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Brazza atteint le fleuve Congo en 1880

le par - modifié le 05/08/2020
le par - modifié le 05/08/2020

Grande figure de l'expansion coloniale française, Savorgnan de Brazza, fasciné par l'Afrique, rêve d'une vie à la Livingstone. Héros populaire et véritable légende de la IIIe République, il est souvent considéré comme l'apôtre de la civilisation. Mais par ses explorations, notamment celle de 1880, il  a donné le Congo à l'Empire français. C'est le début d'une histoire douloureuse pour ce territoire équatorial...

L’initiative de l’expédition

Au XIXe siècle, l’exploration a souvent précédé la colonisation et l’État français n’était pas toujours à l’origine de ces initiatives aventureuses. Le Rappel du 3 janvier 1880 dans la rubrique « Causeries scientifiques » rapporte ce qui a été décidé par le comité français de l’Association africaine : partir « à la découverte, à la pacifique conquête de ce nouveau continent si ancien ou de cet ancien continent, si nouveau, qui magnifiquement récompensera les services que nous trouverons à y rendre à des milliers de frères attardés, à la civilisation générale et au genre humain tout entier. » Pour ce faire le comité décide « l’établissement de deux stations scientifiques et hospitalière dans la partie équatoriale de ce grand inconnu. » Il désigne comme chef de la station occidentale « M. Savorgnan de Brazza depuis peu revenu de sa laborieuse exploration de l’Ogooué. M. le Dr Ballay, qui l’accompagna dans ce premier voyage, sera cette fois encore son compagnon. »

Toutefois l’État soutient, du moins financièrement, cette mission. Le Temps du 12 janvier 1880 apporte des précisions à ce sujet : 

« Le ministre de la Marine a accordé un crédit de 12 000 francs à M. Brazza pour son exploration de l’Ogowe. M. le ministre des Affaires étrangères contribuera à la même expédition pour une somme de 10 000 francs. M. le président [de la Société de Géographie, ndlr] rappelle à la Société que les Chambres ont voté un crédit de 100 000 francs pour les explorations de l’Afrique équatoriale. Une partie de cette somme sera mise également à la disposition de M. Brazza pour l’établissement d’une station dans les régions qu’il a si habilement explorées. Cette station servira non seulement à étendre l’influence de la France, mais à faciliter les voyages dans la direction du lac Tsad (sic), que M. Brazza va tenter d’atteindre. »

Pierre Savorgnan de Brazza, à gauche et assis, Noël Eugène Ballay, à droite - source : Gallica-BnF

La remontée de l’Ogooué

Expédition de P. Savorgnan de Brazza au Gabon en 1880 ; photographie ; Francis W. Joaque ; 1880 - source : Gallica-BnF

Arrivé au Gabon avec son équipe  le 27 décembre 1879, Brazza parvient à Lambaréné et remonte l'Ogooué. Il fonde Franceville le 13 juin 1880 au confluent du fleuve et de la rivière Passa. Fin juin, il quitte Franceville et se dirige vers le Congo. Il continue son exploration alors qu’en France on discute des crédits qui lui ont été alloués. Les avancées de l’expédition parviennent, via une lettre écrite de Brazza, à la presse, qui, dans son ensemble, en résume avec les mêmes termes le contenu. Ainsi Le Petit Journal du 2 septembre 1880 annonce que l’explorateur a remonté l’Ogooué jusqu’à la confluence avec la rivière Ofoué, une progression rapide obtenue de manière pacifique, grâce aux talents de négociateur de Brazza qui « avait réussi à amener une entente entre les indigènes de manière à dégager la navigation du fleuve de toutes entraves soulevées par les rivalités et les compétitions des tribus riveraines ».

Une expédition fructueuse

Région des cours supérieurs de l'Ogooué, de l'Alima et de la Licona ; carte ; Pierre Savorgnan de Brazza ; 1876 - source : Gallica-BnF

Le Siècle du 18 avril 1881, qui retrace la chronologie de l’expédition, se félicite de la signature d’un « traité de paix et d’amitié durable sous pavillon français avec les Oubandjis, qui ornèrent de drapeaux tricolores leurs pirogues et leurs villages » et qui dépendent du roi Makoko. Ce moment marque le début de l’implantation des Français en Afrique équatoriale. « Une fois ce traité fait, le roi Makoko céda à M. de Brazza chef des blancs (...) le territoire de Mcouma ou Ntamo, sur les bords du Congo, non loin de la lagune dite Stanleypool. » Cette nouvelle station de Ntamo allait prendre le nom de Brazzaville, une initiative de la Société de Géographie en hommage à « l’énergique et heureux explorateur de l’Ogooué ». Un premier pas vers la colonisation, ce que Brazza n’avait pas prévu et qu’il allait regretter…

Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905)

Descendant d'une illustre famille italienne, il décide de devenir marin et de partir à la découverte des régions encore inexplorées de l'Afrique. Il fait l’École navale de Brest et choisit la nationalité française après la défaite de 1870. Il se lance dans l'exploration de l'Afrique équatoriale, en constante rivalité avec Henry Morton Stanley, au service de la Belgique et qui usait de la manière forte, ce que désapprouvait Brazza. Humaniste et pacifiste, il pense porter la mission civilisatrice de la France mais en 1905, il met au jour dans un rapport d'enquête les abus de la colonisation et les exactions des compagnies au Congo.  Son rapport sera enterré et il meurt cette même année. 

Pierre Savorgnan de Brazza ; photographie ; 1882 - source : Gallica-BnF