petit Courrier du 2 avril 1921, porte sur « l’invention d’un Angevin » :
Cet article révèle que M. Decelle a réalisé pendant la Première Guerre mondiale une série d’inventions permettant de piloter des avions et des sous-marins par télégraphie sans fil. Or, le journaliste divulgue quelques renseignements personnels sur M. Decelle qui permettent de l’identifier avec certitude :
« Nous connaissions ce compatriote, M. Decelle, depuis fort longtemps, c’est-à-dire depuis son séjour à la gare d’Angers Saint-Laud. Propriétaire à Angers, marié à une demoiselle Guitonneau, née à Angers dont nous avons bien connu les parents, qui étaient commerçants rue des Lices, ayant son fils à Chevrollier, nous avons l'occasion de le voir souvent et nous connaissions superficiellement ses travaux. »
« M. Decelle, qui est actuellement chef de gare à Auneau (Eure-et-Loir), se rendait à la gare pour rejoindre son poste… et qu’il envisageait l’utilisation de cet appareil pour la sécurité de la marche des trains. ».
Il s’agit d’Alexandre Decelle (1871-1946), fils d’Alexandre et d’Anne Filleau et marié en 1904 à Marie-Louise Guittonneau. Qui aurait imaginé que ce modeste chef de gare à Angers Saint-Laud (49) puis à Auneau (28) était un inventeur reconnu ? Que la Direction des Inventions prêterait une attention toute particulière à ses travaux ? Voici une première surprise que des registres généalogiques classiques n’auraient certainement pas révélée.
Le même journal, en date du 22 avril 1927, nous informe de l’organisation d’une messe anniversaire à la mémoire de Mme Decelle :
« Messe anniversaire
Vous êtes priés d’assister à la messe anniversaire qui sera dite pour le repos de l’âme de
Madame DECELLE
le mercredi 27 avril, à 8 heures du matin, en l’église Saint-Laud.
De la part de la famille. »
S’agirait-il de Marie-Louise Guittonneau ? Nous le vérifierons par la suite.
Un autre extrait du même journal, paru le 3 avril 1930, mentionne sans plus de précisions, un certain Decelle, adjoint du maire d’Angers. Le Phare de la Loire du 3 janvier 1931 fait écho à l’article paru 10 ans plus tôt. En effet, M. Decelle annonce avoir finalisé son invention de télécommande des passages à niveaux :
« Pour la sécurité des passages à niveau
Un Angevin, M. Decelle, ancien chef de gare, a imaginé un système, qui, dit-il, l’assure grâce à la télémécanique, d’une manière infaillible ».
« Les accidents aux passages à niveaux sont de plus en plus fréquents au fur et à mesure de l’accroissement du nombre de véhicules de toutes sortes. Ces accidents sont toujours graves et causent la mort de nombreuses personnes. »
Quand on sait que la sœur d’Alexandre est décédée en 1904 d’un accident à un passage à niveau, cette dernière phrase résonne particulièrement. On peut imaginer le soin qu’il a dû attacher à son invention.
En remplaçant le filtre précédent « Personne : Decelle » par « Organisation : T.S.F », 72 extraits de journaux sont suggérés. Parmi eux, deux concernent Alexandre Decelle. Le premier, tiré du journal Le Nord maritime du 4 août 1921 se contente d’évoquer « les travaux de M. Decelle sur la télégraphie sans fil » à l’occasion d’un congrès de sauvetage et de sécurité de la navigation. Le second, nettement plus riche, paraît dans L’Ouest-Eclair du 22 juin 1931, et fait écho au précédent. Il transcrit une lettre d’Alexandre Decelle, adressée au journal en réaction au naufrage du Saint-Philibert :
« Comment se fait-il qu’un bâtiment transportant 500 voyageurs n’ait pas à sa disposition un poste de T.S.F. ? »
Ainsi, comme on peut le constater, les filtres sur les entités nommées permettent de focaliser drastiquement la recherche et d’accéder rapidement à des résultats pertinents. Néanmoins, ils occultent une multitude d’articles complémentaires, et ce pour une raison simple : les termes recherchés ne sont pas toujours identifiés comme des noms propres par l’algorithme. Pour relancer des recherches ciblées et dénicher de nouvelles pépites généalogiques, nous pouvons soit combiner divers mots-clés soit limiter la recherche à un journal local, tel que Le Petit Courrier, qui s’est révélé précédemment un précieux allié. Tentons tout d’abord notre chance avec l’association des termes « Decelle Guittonneau » afin de retrouver, si possible, la trace du décès de la femme d’Alexandre. 45 coupures de presse sont suggérées. La recherche par variante orthographique s’avère ici très pratique puisque le nom de l’épouse est tantôt écrit Guittonneau, Guitonneau, Guittoneau ou encore Guitoneau. 4 articles font état des décès de Marie-Louise Guittonneau et de son père :
- Le Petit Courrier du 20 novembre 1917 qui dévoile les noms des parents de Marie-Louise et de son fils René Decelle.
- Le Petit Courrier du 17 novembre 1918 en l’honneur de la messe anniversaire du père de Marie-Louise.
- Le Petit Courrier du 29 avril 1926 qui, non seulement, nous informe du décès de Marie-Louise Guittonneau mais dresse également la liste de ses proches parents : « MM. Decelle, son époux et son fils ; de Mlles Marie et Georgette Decelle, de Mme Mercier, de M. Lignac ses belles-sœurs et beau-frère, de M. Lignac, de M. et Mme Barillet, ses neveux ».
