Le retour triomphal de Buffalo Bill en France
En 1905, après seize ans d’absence, la troupe d’amuseurs américains revient dans l’Hexagone ; chevaux, revolvers et cascades de cowboys sont proposés à un public français éberlué.
En 1889, à l’occasion de l’Exposition universelle, le colonel William Frederick Cody, dit « Buffalo Bill », débarquait à Paris pour offrir aux Parisiens un spectacle inoubliable : le Wild West Show.
Quelque seize années plus tard, en 1905, le héros de la conquête de l’Ouest est de retour à Paris dans le cadre du Carnaval. Mais, cette fois-ci, il a prévu d’entamer une grande tournée à travers toute la France. Son arrivée ébouriffante crée l’événement et l’excitation des Français est à son comble.
En effet, comme le rapporte Le Journal du 1er avril 1905, les Parisiens sont nombreux à accourir pour voir de leurs propres yeux et acclamer « l’élégant cavalier, aux yeux d’acier, aux cheveux magnifiques, ce champion des tueurs de buffles sauvages, cet intrépide héros ».
On raconte que Buffalo Bill aurait abattu 82 buffles en une seule journée à l’aide de son fidèle fusil, qu’il a d’ailleurs nommé « Lucrèce Borgia » car il tue infailliblement.
« De la vaillance, de la force, de la souplesse, de l’adresse, du courage, de l’héroïsme, voilà ce que l’on verra chez Buffalo ; on y prendra des leçons d’énergie, d’endurance et de beauté ; on y respirera le souffle sacré de l’intrépidité et de la gloire… »
Arrivée à Paris à la fin du mois de mars 1905, la troupe du célèbre colonel installe son immense campement sur le Champ-de-Mars. Le rédacteur de La Petite République rapporte ainsi que « ce n’est pas un spectacle banal que celui de toutes ces tentes qui mettent leur note blanche et gaie au pied de la Tour Eiffel et du Trocadéro. »
« À peine a-t-on pénétré dans le camp que l’on est frappé par l’étrangeté du spectacle. Indiens, Cosaques, Hongrois et Mexicains vont et viennent autour de leurs tentes, mêlant l’originalité amusante de leurs costumes, cependant que des cavaliers de tous les pays soignent ou exercent leurs montures, et que des cowboys traversent au grand galop les chemins les moins accessibles. »
En effet, en plus de présenter au public des reconstitutions – souvent caricaturales – de la vie au Far-West, des batailles épiques et des captures de chevaux au lasso, le colonel Buffalo Bill a rehaussé son spectacle d’attractions nouvelles grâce à des cavaliers venus des quatre coins du monde parmi lesquels, entre autres, des Japonais, des Arabes, des Cubains, des Chinois, des Italiens, des Russes ou encore des Anglais.
Le plus étonnant est que, contrairement à une troupe de théâtre, les hommes du colonel Cody ne sont pas des acteurs mais de véritables soldats ; huit cents hommes de nationalités diverses, connaissant les us et coutumes des armées internationales. Cette troupe bigarrée reste deux mois dans la capitale, le temps nécessaire pour pouvoir contenter le Tout-Paris à raison de deux représentations par jour, souvent à guichets fermés, sous le vaste chapiteau de 125 mètres de longueur sur 40 mètres de largeur.
Le 4 juin 1905, la bande prend la route pour sillonner la France durant tout l’été. Et quand Buffalo Bill parcourt le pays pour parader dans les grandes villes, il ne passe pas inaperçu : son convoi exceptionnel est constitué de trois trains spéciaux, cinq cents chevaux et huit cents hommes. C’est ainsi que des hordes de sympathiques « Peaux-Rouges », coiffés de plumes et parlant par signes, débarquent avec leurs chevaux dans les paisibles villes de France, faisant l’admiration d’une foule de « visages pâles » enthousiastes.
Le rédacteur de L’Indépendant du Cher dresse un panorama des réjouissances proposées par Cody et ses hommes tandis que la ville de Bourges s’apprête à accueillir le spectacle au mois d’août 1905 :
« [Les] impétueuses charges de cavalerie par les vétérans des armées anglaises et américaines, les danses de guerre des Indiens, les courses folles des cowboys, les tirs stupéfiants du colonel Cody et de Johnny Baker, l’attaque de la diligence de Deadwood, [ces] numéros qui ont le plus excité l’admiration du public parisien pendant les deux mois d’exhibition de Buffalo Bill au Champ-de-Mars, à Paris… »
Le rédacteur insiste également sur le caractère éducatif du spectacle. Le Wild West Show de Buffalo Bill, ajoute-t-il, « offre une leçon de choses des plus amusantes et des plus utiles, et que vraisemblablement on ne verra pas de sitôt ».
Lors de leur passage à Vichy, le shah de Perse en personne vient assister à la représentation du spectacle de Buffalo Bill. Il l’a d’ailleurs « félicité, en déclarant qu’il n’avait jamais rien vu de semblable », évoque un rédacteur de L’Écho Rochelais en septembre 1905, impatient de voir arriver la troupe à La Rochelle.
Après avoir présenté son spectacle dans une centaine de villes françaises, l’inoubliable colonel à la chevelure et à la barbe argentées quittait la France qu’il aimait tant, sans espoir de retour.
Toutefois, l’engouement phénoménal qu’il réussit à susciter avec son célèbre spectacle contribua à ancrer durablement la légende de Buffalo Bill dans les esprits français.