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Dans le journal monarchiste l'Action française, le polémiste Charles Maurras a mis sa plume ultraviolente au service de ses convictions nationalistes et antisémites.
Né en 1868 à Martigues en Provence, issu d'une famille catholique assez modeste, Charles Maurras s'installe en 1885 à Paris. Arrivé dans la capitale, il fréquente les milieux littéraires de droite, en particulier Maurice Barrès et Anatole France. Avant sa participation à L'Action française, le jeune Maurras approfondit sa réflexion politique tout en se lançant dans le journalisme. Entre 1889 et 1900, ses conceptions philosophiques, politiques et littéraires s'affirment : Maurras acquiert la conviction que seule une monarchie antiparlementaire et décentralisée peut restaurer son idée de la grandeur de la France.
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En 1900, il se range dans le camp des antidreyfusards. Exaltant le concept de « France éternelle », Maurras fait du rétablissement de l'Ordre sa priorité absolue et mène une lutte acharnée contre tout ce qu'il pense aller contre. Il exalte la monarchie et l'Église catholique, et voue une haine viscérale à tous ceux qu'il considère comme des agents de désagrégation de la France : les républicains, les francs-maçons, les protestants, les juifs, les socialistes, les catholiques démocrates – c'est-à-dire peu ou prou, toutes les personnalités de son temps.
Il publie son livre Enquête sur la monarchie en 1901, dans lequel il développe les bases de sa pensée, le « nationalisme intégral » :
« Contre l’hérédité de sang juif, il faut l’hérédité de naissance française, et ramassée, concentrée, signifiée dans une race, la plus vieille, la plus glorieuse et la plus active possible. [...]
Décentralisée contre le métèque, antiparlementaire contre le maçon, traditionnelle contre les influences protestantes, héréditaire enfin contre la race juive, la monarchie se définit, on le voit bien, par les besoins du pays. Nous nous sommes formés en carré parce qu’on attaquait la patrie de quatre côtés. »
À partir de 1908, Maurras dirige la revue L'Action française avec Léon Daudet, la « revue du nationalisme intégral ». Son indéniable talent de journaliste est alors mis au service de ses convictions localisées à l'extrême droite de l'échiquier politique : nationalistes, antisémites et antiparlementaires.
En 1911, dans un célèbre article d'une rare violence intitulé « La question juive », Maurras promeut ce qu'il nomme un antisémitisme d'État. Dans ces lignes suintent les prémices d'une paranoïa raciste qui gagnera peu à peu toute l'Europe.
« D’autant que l’état du Juif en France est plus particulier et qu’il ressemble moins à la condition des autres Juifs de l’Europe et du monde. Le Juif d’Algérie, le Juif d’Alsace, le Juif de Roumanie sont des microbes sociaux. Le Juif de France est microbe d’État : ce n’est pas le crasseux individu à houppelande prêtant à la petite semaine, portant ses exactions sur les pauvres gens du village ; le Juif d’ici opère en grand et en secret.
On le soupçonne, on le découvre, mais on le voit peu au travail. Du centre même du pays, il a commencé par tenir l’État grâce à la finance ; puis, à la faveur de ces liens, il a envahi les fonctions de l’État. Juifs de Conseil d’État, Juifs d’Université, Juifs d’armée, Juifs de justice, Juifs de Chambre, de Sénat et de ministère, les Juifs détiennent, grâce à notre fameuse centralisation administrative, tous les nœuds vitaux de notre existence d’État.
Ou l’on n’en finira jamais avec la juiverie ou l’on devra commencer par l’attaquer dans les postes d’État. »
L'influence de Maurras dans les milieux intellectuels et politiques est considérable, et d'autant plus vive que le talent strictement littéraire de Maurras est unanimement reconnu. Le « maurrassisme » remet au goût du jour la pensée royaliste française, pas totalement éteinte au début du XXe siècle.
Avant 1914 comme durant la Première Guerre mondiale, Maurras dénonce les pacifistes tels que Jaurès, les accusant d'être des « agents de l'Allemagne ». Son journal passe de 1 500 lecteurs à 30 000 en 1913, et tire à 156 000 exemplaires en 1918. Toutefois, ses écrits ultraviolents sont condamnés en justice à de multiples reprises : en 1912, en 1929 et en 1936.
Son aura et son rôle politique déclinent peu à peu à la fin des années 1920. Le Saint-Siège romain va jusqu'à condamner L'Action française en 1926, reprochant à Maurras de « dévoyer la mission de l'Église » en ne voyant qu'en elle un instrument de l'Ordre et non le véhicule de l'évangile (Pie XII reviendra cependant sur cette condamnation en 1939).
En 1935, tandis que la crise financière balaie de plein fouet l'Amérique et l'Europe industrialisée et que les premières exactions du Troisième Reich se font connaître de l'autre côté du Rhin, Maurras appelle purement au meurtre du leader socialiste Léon Blum, futur Premier ministre :
« Ce Juif allemand naturalisé, ou fils de naturalisé [...] n'est pas à traiter comme une personne naturelle. C'est un monstre de la République démocratique. [...]
Détritus humain, à traiter comme tel [...]. L'heure est assez tragique pour comporter la réunion d'une cour martiale qui ne saurait fléchir. [...]
Léon Blum ? un homme à fusiller, mais dans le dos. »
En juillet 1940, il salue l'arrivée au pouvoir de Philippe Pétain comme une « divine surprise ». Vichyste impénitent, homme de lettres vieillissant, il multiplie les attaques contre ses ennemis de toujours : les Juifs, les francs-maçons et les marxistes.
Arrêté à la Libération en septembre 1944, il est condamné le 27 janvier 1945 à la réclusion à perpétuité et à la dégradation civique.
Détenu à Riom puis à Clairvaux, il est placé en avril 1952 en résidence surveillée dans une clinique de la banlieue de Tours, où il meurt, laissant derrière lui des milliers d'écrits et de pamphlets, faisant de lui le journaliste le plus prolifique de son époque.