- Le Petit Courrier du 13 juin 1926 évoquant une messe à la mémoire de la précédente.
La même approche, en combinant « Decelle » et « Filleau », nous permet de retrouver la publication de décès de la mère d’Alexandre dans La Mayenne du 1er juillet 1913 :
« ETAT CIVIL DE LA VILLE DE LAVAL
des 29 et 30 juin 1913
…
DECES
Anne Filleau, sans profession, veuve Decelle, 68 ans, rue de Nantes. »
Selon le même principe, il est possible de saisir une multitude de combinaisons de mots-clés, dans le moteur de recherche avancée, tout en précisant qu’ils doivent figurer dans le même paragraphe. Citons par exemple : « Decelle chemin » (pour chemin de fer), « Decelle gare », « Decelle institutrice », « Decelle typographe », « Decelle Angers », etc. La famille Decelle apparaît alors à diverses occasions :
- Lors de la naissance de René, fils d’Alexandre, le 15 mai 1907 au 140 boulevard de Strasbourg (Le Petit Courrier du 16 mai 1907)
- Lors de la recherche d’une valise disparue par Alexandre, chef de gare à Montrichard (L’Echo du Centre du 23 août 1919).
- Lors des obsèques de Marie-Louise, le 30 avril 1926 à 8 heures à Saint-Laud (Le Petit Courrier du 30 avril 1926)
- Lors du mariage à Laval de René-Lucien, dessinateur à Roinville (28) avec Simonne Arseline Chatrelle, institutrice (La Mayenne du 3 juin 1928).
- Lors de la naissance de leur fille Renée le 1er septembre 1932 à Angers, au 140 boulevard de Strasbourg.
- Lors de la mutation en 1905 de Georgette Decelle, institutrice à Grives (24), à l’école de filles de Gorron (La Mayenne du 4 novembre 1905), L’Avenir de la Mayenne du 5 novembre 1905
- Lors de la mutation en 1906 de Georgette Decelle, institutrice-adjointe à Gorron, à Saint-Aignan-sur-Roë (La Gazette de Château-Gontier du 17 juin 1906).
- Lors de la remise, en 1929, des palmes académiques à Georgette Decelle, directrice d’école à Montsûrs (L’Ouest-Eclair du 4 août 1929, La Mayenne du 6 août 1929).
Ces découvertes confirment que Le Petit Courrier constitue une source locale de premier plan. Plutôt que de combiner, comme précédemment, des mots-clés potentiellement non cités ou mal océrisés, nous pouvons procéder autrement en restreignant la recherche à ce journal (« Titre de publication : Le Petit Courrier ») ou aux journaux édités à Angers (« Lieu de publication : Angers »). 285 résultats sont proposés. Il apparaît aussitôt que le nom Decelle est associé à une multitude de publicités inintéressantes et intitulées « Plus de chevaux poussifs ! ». Pour s’en affranchir, il suffit d’ajouter le critère de recherche : « Aucun des mots suivants : chevaux poudre ». Cela permet de diviser par trois le nombre de résultats et de se focaliser sur les plus pertinents. Trois résultats supplémentaires, relatifs aux enfants de René Decelle se dégagent :
- La mention d’un bébé dénommé Simone, de 6 à 12 mois, résidant au 140 boulevard de Strasbourg (Le Petit Courrier du 2 juin 1931).
- Une annonce « Objets perdus » publiée par René Decelle, qui a maladroitement perdu un paquet contenant des vêtements d’enfants et des jouets (Le Petit Courrier du 2 janvier 1935).
- L’obtention de prix scolaires par les deux filles de René, alors élèves à l’école maternelle Condorcet : Simone dans la section des grands et Renée dans la section des petits (Le Petit Courrier du 15 juillet 1936).
Comme on peut le constater, les nombreuses mentions de cette famille, somme toute classique, sont à la portée de tous pour peu que l’on utilise habilement le moteur de recherche avancée de RetroNews. Ponctuons cette enquête par une dernière surprise – et de taille ! – découverte dans L’Eclaireur de l’arrondissement de Coulommiers du 3 novembre 1898. Il s’agit d’un poème signé Lucien Decelle. Ce dernier n’est autre que le frère d’Alexandre :
Qui aurait pu imaginer, sans cette pépite généalogique de la presse ancienne, que le modeste correcteur-typographe avait l’âme d’un poète ? Ce poème, sous-titré « Adieux d’un conscrit », est écrit le 23 octobre 1898 alors que Lucien, âgé de 21 ans, s’en va exécuter son service militaire. Tant le sous-titre que certains vers – « Que pur, tu vas mourir… et tout meurt sur la terre » ; « Car je vous suis ravi par la dette sacrée que je dois acquitter » – se révèlent a posteriori funestement prémonitoires. En effet, Lucien est fauché le 23 février 1906 en Algérie, à l’hôpital militaire de Saïda, alors qu’il n’a que 28 ans.
Ainsi, cette enquête révèle une nouvelle fois l’intérêt indéniable de la presse ancienne pour sortir des sentiers battus généalogiques et découvrir une multitude d’anecdotes tout aussi émouvantes qu’insoupçonnées sur sa famille.