Zola journaliste
L'écrivain fut, dans ce domaine aussi, prolifique, engagé et passionné.
Des génies les plus connus, on ignore souvent certaines facettes. Émile Zola n'échappe pas à la règle. Celui qui est considéré comme l'un des plus grands romanciers français, maître du naturalisme, auteur de chefs-d'oeuvre du siècle comme L'Assommoir ou la série des Rougon-Macquart, fut aussi un journaliste extrêmement actif et, nul n'en n'aurait douté, talentueux.
Le Journal en 1924, rend hommage à l'oeuvre journalistique de Zola :
"À côté de l'œuvre considérable du romancier, dix volumes pleins de sève et de combativité nous rappellent qu'Émile Zola fut tour à tour, pendant seize années, chroniqueur, critique d'art, critique littéraire et critique dramatique. Et sans grossièreté, sans injurier personne, il n'y allait pas de main morte, je vous prie de le croire. (...) S'il était entré dans le journalisme pour gagner sa vie, il avait fini par l'aimer comme une vieille maîtresse à laquelle il demeurait fidèle et qui l'assistait, le cas échéant. Dans ses campagnes au Figaro, il fit sentir bec et ongles à ses adversaires. Mais il les choisissait. Il frappait à la tête et négligeait, dans la polémique, les pieds."
C'est cet exercice exigeant du journalisme qui nourrit son œuvre littéraire, comme le rappelle Le Journal :
"Cet esprit d'investigation qui donne tant de variété à ses romans, n'est-elle pas une curiosité de grand reporter enquêtant sur tous les sujets et attentif aux manifestations de la vie contemporaine dans tous les milieux ? C'est l'expérience acquise dans la presse qui permettait à Zola de se documenter vite - et bien."
Le Siècle écrit en 1927 :
"“Avec de la patience, de l'adresse et des pourboires appropriés, déclarait-il cette même année 1894, on se renseigne toujours et partout. Je sais fort bien comme le Pape vit, comment il se lève et comment il se couche, comment il agit, tout cela sans l'avoir vu”. Mais ce qu'il apprit surtout de son maître, Villemessant, c'est à étonner chaque jour son public par quelque chose d'inouï. Et c'est non seulement parce qu'elle est éloquente, mais aussi parce qu'elle tomba comme un coup de foudre que la fameuse lettre J'accuse produisit un tel effet."
Le point d'orgue de cette carrière de journaliste est le célèbre “J'accuse”, magnifique plaidoyer pour la vérité, publié dans L'Aurore le 13 janvier 1898 :
"La vérité, je la dirai, car j'ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l'innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis. Et c'est à vous, monsieur le Président, que je la crierai, cette vérité, de toute la force de ma révolte d'honnête homme."
Cette lettre ouverte au président de la République a un retentissement énorme. Les caricatures contre Zola fleurissent dans la presse. Les journaux prennent parti : l’écrasante majorité est antidreyfusarde, comme Le Petit Journal ou La Croix. Zola fut condamné à l'issue d'un procès retentissant pour diffamation et s'exilera à Londres pendant onze mois.
L'écrivain ne connaîtra pas le dénouement de l’affaire Dreyfus : le 5 octobre 1902, il meurt asphyxié chez lui. Mort accidentelle ou provoquée ? La question n'a jamais pu être tranchée.
Reste que son “J'accuse” est passé à la postérité comme un exemple éclatant de l'engagement d'un intellectuel pour une juste cause.