Écho de presse

1918 : Albert Londres chez les vaincus

le 25/05/2018 par Pierre Ancery
le 31/10/2016 par Pierre Ancery - modifié le 25/05/2018
Défilé de l'infanterie à Strasbourg, 22 novembre 1918 - source : Gallica BnF

Alors que la Première Guerre mondiale vient de s’achever, Albert Londres se rend dans l'Allemagne défaite pour rendre compte de l'état du pays.

Depuis 1915, il était sur tous les fronts. Ce n’est pas une image : reporter pour le quotidien Le Petit Journal, Albert Londres a couvert la Première Guerre mondiale en France, en Belgique, en Italie, en Grèce, en Serbie, en Albanie et en Turquie. Et fin 1918, trois semaines après l’armistice, il accompagne l’armée anglaise dans l’Allemagne vaincue.

Le 4 décembre, il raconte son entrée chez les Allemands. Le ton est patriotique, comme c’est la règle dans tous les journaux de l’époque. Mais la force de la description est saisissante.

"C'est la première rencontre que les vainqueurs ont avec les coupables. Trois semaines de récompense avaient pu les leur faire oublier. Hier ils paraissaient ; la joie se levait. Aujourd'hui, à leur vue, le sang se refroidit. Passez ! Passez ! C'était l'heure de la gloire ; c'est celle de la justice. Les habitants ont les bras pendants. Les moins résignés ont un mauvais rire forcé aux lèvres. Leur tenue sent la gêne. De ce silence lugubre, de ces attitudes, ce qui se dégage, c'est un sentiment d'écroulement. Ces gens-là sont écroulés comme les pierres de Messine et, comme elles, n'ont pas davantage compris pourquoi."

Pour lui, l’Allemagne ne se sent pas défaite, simplement « victime de circonstances malheureuses ».

"Ils se croient toujours le géant debout ; ils font une concession : c'est que ce géant, pour un moment, doit consentir à ne plus mordre. Quant à ses yeux, ils ne se baisseront pas."

Il semble mettre en garde les lecteurs français : l'Allemagne est à terre, mais un jour, elle voudra sa revanche... La veille de Noël, c’est la Révolution de Weimar, partie de la marine militaire, que décrit le grand reporter.

"S'ils demandaient du nouveau, ce n'était pas d'aller à la bataille : c'était d'être mieux. Le mieux ne vint pas. 1917 vit leurs premières velléités révolutionnaires. Les autorités frappèrent, emprisonnèrent On leur renfonça leurs cris dans la gorge. Les mois passèrent, aigrissant les cœurs, excitant les esprits. Ça gagna, ça gagna."

Londres restera au Petit Journal jusqu’en 1919. Sa sympathie pour le coup de force de Gabriele d’Annunzio à Fiume, en Italie, lui vaudra d’être licencié… sur ordre direct de Clemenceau.