Les dernières datations scientifiques des objets trouvés sur le site de Glozel montrent que la majorité des pièces datent de l’époque médiévale, en particulier du XIIIe siècle. De fait, les analyses et les datations, notamment au carbone 14 se sont multipliés entre le moment de la découverte, en 1924, et 1995, date de parution du rapport définitif sur le site et l’authenticité des artéfacts trouvés. Mais comme le site a été dévasté plusieurs fois par des fouilles sauvages, ces analyses, défavorables au camp des « glozéliens », ont été, fort logiquement, contestées par ceux-ci.
Dans les années 1960 et 1970, les glozéliens ont été soutenus par plusieurs pseudo-historiens partisans de l’« histoire alternative » ou de l’« histoire secrète ». Ceux-ci ont surfé sur le succès éditorial du Matin des magiciens du duo Louis Pauwels et Jacques Bergier (paru en 1960), puis de la revue qui en est née, Planète, qui faisait la promotion de l’irrationnel et du « réalisme fantastique ». Ce courant cherchait à prouver la véracité des thèses scientifiques alternatives (comme la télépathie et autres pouvoirs psychiques, les univers parallèles, les civilisations perdues, les extraterrestres, etc.).
La revue belge d’archéologie alternative, Kadath, défend l’authenticité du site de Glozel depuis sa création en 1973. Ainsi, la revue a publié plusieurs articles, un numéro spécial en 1981 et ses membres ont écrit un livre sur la question, L’Affaire de Glozel paru en 1978 chez Copernic, la maison d’édition du Groupement de Recherche et d’Études sur (puis de) la Civilisation Européenne (GRECE), plus connue sous le nom de la « Nouvelle droite ».
Cette parution chez un éditeur d’extrême droite n’est pas un acte anodin, la Nouvelle droite cherchant à prouver, depuis sa création en 1968, la supériorité de la civilisation européenne et « l’autochtonie » de sa culture vis-à-vis de l’Orient. Glozel et ses fausses tablettes leur offraient ainsi une origine européenne et préhistorique de l’écriture, très antérieure à son apparition au Proche-Orient. Glozel était encore défendu par son principal théoricien, Alain de Benoist, dans les années 2000. Le même défend également l’idée d’une présence viking en Amérique au Moyen Âge. L’affaire de Glozel est donc utilisée à des fins idéologiques.
Malgré tout, Glozel garde des partisans, y compris dans les milieux scientifiques. Ainsi, une association internationale a été créée en 1996, organisant des colloques sur l’objet de leur intérêt. Elle a cessé d’être active vers 2010. La polémique est donc loin d’être close. D’autant que le complotisme contemporain s’y est greffé. En effet, tous ses défenseurs mettent en avant l’idée d’un complot, au soubassement idéologique raciste : les partisans de la « science officielle » (les universitaires, donc) empêcheraient la diffusion de la découverte, par un amateur de surcroît, de l’origine européenne et préhistorique de l’écriture…
La vieille thèse aryaniste de la supériorité de la « race blanche » est comme le diable : elle se cache dans les détails.
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Stéphane François est historien des idées et politologue. Spécialiste des fondations théoriques de l’extrême droite européenne, il est notamment l’auteur de Les Mystères du nazisme : aux sources d'un fantasme contemporain, paru aux PUF en 2015.