La fondation du Charivari en 1832
Le 1er décembre 1832 paraît un nouveau quotidien polémique et satirique Le Charivari. Ce journal se compose de quatre pages dont un dessin souvent caricatural. Son fondateur Charles Philipon est connu pour avoir créé le journal La Caricature, quotidien qui fut supprimé par la censure suite à la révolution de 1830. C’est avec Le Charivari que de grands noms de la presse firent leurs débuts : Honoré Daumier, Gavarni, Traviès, Henri Monnier.
Une lutte contre le gouvernement et la censure
Le Charivari est un quotidien républicain qui s’oppose à la Monarchie de Juillet, qu’il s’efforce de ridiculiser et il dénonce en même temps les us et coutumes de la bourgeoisie. Le 6 décembre (Le Charivari, 06/12/1832) les lecteurs sont avertis :
« Le nom des fondateurs du Charivari a pu faire croire à beaucoup d’abonnés que la caricature politique envahirait entièrement ce journal ; et, d’un autre côté, nos 200 000 Spécimens, où les dessins de mœurs et d’art étaient en immense majorité, ont pu faire penser à beaucoup d’autres que la politique n’y tiendrait qu’un rang très secondaire. Il n’est donc pas inutile de détruire cette double erreur en répétant ce que nous avons dit dans notre prospectus, que les deux genres s’y succéderont de manière à empêcher la monotonie qui résulterait de l’adoption exclusive de l’un ou de l’autre. »
En effet, dans ce numéro, Madier de Monjau écrit un article intitulé : « De l’indifférence en matière d’indignation, et des moyens de la faire cesser » dans lequel il déplore et condamne la politique et les méthodes du gouvernement (Le Charivari, 06/12/1832).
Charles Philipon (1800-1862)
Charles Philipon est un dessinateur, lithographe, journaliste et directeur de journaux. C’est avec le dessinateur Grandville qu’il crée, en 1829, le journal La Silhouette. La même année il fonde à Paris avec Gabriel Aubert la maison d’édition Aubert, qui se spécialise dans la vente d’estampes. Il est également le fondateur des journaux La Caricature (1830) et Le Charivari (1832).
Humour et dérision
Ce quotidien publie des dessins de la vie quotidienne de la bourgeoisie. M. Ramelet y dessine des familles déambulant dans un parc (Le Charivari, 07/12/1832).
Les articles et les dessins oscillent entre humour et dérision. Les dessinateurs y montrent l’élite politique corrompue (Le Charivari, 26/12/1832), concupiscente et débauchée (Le Charivari, 14/12/1832).
C’est avec humour que les journalistes condamnent le régime politique français et au passage la religion catholique. Le 22 décembre 1832 est publié un article signé Barthe intitulé : « Charte déceptionnelle » dans lequel le journaliste écrit :
« Il est convenu que celui qui possède moins paiera plus, et que celui qui possède plus paiera moins, afin de rétablir, autant que possible, l’égalité, principe fondamental de notre immortelle révolution de Juillet. »
Plus loin, il poursuit :
« Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, et ceux des autres cultes chrétiens reçoivent des traitements du trésor public. En conséquence, quiconque voudra introduire une nouvelle variété de Dieu dans le genre chrétien ou dans les espèces catholique, apostolique et romaine, devra faire huit jours à l’avance sa déclaration à la préfecture de police, laquelle déléguera des mouchards pour prendre des renseignements sur ce nouveau Dieu et décidera, en conseil de sergens de ville, s’il y a convenance que ce nouveau Dieu entre en fonctions. »
Il évoque également la censure :
« Tous les Français, sans distinction, pourvu qu’ils aient 2400 francs de rentes, ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois, qui, comme on l’a déjà dit, pourront être faites pour les en empêcher. La censure ne pourra jamais être rétablie, mais sans jamais être rétablie, elle pourra être exercée de temps en temps par le ministres des beaux-arts, par le préfet de police, par les commissaires de garde aux spectacles, et par les sergens de ville de planton à la porte des théâtres. »
Analyse
Le Carivari du 27 décembre 1832
Le Charivari critique sévèrement le mode de vie de la bourgeoisie et de l’élite politique de son époque. Le numéro du 27 décembre 1832 est particulièrement évocateur :
« Des gens flétris par une vie de bals, de visites et de grimaces, vie sans naturel, sans poésie et sans plaisir, vie qui ride le cœur et le visage, se retrouvent après quelques vingt ans passés sur leurs amours d’un jour. Sont-ils émus ? Sont-ils seulement étonnés ? »
La puissance de l’image, en l’occurrence ici celle des caricatures, est particulièrement efficace. Dans ce numéro, M. Ramelet réussit à condenser avec son dessin la décadence d’une société décriée par Le Charivari. Deux amants font mine de s’émouvoir en se rencontrant lors d’une fête. Ils ne se sont pas vus depuis une vingtaine d’années. Les corps ont changé mais les habitudes et les mœurs restent les mêmes. Ce dessin est une critique de la vie mondaine faite d’illusions de faux-semblants et d’apparences.
Bibliographie
Pierre Albert, Histoire de la presse, Paris, Presses Universitaires de France (Que sais-je ?), 2010.
Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011.