Séquence pédagogique

Olympe de Gouges : pour les droits des femmes pendant la Révolution

le par - modifié le 15/02/2024
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Figure marquante de la Révolution française, les prises de position publiques d'Olympe de Gouges se retrouve dans la presse de l'époque. Se pencher sur son parcours permet d'aborder cette période riche en bouleversements politiques au prisme des luttes qu'elle a portées.

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Introduction

Le nom d’Olympe de Gouges (1748-1793) apparaît à de nombreuses reprises dans la presse pendant la Révolution française. Ses prises de position sur les droits des femmes ou encore contre l’esclavage sont alors controversées, et ses détracteurs nombreux. Les élèves la retrouvent dans les programmes scolaires en histoire : se pencher sur sa vie permet d’aborder cette période riche en bouleversements politiques au prisme des luttes qu’elle a portées. Née Marie Gouze et originaire de Montauban, le pseudonyme qu’elle adopte est lié au choix d’une nouvelle vie à Paris à partir de 1770. Femme de lettres bien que non instruite dans sa jeunesse, son parcours parisien est marqué par la liberté et un foisonnement d’engagements et de publications.

À côté de la célèbre déclaration des droits de la femme et de la citoyenne souvent étudiée en classe (1791) et dont Olympe de Gouges est l’autrice, plongeons-nous dans la presse, qui fait écho à ses activités artistiques et politiques. A partir d’articles publiés de son vivant comme postérieurs à sa mort, les élèves peuvent recomposer la vie de cette figure marquante de la Révolution.

Olympes de Gouges ou la défense des droits des femmes dans la cité

Dès son arrivée à Paris, la vie d’Olympe de Gouges est marquée par son engagement politique. Elle fréquente les salons littéraires et écrit des pièces de théâtre, dont certaines sont jouées dans des salles prestigieuses comme celle de la Comédie-Française. Elle écrit notamment L’esclavage des Nègres en 1784, qui porte des idées abolitionnistes et dénonce les conséquences de l’esclavage. Elle promeut une réforme profonde de la société française dans les années qui précèdent la Révolution. 

Si elle reste dans un premier temps attachée à la monarchie – elle adresse d’ailleurs sa Déclaration à la reine Marie-Antoinette - elle joue un rôle actif dans les débats politiques qui agitent alors le pays.

« Le bureau donne aussi communication de plusieurs lettres, particulièrement d'Olympe de Gouges ; elle adresse à la Convention des lettres de Brissac & de Laporte, lettres déjà affichées & distribuées, & pour nous servir de l'expression d'un de nos collègues, depuis longtemps livrées à l'indifférence & à l'oubli.

Madame de Gouges fait ensuite les offres officieuses de se joindre au courageux Malsherbes pour la défense de Louis ; elle prie la Convention de ne pas faire attention à son sexe. Le voeu de madame de Gouges a été rempli [...]. »

- Extrait du journal Le Courrier des départemens, 16 décembre 1792

Question :


Que révèle ce passage du Courrier des départemens sur le rôle politique pris par Olympe de Gouges ?

Olympe de Gouges poursuit ses publications littéraires, en continuant à défendre l’idée que les femmes puissent débattre et que la lutte pour leurs droits soit un sujet de débat. Elle invoque par exemple la nécessité du divorce dans la pièce éponyme en 1791. Son théâtre engagé est alors qualifié de « patriotique », comme dans cet extrait du Thermomètre du jour.

 

« Pour moi qui viens de lire la pièce d'Olympe de Gouges, telle qu'il falloit la donner ; j'assure franchement que je ne l'ai pas reconnue à la lecture, et je ne saurai trop en recommander la plus prompte représentation possible, non seulement au patriotisme ; mais aux intérêts de nos théâtres de la capitale et des départemens. » 

- Extrait du journal Thermomètre du Jour, 17 février 1793. 

