Dans la même édition du journal, le poète surréaliste Robert Desnos – dont Man Ray adaptera le poème L’Étoile de mer en court-métrage deux ans plus tard – le qualifie d’« une des plus curieuses figures de Paris » :
« Photographe, peintre, auteur de films modernes, Man Ray est l'une des plus curieuses figures de Paris.
Bien des jolies femmes ont tremblé avant de confier le soin de reproduire leur visage à celui qui chérit également ses peintures et ses plaques photographiques. [...]
Américain laconique, dont le désir d'invention est immense et qui, après s'être révélé peintre original, a bouleversé les opinions admises sur la découverte, aujourd'hui centenaire, de Niepce [l'inventeur de la photographie]. »
À la fin des années 1920, Man Ray s’est incontestablement imposé comme un artiste surréaliste majeur : sa renommée dépasse désormais largement les frontières de Paris.
Le poète Fernand Pouey, qui lui rend visite en 1929 dans son atelier parisien de la rue Campagne-Première pour le journal L’Européen, ne cache pas son admiration pour cet iconoclaste volontiers taciturne :
« C'est avec beaucoup plus de simplicité que Man Ray vous accueille dans son studio de la rue Campagne-Première.
Que son nom ait quitté Montparnasse pour un tour du monde ne le touche pas outre mesure ; car la renommée n'a jamais bouleversé un homme d'expériences.
Il y a autour de lui son petit monde de bois et de fer, d'échiquiers, de cubes, de cônes, de pyramides et de crosses. Sur les murs, quelques tableaux et des photographies abstraites se proposent à votre étonnement ; à deux extrémités opposées de la pièce, un admirable profil perdu de femme chante un conte bleu et un dur escalier conduit à la voie des songes. [...]
“Bonjour !” a murmuré Man Ray. Puis il s'est tu. Il a repris son sourire en coin et croisé ses bras sur sa poitrine. On nous a averti : “Vous savez qu'il est taciturne.” Appuyé à une table aux angles nets, il paraît épier des rythmes cinématiques et assister à la représentation de la vie courante, sans s'y mêler.
Vous auriez aussi le droit de penser que, s'exprimant difficilement en français, il préfère rester en dehors de la conversation, ou encore – tant pis ! – que vous l'importunez. Mais son regard, sous les paupières lourdes, s'est dirigé vers vous. Alors, d'instinct, vous cherchez la pose photogénique. »