Écho de presse

La vague Apache déferle sur Paris

le 09/02/2024 par Pierre Ancery
le 14/10/2021 par Pierre Ancery - modifié le 09/02/2024

Dans les années 1900, la presse fit ses choux gras des exploits criminels des bandes du nord-est parisien.

Le 25 août 1904, Le Petit Journal consacre sa une à un phénomène qui depuis quelque temps intéresse beaucoup la presse à grand tirage : les Apaches.

 

« Il y a beau temps que les Apaches ont disparu des prairies américaines. Les Yankees — moins longanimes que nous — les ont détruits jusqu'au dernier ; et ceux qu'on montre aujourd'hui aux voyageurs sont d'innocents Yakis ou d'inoffensifs Papagos, derniers représentants de ces pacifiques tribus agricoles qui disparaissent elles-mêmes peu à peu du sol de leurs ancêtres. Il n'y a donc plus d'autre "pays des Apaches" que notre bonne ville de Paris, ses faubourgs et sa banlieue. »

Par « Apaches », le journaliste fait référence aux bandes criminelles qui sévissent dans les quartiers nord-est de Paris, sous le nom de la « Cagnotte de Belleville », le « Kursaal des Aminches », les « Menus-Plaisirs de Charonne » ou encore le « Club des Poteaux du Père-Lachaise »... Escrocs, voleurs, proxénètes, meurtriers parfois, ils se distinguent par le soin particulier qu'ils portent à leur allure (tatouages, foulard, veste cintrée et bottines qui doivent impérativement briller en toutes circonstances). Voir la une du Petit Journal, supplément du dimanche du 20 octobre 1907.

Mais les Apaches se distinguent aussi par un « étroit esprit de discipline et de solidarité », que détaille le journal :

« Tout Apache qui serait trouvé en défaut, c'est-à-dire s'il rencontrait un ami en danger et qu'il ne lui porterait pas secours, serait "planté" le jour même comme un "dégoûtant". [...] Tout Apache rencontrant un ami "fauché" et étant "argenté" lui-même, doit le "rafraîchir" sans hésiter. Lorsqu'un Apache, pour un "travail" quelconque, se sera fait "sauter", il devra être assisté par les soins de la Société. »

Le 2 février 1902, le chef de la bande de la Courtille Apache Manda est arrêté, mettant fin à la lutte fratricide qui l'oppose à Leca pour la conquête d'Amélie Élie, surnommée «Casque d'Or».

Objets de fascination auprès de la jeunesse des classes populaires, les Apaches ne suscitent pourtant que réprobation chez le journaliste, qui voit en eux « un danger permanent contre lequel nous sommes très insuffisamment défendus ».

Réprobation toutefois non dénuée d'ambiguïté : car ces véritables héros de faits divers doivent beaucoup aux quatre grands quotidiens du matin, Le Petit JournalLe Petit ParisienLe Journal et Le Matinqui leur consacrent fréquemment leur une et jouent avec le sentiment d'insécurité que leur évocation génère. Les Apaches perdureront jusque dans les années 20.