Le « Toast d’Alger » en 1890 et le Ralliement en 1892
Devant une assemblée d’officiers de l’état-major de l’escadre de la Méditerranée, l’archevêque d’Alger, le cardinal Charles Lavigerie, porte un toast à la République. Ce geste concrétise pour la première fois le ralliement de l’Église catholique à la IIIe République.
Le toast d’Alger
Le 12 novembre 1890, devant les officiers de l’état-major de l’escadre de la Méditerranée, l’archevêque d’Alger, le cardinal Lavigerie, prononce un discours qui surprend, par sa teneur, son auditoire, d’autant plus que sa prise de position est suivie par La Marseillaise.
Cette prise de position s’explique par la crainte causée par le rapprochement de l’extrême-gauche et du camp républicain. Le contexte politique français marqué par l’échec retentissant du mouvement boulangiste, dans lequel de nombreux catholiques étaient partie prenante, est également à prendre en considération.
Le cardinal Lavigerie n’intervient pas dans la vie politique par hasard. Sa personnalité et sa popularité contribuent à attirer l’attention de la presse et d’autres interventions, comme celle de l’évêque de Séez qui, dans une lettre au cardinal, dénonce l’idée d’un ralliement à une république qui multiplie les « mesures vexatoires » et qui est dans les mains de la « franc-maçonnerie juive ».
La politique du pape Léon XIII
Les propos tenus par le cardinal Lavigerie conviennent parfaitement au pape Léon XIII qui, depuis plusieurs années, entend mettre un terme au conflit existant entre les dirigeants laïques et l’Église catholique, empêchant la participation de cette dernière à la vie politique. Selon lui, l’Église peut accepter le régime républicain, à condition que ses droits propres et sa liberté soient respectés.
Il va marquer les esprits avec deux encycliques. La première est l’encyclique Rerum Novarum (1891) qui amène l’Église catholique à prendre part au mouvement ouvrier.
Dans la seconde, l’encyclique Inter sollicitudines (20 février 1892), il invite les catholiques français à adhérer à la République afin de participer au fonctionnement politique, ce qui rejoint exactement la position prise par le cardinal Lavigerie en 1890.
Le Ralliement
De nombreux catholiques français dénoncent l’ingérence pontificale et tardent à accepter le Ralliement (comte de Douville-Maillefeu, comte de Bernis).
Le Ralliement permet à la démocratie chrétienne de progresser et suscite un esprit nouveau au sein des républicains modérés, permettant la création d’une droite conservatrice, catholique et républicaine (Fédération républicaine).
Des hommes politiques, radicaux et socialistes principalement, dénoncent cette intervention de la Papauté dans la vie politique française. Edmond Bazire (1846-1892), journaliste républicain qui collabore à La Réforme, au Rappel puis à L’Intransigeant, publie un article dès le 15 novembre 1890 relativisant les propos du cardinal Lavigerie.
Charles Lavigerie, archevêque d’Alger et de Carthage, cardinal
Ordonné en 1849, Charles Lavigerie est professeur d’histoire à la Sorbonne puis se rend en Syrie où il fonde l’Œuvre des écoles d’Orient. Évêque de Nancy en 1863, il devient archevêque d’Alger en 1867. Par son action missionnaire (fondation des Pères blancs et des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique), il participe à l’évangélisation de l’Afrique. Il est créé cardinal en 1882 par le pape Léon XIII. Il mène un combat contre l’esclavagisme en 1888. Républicain, il prône une participation active des catholiques à la vie politique et promeut l’idée du Ralliement.