Archives de presse
L'affaire Dreyfus à la une
8 journaux d'époque réimprimés en intégralité mettant en perspective le rôle de la presse dans cette lutte ouverte entre dreyfusards et antidreyfusards.
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Le 15 octobre 1894, le capitaine Alfred Dreyfus était arrêté sur l'ordre du ministre de la Guerre. C'est le début d'une affaire juridique et politique qui divisa profondément la République et la société française. Alors, toute la presse ou presque pourchassait le « traître »…
Le 15 octobre 1894, on arrête le capitaine Alfred Dreyfus, un officier d’origine alsacienne et de confession juive sur les ordres du général Mercier alors ministre de la Guerre. Ce dernier s'exprime dans un entretien accordé au journaliste H. Barthélémy le 17 novembre 1894 dans les colonnes du Journal pendant l'instruction menée contre le capitaine Dreyfus. Il y justifie sa décision prise en accord avec l’état-major : Dreyfus est accusé de haute trahison et d’avoir transmis des documents secrets à l’Allemagne.
« Des incidents, sur lesquels je n’ai pas à m’expliquer […] ont mis entre mes mains des notes qui émanaient d’un officier et qui prouvaient qu’il avait communiqué à une puissance étrangère des renseignements dont il avait pris connaissance en raison de ses fonctions à l’état-major de l’armée. Dès que j’ai eu la certitude que cet officier était le capitaine Dreyfus, j’ai donné l’ordre de l’arrêter. »
Refusant d’entrer dans les détails, le ministre déplore également l’indiscrétion qui a permis à la presse et à l’opinion publique d’avoir connaissance de cette affaire. L’entretien s’achève sur la question de la peine de mort - alors abolie depuis 1848. Jugé à huis-clos devant le conseil de guerre, Dreyfus est donc condamné, le 22 décembre, à la déportation à perpétuité dans l’île du Diable au large de Cayenne où il est débarqué le 12 mars 1895.
Qu’elle soit républicaine ou non, conservatrice ou non, la presse considère alors la culpabilité de Dreyfus comme avérée. Personne ou presque ne semble douter de la trahison de Dreyfus. Ainsi, même le journal La Justice prend parti contre lui en décembre 1894 :
« Sans doute je suis aussi résolument que jamais l’ennemi de la peine de mort. Mais on ne fera jamais comprendre au public qu’on ait fusillé il y a quelques semaines, un malheureux enfant de vingt ans coupable d’avoir jeté un bouton de sa tunique à la tête du président d’un conseil de guerre, tandis que le traître Dreyfus bientôt partira pour l’ile Nou où l’attend le jardin de Candide. »
Bien qu'opposé à la peine de mort, l'auteur prône une sentence beaucoup plus sévère face à un jugement qu'il estime trop clément :
« J’estime, quant à moi, la réclusion perpétuelle une peine plus sévère que la mort. Et le bagne ? qui donc protesterait si le traître allait trainer la chaîne des forçats ? »
Malgré une profonde aversion envers Dreyfus au début de l'affaire, le quotidien républicain et radical fondé en 1880 par Georges Clemenceau, devint à partir de 1898 un ardent défenseur du capitaine... L’Intransigeant, dont Henri Rochefort était le rédacteur en chef, lui aussi se déchaîne contre Dreyfus et titre à la une le 23 décembre 1894 : « Condamnation d’un espion prussien ». Le journaliste revient sur le passé de l’officier et sur ses origines familiales et révèle le climat de suspicion qui entourait le capitaine :
« Un de nos amis s'entretenait dernièrement de l'affaire Dreyfus avec un capitaine du 31° d'artillerie. On sait que le traître a servi dans ce régiment en qualité de lieutenant :
- Il est surprenant, dit le capitaine, qu'on ait mis si longtemps à s'apercevoir, au ministère de la Guerre, que Dreyfus trahissait son pays. Depuis plus de six ans il était suspect à tous ses camarades et ceux-ci le considéraient comme capable de toutes les infamies. »
C’est donc non sans une certaine satisfaction que les journalistes rapportent la dégradation publique du capitaine le 5 janvier 1895 qu’ils considèrent comme justifiée. Le Matin du 6 janvier 1895, sous couvert d’une certaine réserve, décrit la réaction de Dreyfus en ces termes :
« Le traître a une force de volonté extraordinaire. On comprend qu’il n’y a plus en lui qu’un sentiment, la colère, la rage du coupable pris sur le fait. »
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L'affaire Dreyfus à la une
8 journaux d'époque réimprimés en intégralité mettant en perspective le rôle de la presse dans cette lutte ouverte entre dreyfusards et antidreyfusards.
Le Monde illustré rend également compte de la cérémonie avec de nombreux détails. Il propose même un plan de la cour et de la disposition des troupes à l’École militaire où a eu lieu la dégradation et livre un portrait acerbe d'un Dreyfus hué par une foule venue en nombre :
« Il lui arrache les galons, la jugulaire du képi. Alors le traître proteste. Il crie d'une voix rauque, méchante, fausse : "Je suis innocent. Vive la France !" »
Et de renchérir :
« Alors le traître apparaît sous l'infâme livrée du condamné qui n'est plus un soldat, plus un citoyen, plus rien, qui ne compte plus que comme un numéro du bagne. Il semble rapetissé. Cette veste noire trouée de déchirures auxquelles pendent des fils, ce pantalon noir, ce képi noir, tout ce noir l'écrase. »
Dans ce concert médiatique, aucune plume ne vient dénoter et il faudra attendre Zola et son « J’accuse » pour que l’unanimité se fissure.