Archives de presse
1871, la Commune
Une collection de journaux réimprimés en intégralité pour revivre la Commune à travers la presse de l'époque : caricatures, textes engagés, témoignages.
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Pionnière du photojournalisme, la revue de gauche Regards multiplie dans les années 1930 les articles consacrés à la mémoire de la Commune de Paris. En 1934, elle rencontre quatre anciens communards.
Mai 1934. Soixante-trois ans après la Commune de Paris, combien d'anciens communards sont encore en vie ? La revue d'inspiration communiste Regards, créée en 1932, en a retrouvé quatre. Dans son numéro du 25 mai, elle publie l'interview de ces trois hommes et de cette femme qui ont vécu les événements de 1871.
« Tout le monde connaît les vieux communards ; chaque année, au Mur des Fédérés, les travailleurs de Paris défilent devant eux et, poings levés, les saluent. À la veille de la commémoration de la Commune, pour les lecteurs de Regards, nous avons essayé d'esquisser leurs portraits. Ils n'ont pas posé ; nous les avons surpris dans la simplicité de leur vie quotidienne. »
Regards rencontre d'abord le « père Andrieux », qui vit dans le 18e arrondissement de Paris et est toujours actif dans la lutte syndicale.
« À pas lents, s'appuyant sur une canne, un vieillard encore droit se dirige vers la coopérative de la rue Duhesme ; c'est le père Andrieux. Il sourit dans le soleil matinal ; il est toujours de bonne humeur [...].
La jeunesse l'entoure, quand il évoque sa vie de proscrit ; les bancs se rapprochent ; les regards se posent, tour à tour, sur son visage calme d'inventeur et ses mains ridées, aux grosses veines bleues, ses belles mains usées d'ouvrier carrossier. Avec Camélinat, il est allé en Hollande, en Belgique, en Angleterre. À Londres, il a rencontré Karl Marx.
– Parlez-nous de lui, père Andrieux.
Andrieux se penche légèrement en arrière, il regarde par-dessus les têtes et dit :
– Marx était un chercheur perpétuel, un travailleur extraordinaire, il voyageait beaucoup, puisait partout, interrogeait un simple délégué. Il savait questionner et il savait écouter […]. Mais fallait pas l'interrompre !
Il a rencontré Lénine, rue Berthollet, aux réunions des premiers bolcheviks. Et Wilhelm Liebknecht, le père de Karl, a passé toute une nuit à bavarder avec lui. Il a connu aussi Jaurès [...]. Il lui reste une grande famille : le prolétariat révolutionnaire du dix-huitième arrondissement. »
Puis c'est le « père Repiquet », qui vit avec sa femme à Issy-les-Moulineaux, s'occupant de son jardin.
« – Grand-père, vous allez nous dire quelques souvenirs sur la Commune.
Il nous fait asseoir à sa droite, en portant la main à son oreille gauche :
– Je n'entends pas bien de ce côté-là. Je suis vieux, vous savez. Depuis quatre ans, je ne peux plus lire ; c'est ma femme qui me lit L'Humanité ; mais quelquefois elle se trompe, alors je m'en aperçois et je la fais relire. Mes souvenirs sur la Commune, mes braves enfants ! C'est que ma mémoire est devenue infidèle.
J'avais dix-huit ans en soixante-et-onze. J'étais de garde à la barricade quand les Versaillais sont arrivés. J'ai été fait prisonnier. On nous a emmenés au camp de Satory... Nous y étions 15 000 ! Attachés cinq par cinq, les femmes comme les hommes. De Versailles, on nous a transportés à Cherbourg dans des wagons à bestiaux !... Quarante par wagon !... Et quand le train s'arrêtait, devant chaque wagon, il y avait vingt flics revolver à la main !...
En rade de Cherbourg, cinq bâtiments nous attendaient. On est restés pendant treize mois dans ces bâtiments, entassés comme des sardines, on mangeait à dix dans la même gamelle suspendue au plafond par des fils de fer !...
Après, on nous a ramenés à Paris. J'ai fait tout le voyage attaché avec un camarade ; on ne nous détachait même pas pour aller aux cabinets. On est resté enfermés pendant un mois au fort d'Issu. Ensuite, on nous a transportés à la Manufacture de Sèvres, où on a passé au conseil de guerre. J'ai été acquitté à une voix de majorité. J'avais vingt ans. »
Et enfin la « citoyenne Levavasseur », 94 ans :
« Face à l'étroite fenêtre, assise près d'une cage, une femme de 94 ans parle à ses oiseaux. C'est la citoyenne Levavasseur. Pendant la Commune, elle était à Lyon. Sa mémoire lui manque, mais il y a certaines choses qui s'y sont fortement gravées ; par exemple, elle se souvient bien qu'une balle lui a frôlé le visage, en 1870.
Sur le rebord de la fenêtre, quatre pots de fleurs sont alignés.
– Mes fleurs et mes oiseaux, dit-elle, c'est la moitié de ma vie. Et puis je vis de mes souvenirs... À mon âge ! Je travaille depuis l'âge de douze ans. J'étais cuisinière ; j'ai été aussi blanchisseuse. J'ai 94 ans, mais je travaille encore. Voyez, j'ai mis mon linge à tremper ; demain, je ferai ma lessive.
Tous les ans, elle va au banquet des “Amis de la Commune”.
– Là, on se retrouve, dit-elle en s'animant, on se rappelle le passé. Les camarades m'appellent la Doyenne. Et puis, ils me taquinent. »
L'article s'achève par un portrait du « père Allemane », à Herblay.
Après la Commune, de nombreux communards ont été jugés : 35 000 hommes, plus de 800 femmes et 538 enfants. 25 000 d'entre eux furent acquittés ou bénéficièrent d'un non-lieu, mais plusieurs milliers furent déportés en Nouvelle-Calédonie.
Dans les décennies qui ont suivi les événements, la mémoire de la Commune est devenue un élément essentiel du mouvement communiste et syndical français. Un rituel est ainsi observé chaque année par le Parti communiste et les organisations syndicales : la visite au mur des Fédérés, cette partie de l'enceinte du cimetière du Père Lachaise où, le 28 mai 1871, 147 combattants de la Commune ont été fusillés par les Versaillais.
Regards y est présent en 1935. Le magazine, pionnier du photojournalisme, publie une double page de photos sur les manifestations du Père Lachaise.
Archives de presse
1871, la Commune
Une collection de journaux réimprimés en intégralité pour revivre la Commune à travers la presse de l'époque : caricatures, textes engagés, témoignages.
La revue livre aussi régulièrement des articles historiques sur la Commune. Le 16 mars 1934, c'est « La Commune de 71 vue par les Communards », un recueil de correspondances envoyées par des personnages historiques de la Commune de Paris à des « camarades » hors de France (parmi lesquels, Karl Marx lui-même) :
Le 21 mai 1936, un nouveau dossier sur « Paris sous la commune » :
Et enfin, à la veille de la guerre, le 25 mai 1939, de nouvelles photos du pèlerinage annuel au mur des Fédérés :
L’association des Amis de la Commune de Paris existe toujours aujourd’hui, plus de 147 ans après l’insurrection. Son local est situé au cœur du quartier de la Butte-aux-Cailles, dans le 13e arrondissement.