Une figure controversée et décrédibilisée : des contempteurs souvent misogynes

« Olympe de Gouges, née avec une imagination exaltée, prit son délire pour une inspiration de la nature. Elle commença par déraisonner, et finit par adopter le projet des perfides qui vouloient diviser la France ; elle voulut être homme d’état, et il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe.

La femme Roland, bel-esprit à grands projets, philosophe à petit billets, reine d’un moment, entourée d’écrivains mercenaires, à qui elle donnoit des soupers, distribuoit des faveurs, des places et de l’argent, fut un monstre sous tous les rapports. »

- Extrait du journal la Feuille du Salut Public, 17 novembre 1793.

 

Question :


Quels sont les fondements des critiques adressées à Olympe de Gouges dans cet extrait de La Feuille du Salut Public, et à qui est-elle associée ?

Olympe de Gouges fut ainsi la cible de critiques extrêmement nombreuses, en premier lieu parce qu’elle était une femme. 

« La citoyenne Olympe de Gouges, prisonnière à l'abbaye, vient de faire répandre avec profusion, une affiche rouge, dans laquelle elle se plaint énergiquement et même avec courage des traitemens qu'on lui a fait éprouver, et de sa détention qu'elle regarde comme un acte tyrannique et attentoire à la déclaration des droits. Il paroit d'après ce qu'elle raconte que son arrestaion a pour cause une affiche qu'elle se proposoit de répandre, intitulée : les trois Urnes, qui, dit-elle, devoit sauver la France du joug honteux dont elle est menacée. »

- Extrait du journal Thermomètre du Jour, 17 août 1793.

 

Question :


Quelles sont les circonstances de l’emprisonnement d’Olympe de Gouges ?

Le 3 novembre 1793, son exécution est relayée dans la presse. 

« Un jugement du même tribunal a condamné à la peine de mort Olympe de Gouges, femme de lettres, se disant veuve Aubry, âgée de 38 ans, convaincu d'être auteur d'écrits tendans à l'établissement d'un pouvoir attentoire à la souveraineté du peuple. » 

- Extrait du journal Le Mercure français, 9 novembre 1793.

Elle laisse un testament politique, qui dénonce notamment l’impossibilité d’exprimer des idées critiques du régime et réaffirme ses combats.

« Mais si, par un dernier effort, je puis encore sauver la chose publique, je veux que, même en m’immolant à leur fureur, mes sacrificateurs, envient mon sort. Et si les Françaises, un jour sont désignées à la postérité, peut-être ma mémoire lui sera-t-elle chère. J’ai tout prévu, je sais que ma mort est inévitable ; mais qu’il est glorieux, qu’il est beau pour une âme bien née, quand une mort ignominieuse menace tous les bons citoyens, de mourir pour la patrie expirante ! »

- Extrait du testament d'Olympe de Gouges (1793).

Critiques persistantes et lente reconnaissance : la postérité d’Olympe de Gouges

Après sa mort, le nom d’Olympe de Gouges continue d’être convoqué dans les journaux, et sous la plume d’écrivains célèbres. L’Abbé Grégoire comme Alexandre Dumas évoquent par exemple sa lutte pour l’abolition de l’esclavage. Pourtant, les critiques continuent à s’élever tout au long du XIXe siècle, se cristallisant autour de son engagement féministe.

« Il est à présumer que l'auteur n'a pas connu Olympe de Gouge ; son éducation, loin d'être perfectionnée, étoit au contraire fort négligée. Sa littérature n'excédoit guères l'art de signer son nom. Elle ne savoit ni le français, ni l'orthographe ; mais elle avoit la manie de composer des livres. Comme elle avoit beaucoup d'exaltation dans les idées, elle dictoit à quelques personnes qui savoient écrire, et faisoit ensuite rédiger ses informes productions. Elle étoit tout-à-fait hors d'état de défendre la cause de Louis XVI, tant elle étoit dénuée de toute espèce de méthode et d'instruction. Elle périt sur l'échaffaud, après avoir fait placarder quelques écrits contre les Montagnards. Sa vie fut très agitée dans le cours de la révolution ; elle retrouva son fils dans les champs de la Vendée, mêlé dans les monceaux de morts et de mourans. Peu de femmes eurent moins d'instruction et autant d'énergie. » 

- Extrait du journal Le Courrier des spectacles, ou Journal des théâtres, 24 novembre 1805.

