Hubertine Auclert, la lutte pour les femmes
Cette activiste fervente lutta toute sa vie pour le droit de vote et d'éligibilité des femmes. Certains de ses textes parurent dans la presse.
Figure centrale de l'histoire du féminisme, Hubertine Auclert (1848-1914) fut sans doute la première femme à revendiquer ce terme et à se définir elle-même comme « féministe », en 1882. Née dans une famille aisée, d'un père farouche opposant au Second Empire, elle crée en 1876 Le droit des femmes, groupe suffragiste qui devient en 1883 Le suffrage des femmes. En 1881, elle lance le journal La Citoyenne.
Les quotidiens à grand tirage relayèrent nombre de ses interventions, mais le firent avec un mépris quasi-systématique. C'est le cas du Gaulois qui, le 30 septembre 1877, publie sous le titre "Le Manifeste de ces dames" un texte d'Hubertine Auclert en faveur du suffrage des femmes. Dans sa présentation, le journaliste précise ironiquement qu'il le fait paraître en vertu de la "galanterie française"...
Dans son texte, la militante s'adresse directement aux électeurs (uniquement masculins) qui s'apprêtent à voter aux législatives.
"Citoyens,
Au moment où s'ouvre la période électorale, laissez-nous vous confier une mission solennelle : celle de voter pour nous. L'idée républicaine exclut l'aristocratie de sexe, comme elle exclut l'aristocratie de caste. […] [Les femmes] vont être gouvernées, mais elles le seront selon le bon plaisir de l'homme, sans pouvoir élever la voix pour marquer leurs préférences. Ces neuf millions de femmes sont assujetties aux mêmes lois répressives que les hommes, aux mêmes contributions ; cependant elles ne délèguent aucun mandataire pour prendre leurs intérêts dans la confection des lois et des budgets. Il en était ainsi pour l'homme avant 1789 ; ainsi pour le prolétaire avant 1848. Cette injustice révoltante cessera pour nous comme elle a cessé pour eux."
Elle continue :
"À l'instar de nos mères les Gauloises, nous veillons. Nous ne trouvons pas que vous, les hommes, vous puissiez être seuls responsables des destinées de la République et de la patrie. Vous vous êtes trompés si souvent, vous, bourgeois, en nous donnant cinquante ans de monarchie, toi, peuple, en nous donnant vingt-neuf ans d'Empire et d'ordre moral. Nous voulons une République républicaine, qui applique enfin nos immortels principes de 89. Nous voulons l'égalité."
À partir de 1878, elle se tournera vers le mouvement socialiste. En 1880, elle lance une grève de l'impôt en arguant que, les femmes n'étant pas représentées, elles ne devraient pas être imposables. L'Avenir de la Mayenne du 22 avril publie une lettre de sa main :
"Puisque je n’ai pas le droit de contrôler l’emploi de mon argent, je ne veux plus en donner. Je ne veux pas être, par ma complaisance, complice de la vaste exploitation que l’autocratie masculine se croit le droit d’exercer à l'égard des femmes. Je n’ai pas de droits, donc je n’ai pas de charges ; je ne vote pas, je ne paye pas."
Jusqu'à sa mort en 1914, elle restera une activiste fervente, dénonçant la loi française sur le divorce (elle propose l'idée alors radicale d'un contrat de mariage avec séparation des biens), réclamant la féminisation de certains mots, et demandant encore et toujours le droit de vote et d'éligibilité des Françaises. Celui-ci ne sera accordé qu'en 1944, trente ans après sa mort.