La Croisière Noire en 1925
Après la Première Guerre mondiale, Adolphe Kégresse, ingénieur français, rapporte de Russie un système d'autochenilles qu'il a mis au point pour le tsar. C'est avec André Citroën qu'il se lance dans la production de ce type tout-terrain en France. Ces véhicules seront au cœur de plusieurs raids dont la portée et l'envergure ne seront pas seulement publicitaires : les croisières Citroën.
Une expédition soutenue par le gouvernement
Le 30 octobre 1924, Le Matin annonce l’inauguration d’une liaison automobile intersaharienne par Georges-Marie Haardt et Louis Audouin-Dubreuil à partir de Colomb-Béchar « de l’Algérie au Niger, pour, de là, gagner le Tchad et, à travers le Soudan égyptien et l’Abyssinie, rejoindre [la] colonie de la Côte française des Somalis ».
À cette occasion, les deux hommes ont adressé un télégramme à Édouard Daladier, ministre des Colonies, qui, en retour, les félicite de leurs efforts et loue « l’œuvre pacificatrice inlassablement poursuivie par la France au Sahara ».
En décembre 1924, ainsi que Le Petit Parisien l’annonce le 19 décembre, l’expédition a atteint le lac Tchad. Le journal reproduit le télégramme envoyé par Louis Audouin-Dubreuil et rappelle que cette deuxième mission comprend « seize personnes, utilisant huit automobiles à chenilles pour leurs déplacements ».
Des objectifs multiples
Le Petit Journal du 6 mai 1925 consacre un long article à l’événement.
Il s’intéresse d’abord au caractère cynégétique de l’expédition et rapporte la rencontre des membres de l’expédition avec la duchesse d’Aoste et le duc des Pouilles. Surtout, il propose une carte partielle de l’itinéraire de l’expédition. Il détaille avec précisions les étapes suivies et distingue les quatre groupes une fois la mission subdivisée à Tabora.
C’est aussi l’occasion pour faire le point sur les objectifs, notamment économiques, de cette mission. Une partie a suivi Louis Audouin-Dubreuil qui est accompagné par le cinéaste Léon Poirier, chargé de filmer. Un autre groupe doit parcourir l’est africain et observer les cultures de coton.
Celui dirigé par Georges-Marie Haardt se charge d’étudier la zone des Grands Lacs. Le dernier groupe piloté par Charles B. Brull doit explorer « les territoires miniers du Congo méridional, de la Rhodésia, du Transvaal et du Cap ».
Le journaliste rappelle avec pertinence que le programme a été fixé par André Citroën avec le gouvernement français. Gaston Doumergue, le président de la République, souhaitait d’ailleurs que l'expédition s‘achève de manière symbolique à Madagascar, « pour coopérer de la plus heureuse façon au développement et à l’avenir économique de notre grande île africaine ».
Un succès populaire
La mission, de retour d’Afrique, parvient à Marseille le 2 août. Le Petit Journal du 3 août se félicite de « l’arrivée à bon port des hardis explorateurs » qui n’ont souhaité « ni réception officielle, ni discours, ni manifestation d’aucune sorte », mais ont accepté de retracer auprès de la presse parisienne « les péripéties les plus saillantes de la randonnée accomplie par la mission ».
Arrivée le lendemain en gare de Lyon à Paris (comme pour la première mission, en 1923), la mission est alors accueillie par une foule de gens.
Le journaliste du Gaulois le 4 août 1925 souligne le volume de la documentation qu’elle rapporte : « 27 000 mètres de film » et espère une rapide relation du voyage.
Quelques mois plus tard, le 2 mars 1926 sortira sur les écrans le film de Léon Poirier intitulé La Croisière Noire. À l’issue de la projection à l’Opéra accompagnée d’un gala en présence du président de la République, le journaliste du Figaro salue dans les colonnes du 3 mars 1926 « une œuvre prodigieuse, formidable, d’un intérêt considérable ».