Question :


Pour quelles raisons Olympe de Gouges est-elle décrédibilisée, plus d’une dizaine d’années après sa mort ?

 

Son nom est convoqué pendant d’autres épisodes révolutionnaires du siècle, comme pendant la Commune en 1871 ; là aussi, Olympe de Gouges a été critiquée.

« Quelques-uns sont fréquentés par des femmes qui, si elles y apportaient leur ouvrage, ce dont elles se gardent bien, seraient les héritières des tricoteuses d'autrefois ; mais elles aiment mieux pérorer que travailler. 1871 a ses Olympe de Gouges et ses Théroigne de Méricourt. »

- Extrait du Journal populaire, 20 mai 1871.

Parallèlement, quelques éloges sont formulés dans certains journaux ; à mesure que les décennies passent, le temps de la reconnaissance progressive arrive.

« [...] En France, jamais les législateurs masculins n'accorderont le divorce aux réclamations féminines. Il faudrait pour cela des législatrices. Le droit au divorce sera le corollaire naturel du droit au suffrage. Olympe de Gouges l'avait bien comrpis en insérant l'article suivant dans la déclaration des Droits de la femme : "Article 10. La femme a le droit de monter à l'échafaud ; elle doit avoir celui de monter à la tribune." 

Il y a quatre-vingts ans qu'Olympe de Gouges écrivait cette phrase remarquable. Le problème reste entier. Le jour où une femme aura le droit de monter à la tribune pour réclamer le divorce, la cause sera gagnée d'avance. »

- Extrait du journal Le Siècle, 22 juillet 1878. 

Conclusion

Outre les brochures, affiches, discours, correspondances et autres pièces de théâtre dont elle est l’autrice, les articles parus dans la presse contemporaine de la vie d’Olympe de Gouges comme après sa mort constituent une source précieuse pour étudier cette riche figure de la Révolution française. Peu épargnée par ses contemporains même après sa mort, elle a été progressivement réhabilitée comme pionnière du féminisme, jusqu’à figurer dans les manuels d’histoire des écolières et des écoliers français. Cette reconnaissance s’effectue surtout dans la seconde moitié du XXe siècle, avec notamment la possibilité de sa panthéonisation. « Placer haut » le nom d’Olympe de Gouges : c’est l’expression prophétique contenue dans cet extrait du Mercure de France de 1937.

« L'invincible faiblesse de la femme triompha d'une révolution en apparence irrésistible. Olympe de Gouges (guillotinée le 3 novembre 1793) ne fut que trop vengée.

Fou héroïque, se sont bornés à dire sur elle les Goncourt. Les grands fous sont les prophètes ; qui oserait s'assurer que la féministe n'en fut pas, n'en est pas un ? La justice ne se scinde pas : c'est pour l'humanité entière - unité vivante sous l'apparente dualité sexuelle comme dans la variété des races et dans la diversité merveilleuse et sans cesse renouvelée des individus - qu'il faut la vouloir. Quand la majorité des hommes en sera convaincue, dans le pays où cette idée du Droit fut proclamée pour la première fois par Condorcet, puis, d'un tel coeur, par Olympe de Gouges, le nom de celle-ci, presque oublié maintenant, sera placé haut. »

- Extrait du journal le Mercure de France, 15 juillet 1937.

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Sihem Bella est professeure d’histoire-géographie (Académie de Lille) et travaille sur Alger au XIXe siècle dans le cadre d'une thèse en histoire contemporaine (IRHiS, Université de Lille). Elle est membre de l’APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie).

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