Les grèves en 1906
Le 10 mars 1906, l'explosion dans une mine à charbon de Courrières fait un grand nombre de victimes et suscite une vague d'émotion sans précédent en France et en Europe. C'est aussi le déclencheur d'un mouvement de grèves très important, révélateur de la montée en puissance du socialisme et du syndicalisme au début du XXème siècle.
La catastrophe de Courrières, un déclencheur
Le 10 mars 1906 la catastrophe de Courrières entraîne la mort de 1 099 mineurs à la suite d’un coup de grisou. Des grèves éclatent alors pour protester contre les conditions de sécurité dans les mines. De plus, alors que le cours du charbon a augmenté, le salaire des mineurs n’a cessé de baisser.
Le 17 mars 1906 L’Ouest-éclair constate que la grève se généralise à Lens, « mais ce n’est malheureusement pas sans bagarres ». Elle s’étend alors sur le bassin houiller du Nord et du Pas-de-Calais. Le journal dénombre 2 777 grévistes à Dourges, 1 647 à Ostricourt ou encore 1 700 à Liévin. Benoît Broutchoux, ouvrier et militant anarchiste, arrêté auparavant à maintes reprises, préside à la Maison du peuple de Lens une réunion qui se termine « par un ordre du jour en faveur de la grève générale ».
L’Ouest-éclair rapporte la réaction des compagnies dont les représentants se sont réunis à Douai le 16 mars. « Ils ont déclaré ne pouvoir accepter les revendications des mineurs sur aucun point, ni les augmentations de salaires contraires au contrat de 1902, ni la communication du livre de paye, ce qui les empêcherait de rester maître d’occuper leurs ouvriers comme ils l’entendent ». Ils refusent également de « laisser les veuves des victimes occuper les corons ».
La situation dégénère, les grèves se multiplient. Et le 21 avril 1906 L’Intransigeant titre « Les bassins houillers en pleine anarchie ».
À Hennebont les métallurgistes déclarent, selon Le Matin du 26 avril 1906, qu’ « ils sont prêts à aller jusqu’au bout ». Aux forges d’Hennebont, 1 800 ouvriers cesseront le travail pendant quatre mois. Le 1er mai approche et les grèves finissent par s’étendre à d’autres secteurs : électricité, industrie, postes …
La grève générale se prépare
À la veille du 1er Mai, Le Journal du 27 avril s’inquiète de l’ambiance qui règne à Paris : « Jamais, croyons-nous, depuis l’année que marqua la sanglante et tragique échauffourée de Fourmies [en 1891], on n’avait vu pareil effort de propagande révolutionnaire, ni manifesté tant de crainte qu’à l’occasion de la prochaine journée du 1er Mai ». La Confédération Générale du Travail, syndicat créé en 1895, lance et affiche des appels aux travailleurs pour les encourager à chômer et à manifester afin d’obtenir, entre autres, la journée de travail de huit heures. Le Journal liste par ailleurs les mesures d’ordre considérables et particulièrement sévères mises en place à cette occasion : « le préfet de police a fait appel à l’autorité militaire ; 30 000 hommes de troupes dans les casernes de Paris », « toute manifestation, tout attroupement, tout cortège sur la voie publique seront formellement interdits. Les groupes seront impitoyablement dispersés après la première sommation. Les cris et les chants seront aussitôt réprimés »… Paris semble en état de siège et les Parisiens ont peur… même si selon Le Journal du 28 avril « la nouvelle des mesures prises par le gouvernement a ramené un peu de tranquillité dans les esprits ». « Néanmoins on assiste un peu partout à des scènes caractéristiques. Dans les grandes épiceries du centre, notamment, l’affluence des ménagères qui font des préparatifs pour un prochain départ à la campagne ou se bornent simplement à s’approvisionner dans la crainte que la vie économique ne soit suspendue pendant plusieurs jours à l’occasion de la "Fête du Travail" est énorme. »
« Un jour de sang »
Selon L’Humanité du 2 mai 1906, ce 1er mai a offert aux Parisiens « un spectacle tragique » avec le déploiement des hommes en armes. Cette situation rappelle au journaliste les événements dramatiques de la Commune trente-six ans auparavant. En même temps, il se réjouit qu’aucune bataille n’ait eu lieu et déplore seulement « les brutalités habituelles aux brigades de la Sûreté » : « on a arrêté un peu à tort et à travers, assommé aussi les gens qui circulaient paisiblement »… Il se félicite de la « leçon de calme et de sang-froid » donnée par « l’admirable prolétariat parisien au gouvernement ». Les revendications finissent par s’éteindre et conduisent d’une certaine manière à la création du ministère du travail par Clemenceau le 25 octobre 1906 avec René Viviani. Par contre il faudra attendre 1919 pour que la loi des 8 heures soit adoptée.
Les grèves après la catastrophe de Courrières