La suspension de la liberté de la presse en 1830
Le 26 juillet 1830, Charles x publie 4 ordonnances liberticides. L’une d’entre elles suspend la liberté de la presse. Les journaux s’insurgent et Paris se soulève. Les Trois Glorieuses commencent par une révolution des journalistes.
Les rapports entre liberté de presse et pouvoir royal sous la Restauration
La liberté de la presse est une des libertés politiques fondamentales, proclamée dans l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cette liberté, étroitement encadrée et surveillée sous Napoléon Ier qui avait imposé depuis 1803 une censure, devient l’un des principaux objets des luttes politiques durant tout le XIXe siècle. La presse est une arme politique de premier plan dans la lutte électorale où lecteurs et électeurs se confondent.
La Charte constitutionnelle de 1814 octroyée par Louis XVIII consacre la reconnaissance de la liberté de la presse dans son article 8 mais entérine aussi des restrictions qui s’accentuent progressivement : « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui répriment les abus de cette liberté ». La Restauration oscille entre répression et libéralisme tempéré à l’égard de la presse.
Le prince de Polignac, président du Conseil ultraroyaliste de Charles X (voir notre long format sur Le sacre de Charles X en 1825) depuis août 1829, déclare dans un rapport remis au roi : « Ce serait nier l’évidence que de ne pas voir dans les journaux la principale source de calamités qui menacent le royaume [...]. Nulle force, il faut l’avouer, n’est capable de résister à un dissolvant aussi énergique que la presse ». Le 26 juillet 1830 au matin, Charles X impose quatre ordonnances liberticides (voir notre long format sur Les Trois Glorieuses) et rétablit la censure de la presse (« Article 1 : La liberté de la presse est suspendue ») : aucun journal ne peut être publié sans autorisation royale.
Les Trois Glorieuses : une révolution des journalistes ?
La presse a eu un rôle central dans la contestation du pouvoir de Charles X. Les journaux d’opposition sont durement réprimés durant le dernier gouvernement de la Restauration : le gérant de La Silhouette (hebdomadaire satirique créé en 1829) est condamné à 6 mois de prison et à 1000 francs d’amende pour avoir caricaturé Charles X en jésuite et pour l’avoir fait fouetter par un prêtre; le gérant du National (journal libéral, né en janvier 1830 et opposé à la politique de Charles X, et soutenu par Talleyrand) se voit également infliger une peine de prison et une amende en avril 1830 ; de même que celui du Globe en février pour avoir évoqué un changement de dynastie.
44 journalistes menés par Thiers et Carrel du National publient le lendemain, sans autorisation, une protestation contre les ordonnances de Charles X dans Le National, Le Temps, Le Globe, Le Figaro, et Le Journal du commerce. Ces journalistes sont les déclencheurs de la révolution de 1830 pour La Presse. Il ne faut toutefois pas imaginer un front uni des journalistes : il n’y a pas de représentants du Journal des débats et les journaux royalistes parmi lesquels Le Quotidien et le Drapeau blanc se soumettent à la censure
Le 27 juillet, un mandat d’arrêt est lancé contre les 44 signataires rapporte Le Constitutionnel dans son numéro du 28 juillet 1830 : la police doit saisir les presses des quotidiens parus à l’aube sans autorisation. Jean-Jacques Baude, rédacteur du Temps, s’y oppose et l’intervention policière suscite l’indignation populaire qui dégénère en insurrection avec les soulèvements des ouvriers typographes auxquels s’adjoignent les artisans, commerçants, étudiants et bourgeois parisiens durant les Trois Glorieuses.
La monarchie de Juillet entre libéralisme et répression
Les libéraux, qui contrôlent les journaux à plus fort tirage dont Le Constitutionnel, Le Journal des débats, et Le National profitent de la situation pour militer pour une « glorieuse révolution » à l’anglaise et l’établissement d’une monarchie parlementaire. Le 30 juillet, Thiers et Mignet font publier dans les ateliers du National et placarder dans Paris un appel au duc d’Orléans afin d’éliminer toute menace républicaine.
La monarchie de Juillet restaure la liberté de la presse et rejette la censure dans l’article 7 de la Charte révisée de 1830 : « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois. La censure ne pourra jamais être rétablie ». Le cautionnement est abaissé, comme le droit de timbre et la taxe postale, une simple déclaration remplace l’autorisation rapporte Le Journal des débats du 24 septembre 1830. La presse connaît un essor important sous la monarchie de Juillet et les journaux touchent un lectorat de plus en plus important grâce aux progrès de l’alphabétisation.
Toutefois, le régime, critiqué par les républicains et les légitimistes, revient à une politique plus répressive dès 1833 : les journaux satiriques comme La Caricature ou Le Charivari, célèbres pour leurs caricatures de Louis-Philippe, sont de plus en plus virulents contre le régime. Le Journal des débats devient l’organe officiel du gouvernement. Des journaux disparaissent face à la multiplication des condamnations et des amendes comme La Tribune, journal républicain. L’attentat de Fieschi contre le roi le 28 juillet 1835 est un prétexte utilisé par le gouvernement pour durcir la répression contre la presse avec les lois du 9 septembre 1835 : la censure est rétablie et on définit de nouveaux délits de presse comme l'offense au roi, la critique contre le gouvernement assimilée à une offense au roi, l'opinion républicaine, l'appel aux changements de régime, l'attaque contre la propriété, rapporte Le Journal des débats du 3 septembre 1835.
Adolphe Thiers (1797-1877)
Historien, journaliste et politicien orléaniste. Il participe à l’instauration de la monarchie de Juillet. Élu sous la IIe République, il est le chef du parti de l’Ordre, conservateur et monarchiste. Il donne un tournant conservateur à la IIe République, cherchant à restaurer une monarchie constitutionnelle. Hostile au coup d’État du 2 décembre 1851, il reste un opposant à Napoléon III, lui réclamant des « libertés nécessaires » en 1864. L’Assemblée nationale à dominante royaliste de 1871 le désigne « chef du pouvoir exécutif ». Il écrase la Commune et conclut la paix avec l’Allemagne. Il se rallie en 1873 à une République conservatrice et devient un des leaders de la droite républicaine.
Bibliographie
Sylvie Aprile, La Révolution inachevée (1815-1870), Belin, Paris, 2010.
Christophe Charle, Le Siècle de la presse (1830-1939), Seuil, Paris, 2004.
Laurent Theis, « On a fouetté Charles X », dans L’Histoire, n°410 (avril 2014), pp. 48-49.