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24 octobre 1929 : début du krach boursier et de la crise

le par - modifié le 23/10/2024
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Le krach boursier de Wall Street le 24 octobre 1929 marque l’éclatement d’une bulle spéculative boursière : c’est le déclencheur d’une période de crise financière et économique qui plonge le monde dans une dépression durable durant toutes les années 1930. Toutefois la France n’est touchée qu’à partir de 1931.

 

Le krach boursier de Wall Street : "le jeudi noir"

Au sortir de la Première Guerre mondiale, les États-Unis, devenus créanciers de l’Europe, profitent d’une période de prospérité et s’imposent comme la première puissance économique mondiale. Cependant, les signes d’un essoufflement économique se multiplient : baisse des prix agricoles, ralentissement du secteur automobile, jusque-là moteur de la croissance économique. Les marchés financiers deviennent plus instables en septembre-octobre 1929 après plus de 18 mois de hausse continue. Nul pourtant n’imagine une « crise violente » aux États-Unis, à l’instar de Paul Reynaud qui, au cours d'un entretien paru dans Le Temps, se veut plutôt optimiste sur la situation économique mondiale malgré la surchauffe de l’économie américaine (15 octobre 1929).

Pourtant, le 21 octobre, plus de 6 millions de titres sont vendus à la bourse de New York provoquant une baisse brutale des cours qui incite ceux qui sont encore détenteurs d’actions à vendre les leurs pour limiter leurs pertes, ce qui aggrave la chute des actions les jours suivants. Les quotidiens français se contentent souvent d’entrefilets dans les rubriques financières pour évoquer cette situation.

Portrait de Paul Reynaud, Mondial Photo-Presse, 1933 - source : Gallica-BnF

La panique devient générale le 24 octobre 1929 avec plus de 13 millions de titres mis en vente sans trouver preneur et provoque le krach boursier de Wall Street. Cette journée est restée dans les mémoires comme le "Black Thursday". Les actions perdent plus de la moitié de leur valeur en un mois. La presse française prend conscience de l’importance du krach boursier à partir du 26 octobre et de son caractère inédit. Mais l'événement n'est pas jugé suffisament marquant pour éclipser le récit de vie politique française, notamment pour Paris-Soir qui évoque le peu d'impact du krach sur l'économie européenne. 

«Le «krach» de Wall Street n'a nullement impressionné les places de Londres et de Paris. Cette constatation est significative. Elle démontre l'indépendance complète de notre marché. Actuellement Paris reconquiert sa place prépondérante d'avant-guerre. Lorsque la Bourse de Paris accuse un mouvement dans un sens ou dans l'autre, les autres places suivent. Mais dans le cas contraire, Paris ne suit plus par principe»

 

 

 

Les origines de la crise financière et économique aux États-Unis

La presse cherche à comprendre les causes de cet événement exceptionnel : elle est unanime pour dénoncer les effets de la spéculation boursière excessive comme élément déclencheur de la crise. Le Temps explique le krach par une vente massive de titres qui a déséquilibré les marchés financiers. Le Petit Journal, par conservatisme, dénonce dans la finance un nouveau veau d’or qui remet en question l’ordre économique et social. L’Humanité accuse « la spéculation effrénée dans l’activité américaine, l’usage immodéré et impudent du crédit » dans son numéro du 29 octobre 1929. Toutefois, le journal communiste est l’un des premiers à s’interroger sur les causes profondes de cette crise qui est « depuis longtemps prévue et annoncée ». Il l’explique par la surproduction et par l’exploitation de la « misère affreuse des couches les plus exploitées de la classe ouvrière et de la paysannerie laborieuse » par les capitalistes.

Il faut chercher dans les fondements de la prospérité des États-Unis les causes de cette crise économique et financière. Les années 1920 constituent une période florissante de prospérité et de forte croissance (4,7% de croissance entre 1922 et 1929) stimulée par le progrès technique et par les gains de productivité. Or dès les années 1928-1929, les marchés sont saturés, ce qui provoque une surproduction agricole et industrielle. En outre, la massification des crédits bancaires, qui a dynamisé l’économie américaine, a généré un très fort endettement des agents économiques. Si les crédits ont stimulé la consommation et l’investissement, ils ont également été largement utilisés pour acheter des actions en bourse par des petits épargnants, mais aussi par les banques (les 4/5e des actions sont achetées à crédit). Le cours des actions est multiplié par 4 entre 1921 et 1929, générant une bulle spéculative qui a contribué à détourner les capitaux de l’investissement, asphyxiant l’économie « réelle ».

Une crise américaine devenue une crise mondiale

Des centaines de milliers  de petits actionnaires sont ruinés et les banques qui avaient multiplié les crédits ne peuvent récupérer leurs fonds. La crise boursière se répercute sur le système bancaire. Les faillites de banques provoquent une raréfaction monétaire et une paralysie du crédit qui enclenchent une spirale déflationniste. La crise financière devient une crise économique et sociale : baisse de la production, faillites d'entreprises, chômage de masse, effondrement de la consommationLa production de richesse est divisée par deux aux États-Unis entre 1929 et 1933, le taux de chômage atteint 24,7 % de la population en 1933. Les États-Unis décident de rapatrier leurs capitaux et de réduire leurs importations : ces deux décisions internationalisent la crise. Les politiques protectionnistes et les dévaluations monétaires des pays européens, en réaction, contribuent à freiner les échanges, et plongent le monde dans une spirale de contraction du commerce entre 1929 et 1932, qui généralise le chômage de masse. Pour sortir de la crise, les États-Unis ont expérimenté deux politiques économiques différentes : le laissez-faire assumé par le président républicain Hoover puis l'interventionnisme de l'État incarné par la politique économique keynésienne du New Deal, mise en place par Roosevelt à partir de 1933. ​

Le président Hoover, Agence Meurisse, 1932 - source : Gallica-BnF
Franklin D. Roosevelt, Planet News, 1932 - source : Gallica-BnF

Pourtant, une grande partie de la presse française se veut plutôt rassurante dans les premiers mois de la crise : les marchés financiers en France, son commerce extérieur et son activité touristique ne semblent pas ou peu touchés. Peu de quotidiens ont pointé du doigt les risques réels de contagion de la crise en Europe. Le Journal des finances relève avec ironie que les États-Unis font appel aux capitaux européens pour sauver leur marché boursier alors que ces derniers constituent le bailleur de fonds de l’Europe affaiblie par la guerre (8 novembre 1929). Les quotidiens les plus alarmistes, L’Action française le 3 novembre 1929 et successivement  L’Humanité  le 29 décembre 1929, par antiaméricanisme et anticapitalisme, s’inquiètent des conséquences économiques et sociales du krach boursier. De fait, il faut attendre 1931 pour voir la situation économique se dégrader en France et les effets durables de la crise économique qui durera toute la décennie. 

La marche de la faim sur Washington : délégation féminine de Détroit sur la route, Acme Newspicture, Paris, 1932 - source : Gallica-BnF

La crise de 1929

Le 24 octobre 1929, le krach boursier de Wall Street plongea l'économie américaine, et bientôt l'économie mondiale, dans la tourmente. À l'occasion du cinquantenaire de ce jeudi noir, retour en images sur le contexte économique qui précéda cette crise et ses conséquences dramatiques. Commentaire sur images d'archives de la crise de 1929.

Bibliographie

 

 Pierre-Cyrille Hautcœur, La Crise de 1929, La Découverte, coll. Repères Histoire, Paris, 2009.


John Kenneth Galbraith, La Crise économique de 1929 - Anatomie d'une catastrophe financière, Payot, Paris, 2011.