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Les Jeux olympiques de Berlin en 1936

le par - modifié le 05/08/2020
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En 1936, les XIe Jeux olympiques modernes sont célébrés à Berlin où ils deviennent la vitrine du régime nazi, un outil de la propagande hitlérienne.

Un contexte particulier

En 1931, le CIO confie à la République de Weimar l’organisation des XIe Jeux olympiques. Cette nomination n’est pas remise en cause lors de l’arrivée au pouvoir du parti nazi en 1933, même si quelques pays protestent et envisagent d’organiser des Olympiades populaires à Barcelone mais qui ne peuvent se tenir en raison du déclenchement de la guerre civile d’Espagne. Le journal L’Humanité se montre particulièrement hostile aux Jeux olympiques.

L'Humanité, 2 août 1936 - source Gallica-BnF
L'Humanité, 2 août 1936 - source Gallica-BnF

Les Jeux olympiques sont organisés dans un environnement international bouleversé par la montée des nationalismes et la diffusion du darwinisme social et racial exaltant la force, la compétition à outrance et le culte du héros. Les régimes fascistes intègrent la pratique sportive comme élément de leur propagande, comme l’Italie mussolinienne qui organise la deuxième coupe du monde de football.

Des Jeux politiques

Hitler profite des Jeux pour faire la propagande de son idéologie et de la supériorité de la race aryenne. Il confie d’ailleurs la conception du film de propagande à Leni Riefenstahl qui réalise le documentaire Les Dieux du stade en 1938. Le régime nazi en profite également pour renforcer l’adhésion populaire. Il veut donner l’image d’une Allemagne pacifique et tolérante.

Dans une logique nationaliste, le chancelier allemand ne voulait saluer que les vainqueurs de son pays. Cette démarche étant contraire à l’esprit olympique, il choisit finalement de ne saluer aucun athlète vainqueur.

James Cleveland Owens dit Jesse Owens (1913-1980)

 

Né dans une famille paysanne pauvre de l’Alabama qui s’installe à Cleveland en 1920, Jesse Owens découvre l’athlétisme à la Fairmount Junior High School. Il multiplie victoires et records au niveau junior avant de connaître une première consécration le 25 mai 1935, journée durant laquelle il bat six records du monde. Il est surtout connu pour avoir remporté quatre titres olympiques à Berlin sous les yeux d’Adolf Hitler en 1936. Héros national, il n’en reste pas moins un Afro-Américain privé de droits civiques.

Jesse Owens - source : Wikimedia Commons

La XIe Olympiade

Lors de la cérémonie d’ouverture au Stade olympique de Berlin, près de 100 000 spectateurs (Paris-soir, 2 août 1936) assistent au défilé des 3963 compétiteurs, représentant 49 nations, précédés par les brigades des Jeunesses hitlériennes (Le Petit Parisien, 2 août 1936). Les journalistes sont d’ailleurs unanimes pour souligner le « grandiose apparat » (Paris-soir, 2 août 1936).

Vue en plan du nouveau stade de Berlin pour les Jeux olympiques, 1932 - source Gallica-BnF
Vue en plan du nouveau stade de Berlin pour les Jeux olympiques, 1932 - source Gallica-BnF

L’Allemagne remporte 89 médailles (33 en or, 26 en argent, 30 en bronze) devant les États-Unis (56) et l’Italie. Ce qui permet aux régimes allemand et italien de démontrer la montée en puissance du sport fasciste.

De nombreux records sont battus (L’Illustré du Petit Journal, 16 août 1936), mais c’est un sprinteur noir américain, Jesse Owens, qui retient l’attention en remportant 4 titres olympiques (100 m, 200 m, relais 4 fois 100, saut en longueur — Le Journal, 3 août 1936.

Paris-soir, 3 août 1936 - source : Gallica-BnF
Paris-soir, 3 août 1936 - source : Gallica-BnF

Analyse

Le Petit Parisien du 2 août 1936

Envoyé spécial du Petit Parisien, Roger Malher relate la cérémonie d’ouverture de la XIe Olympiade. Bien qu’il s’en défende au début de son article, il ne se contente pas de décrire de manière purement factuelle la cérémonie qu’il juge comme étant d’une « splendeur jamais égalée » et qui s’est déroulée dans une « atmosphère à la fois païenne et religieuse ». Il perçoit parfaitement l’importance donnée à cette cérémonie par le régime nazi afin de donner l’image d’une Allemagne nouvelle et puissante.

Le journaliste est également très réservé sur l’esprit olympique comme le montre sa critique du serment olympique et de l’utopie du baron de Coubertin. Loin de célébrer l’esprit chevaleresque, le sport « est devenu une véritable corne d’abondance » et les Jeux une « fête du muscle ».

De la cérémonie, il retient principalement trois moments forts : l’accueil chaleureux donné à la délégation française notamment lorsque les athlètes français font le salut olympique, la lecture d’un message du baron de Coubertin pour qui « le sens des Jeux olympiques n’est pas tant de conquérir que de lutter loyalement et chevaleresquement » et l’arrivée de la flamme olympique portée par un « athlète blond et fin comme le Siegfried des Nibelungen ». Le public allemand ovationne la délégation française qui, en passant devant la tribune officielle, a fait le salut olympique. Le salut nazi étant inspiré par le salut olympique, la ressemblance entre les deux explique cette confusion.

Bibliographie

 

Fabrice Abgrall et François Thomazeau, 1936 : La France à l’épreuve des Jeux olympiques de Berlin, Paris, Alvik Éditions, 2006.


Jean-Marie Brohm, 1936, Les Jeux olympiques à Berlin, Bruxelles, Éditions Complexe, 1999.


Mustapha Kessous, Les 100 histoires des Jeux olympiques, Paris, PUF, 2012.