Chronique

1937 : L’Action française défend la mémoire de la Vendée

le 02/01/2020 par Jean-Clément Martin
le 19/06/2018 par Jean-Clément Martin - modifié le 02/01/2020
Caricature de Vendéens dans le journal L'Œuvre, 1937 - source : RetroNews-BnF

À l’occasion de l’érection d’une statue en hommage à la « Vendée martyre » de 1793, le journal de l’extrême droite royaliste se fait le porte-voix de la « mémoire vive » d'une France antirévolutionnaire.

C’est en 1932, à l’occasion du centenaire du soulèvement de la duchesse de Berry, que naît l’association du Souvenir vendéen, dont le but avoué est de « briser la consigne du silence » et le « sabotage de l’histoire nationale » qui pèsent, selon leurs dires, sur la Vendée. Il s’agit aussi de préparer « cet ordre social, antirévolutionnaire et chrétien que la Providence […] ménage à notre pays ».

Parmi les célébrations qui sont organisées ensuite, et qui sont suivies dans toute la France par les journaux royalistes, celle qui se tient près de Cholet le 5 septembre 1937 est sans conteste la plus importante. Il s’agit de l’érection d’un monument dédié « à la Vendée héroïque et martyre » représentant un chouan armé d’une faux, offrant son cœur à Dieu, devant une croix.

L’auteur est le sculpteur Maxime Réal del Sarte, membre de L’Action française.

La cérémonie, prévue en 1936, a été reportée d’un an en raison du succès du Front populaire. Elle se tient sur un terrain privé, derrière une palissade, où se déroula le combat d’octobre 1793, en présence d’une foule importante et de nombreuses personnalités – mais en l’absence du Général Weygand, empêché de venir.

« À trois heures, au Bois-Grolleau, dans un lieu où se déroulèrent en 1793 et 1794 les plus farouches combats autour de Cholet, eut lieu l’inauguration du monument de Maxime del Sarte. Ce monument, dans lequel notre ami a voulu faire passer toute sa foi et tout son enthousiasme, représente un soldat de la grande armée catholique et royale, devant une croix fleurdelysée, […], tandis que son visage est empreint de toute l’allégresse de ceux qui se sacrifièrent entièrement pour le plus sublime objet. […]

Lorsque le président du comité, M. Etienne Richard, ouvrit la séance, 30 000 Vendéens se pressaient autour du monument et autour de la tribune. Tour à tour, le docteur Coubard, M. Albert Boucher, paysan vendéen, le comte de Suzannet, député de la Vendée, arrière-petit-fils du glorieux général vendéen, et Boux de Cassçiii, député de la Vendée, et, réclamé par la foule, notre ami Maxime Réal del Sarte, dégagèrent les traits essentiels d'une aussi belle journée.

Ils ne retracèrent devant ces milliers de Vendéens les hauts faits et les exploits de leurs ancêtres que pour mieux leur montrer leurs devoirs présents, devoirs de fidélité envers leurs morts, devoirs envers leur province et envers leur pays. D'immenses acclamations ponctuèrent chacun de ces discours. »

Le journal républicain L’Œuvre – qui deviendra collaborationniste sous l’Occupation – offre un autre point de vue vis-à-vis de la même cérémonie :

« Le 5 septembre prochain à Cholet, le Souvenir vendéen inaugure, en bordure d'une route publique, le monument sculpté par Maxime Réal del Sarte à la mémoire de la “Vendée, martyre, héroïque et fidèle”. Rien jusqu'ici que d'ordinaire. Chaque parti a les artistes qu'il mérite. […]

Mais cette année, la manifestation projetée présente quelques traits qui ne nous permettent plus de regarder avec sympathie ou indifférence ces ”morts enterrer leurs morts”. Tout d’abord c’est le général Weygrand, de l’Académie française, qui présentera cette inauguration. Ensuite, et surtout, le Souvenir vendéen, qui proclamait le 10 juillet, que la fête serait “sans aucun caractère politique”, a publié, le 24 du même mois, un manifeste dont le ton passe ce qu’un gouvernement peut supporter :

“En 1793, en face des usurpateurs jacobins, des factieux révolutionnaires, n’étaient-ce pas les Vendéens qui représentaient les vrais champions de la France et de la civilisation ? Ainsi les victoires vendéennes ne furent-elles nullement des défaites françaises, puisqu’elles furent, en réalité des VICTOIRES DE L’ORDRE, de l’ordre moral, social, national, sur la plus insolente des anarchies.” »

L’installation de l’État français du maréchal Pétain en 1940 sera évidemment bien accueilli par ce courant de pensée. Celui-ci prendra cependant peu à peu ses distances devant la collaboration avec l’Allemagne nazie, laquelle heurte ses sensibilités nationale et chrétienne.

En 1944, la statue sera plastiquée par un groupe appartenant à la Résistance.

Restaurée, elle est depuis dans l’enceinte du musée des Guerres de Vendée de la ville de Cholet.

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