Théoricienne, oratrice, Nathalie Le Mel est aussi une femme de combat. Le rapport de la Commission des grâces qui juge son cas au mois d’août 1873 en témoigne :
« Sous la Commune, l’exaltation de son langage n’a pas connu de bornes, et on l’a entendue dans les clubs de l’église Saint-Germain l’Auxerrois, de la Trinité, de Notre-Dame de la Croix, prêcher les théories les plus subversives. De concert avec la nommée Dmitrieff, elle a rédigé le 6 mai un manifeste qui est au dossier p. 42, et qui dans les termes les plus violents, appelle aux armes les femmes de Paris.
Enfin, lors de l’entrée des troupes régulières dans Paris, à la tête d’un bataillon d’une cinquantaine de femmes, elle a construit la barricade de la place Pigalle, et elle y a arboré le drapeau rouge.
‘Vous êtes des lâches, disait-elle aux gardes nationaux... Si vous ne défendez pas les barricades, nous les défendrons’. »
Pendant l'insurrection et surtout lors de la Semaine sanglante qui fracasse les espoirs révolutionnaires, Le Mel est partout, dans les clubs de paroles comme sur les barricades.
« Nathalie Le Mel est au premier rang avec Varlin, revenu de Belgique. Elle combat par la parole, rallie les résistants à la cause, se dépense fébrilement.
Puis, c'est la Semaine Sanglante, alors, elle paie de sa personne, sur les barricades. N'a-t-on pas proclamé l’égalité de droits et des devoirs de l’homme et de la femme ?
Elle fait le coup de feu sur la barricade des Dames, vers la place Pigalle. »
Elle est arrêtée par les « Versaillais » le 21 juin et passe devant le Conseil de guerre le 10 septembre 1872. Pour la plupart des commentateurs des débuts de la IIIe République, Nathalie Le Mel est en premier lieu coupable d'être une femme hors norme.
« Mariée à un honnête ouvrier relieur, qu'elle a rendu le plus malheureux des hommes ; mère de trois enfants, parmi lesquels figure une jeune fille de seize ans, Nathalie Lemel est une forte personne de quarante-cinq ans qui, aux joies intimes du foyer, a préféré les enivrements de la tribune. »
Lorsque le président l'interroge sur sa participation aux combats, elle ne se dérobe pas.
« D. Vous avez joué un rôle à la barricade de la place Pigalle ?
R. Il y a eu environ une cinquantaine de femmes de bonne volonté qui ont construit la barricade de la place Pigalle le lendemain de l'entrée des troupes dans Paris. J'étais parmi ces femmes, c'était encore vrai ; mais je n'avais pas d'armes ; je ne suis jamais sortie de Paris pour combattre. [...]
D. Dans quel but éleviez-vous cette barricade ?
R. Dans un but de défense contre ceux qui assassinaient. »