L'énigme de Saint-Leu en 1830
Le 27 août 1830, à 8 h du matin, Lecomte, valet de chambre du duc de Bourbon-Condé, s’inquiète. Voilà plusieurs fois qu’il frappe à la porte de son maître, mais aucune réponse. Secondé par les valets et le médecin du prince, il défonce la porte et découvre le cadavre de son maître.
Une mort mystérieuse
Au petit matin du 27 août 1830, le valet de chambre découvre le corps de son maître, pendu à l’espagnolette de la fenêtre mais les pieds touchant le sol. Il s’agit d’Henri Joseph de Bourbon-Condé, parent du nouveau roi Louis-Philippe Ier et considéré comme une des plus grandes fortunes du royaume. Très rapidement, des soupçons se portent sur Sophie Dawes, maîtresse du prince de Condé. Selon la thèse la plus probable, le prince avait recours à la strangulation comme stimulant sexuel. C’est lors d’une séance avec sa maîtresse, la baronne de Feuchères, qu’il aurait trouvé la mort.
Personnage controversé, Sophie Dawes a fait la connaissance du prince de Condé lors de l’exil de ce dernier en Angleterre en 1810. Rentré en France et toujours épris de la jeune anglaise, le prince la marie avec son aide-de-camp pour lequel il obtient le titre de baron de Feuchères. Sa séparation, en 1824, l’oblige à ne plus paraître à la Cour, situation qu’elle tente de modifier en se rapprochant de la maison d’Orléans, qui y trouve un intérêt.
Une affaire politique
Le prince de Condé, ayant perdu son fils, le duc d’Enghien, fusillé en 1804 à Vincennes, reconnaît, dans le dernier testament connu, le duc d’Aumale comme héritier de sa fortune. La baronne de Feuchères se voit reconnaitre deux millions et plusieurs domaines dont celui de Saint-Leu. Ce testament, datant du 30 août 1829, a été obtenu par la baronne de Feuchères après deux années d’efforts et lui permet de pouvoir de nouveau paraître à la Cour.
L’affaire étant sensible, le baron Pasquier, président de la Chambre des pairs, se rend aussitôt à Saint-Leu afin de vérifier que le testament n’ait pas été modifié par le défunt. S’il ne trouve aucun codicille, Pasquier est intrigué par les procès-verbaux dressés par le maire et le médecin. Il décide d’informer le roi des détails troublants car il doute du suicide.
Les légitimistes font circuler la rumeur d’un assassinat et accusent Louis-Philippe et la reine Marie-Amélie d’en être les commanditaires pour permettre au duc d’Aumale, leur fils, de capter l’immense héritage. La thèse reprend l’idée que le prince, bouleversé par l’avènement de la monarchie de Juillet, voulait modifier son testament au profit du duc de Bordeaux, petit-fils de Charles X.
Les suites judiciaires
Lors des funérailles du prince de Condé, le confesseur du défunt déclare que « le prince est innocent de sa mort devant Dieu », soutenant ainsi la thèse de l’assassinat. Si une partie de l’opinion publique s’empare également de l’affaire, mettant en cause la maîtresse du prince, certains journaux, comme Le Figaro, prennent parti pour le nouveau régime, directement concerné par cette affaire.
Après la publication de deux libelles en septembre 1830, Jules Armand Louis de Rohan demande un supplément d’enquête au tribunal qui nomme un juge, partisan des Ultras. Héritier potentiel, il dépose finalement plainte pour assassinat et désigne la baronne de Feuchères comme étant coupable.
L’enquête ne parvient pas à déterminer formellement la cause de la mort. Après la mise en retraite du juge en 1831, grâce à l’intervention de Talleyrand, la cour royale de Paris conclut à un suicide par décision du 21 juin 1831. Toutes poursuites étant annulées, la baronne se retire dans ses propriétés qu’elle finit par vendre pour retourner à Londres.
Louis VI Henri de Bourbon-Condé (1756-1830)
Emigrant en 1789, le prince de Condé combat les armées de la République dès 1792 dans l’armée de son père. Il s’installe à Londres en 1801 et ne rentre en France qu’en 1814. C’est à Londres, qu’il fait la connaissance, en 1810, de Sophie Dawes. Durant les Cent-Jours, il tente d’organiser la résistance royaliste en Anjou puis trouve refuge en Espagne. Revenu en France, il est nommé Grand Chambellan. En raison du contexte politique de l’année 1830, sa mort mystérieuse interpelle plus d’un commentateur de la vie politique.
L'énigme de Saint-Leu
Le prince de Condé, trouvé pendu à l'espagnolette de la croisée de sa chambre, dans son château de Saint-Leu, a-t-il été assassiné ou s'est-il suicidé ? Monsieur de La Huproye, magistrat instructeur, mène l'enquête. - Conclusion de cette reconstitution historique par Alain Decaux et André Castelot.